"Ni l'Asie ni la Chine ne nous font peur "

Publié le 26/03/2011 à 00:00, mis à jour le 16/10/2013 à 20:48

"Ni l'Asie ni la Chine ne nous font peur "

Publié le 26/03/2011 à 00:00, mis à jour le 16/10/2013 à 20:48

Par Diane BĂ©rard

Le salut des pâtes et papiers passe par l'international ; par conséquent, celui d'AbitibiBowater aussi. Pendant que la demande de papier journal chutait de 250 000 tonnes en Amérique du Nord, en 2010, elle explosait de 800 000 tonnes ailleurs dans le monde. Le nouveau pdg d'AbitiBowater, Richard Garneau, estime que son entreprise est bien placée pour conquérir de nouveaux marchés... en autant qu'elle réussisse à contrôler ses coûts.

J'ai rencontré Richard Garneau au siège social d'AbitibiBowater, au cinquième étage de l'édifice Sun Life, à Montréal.

Diane Bérard - L'ancienne direction d'AbitibiBowater a réduit le personnel de 39 % et les coûts de 880 millions de dollars. AbitibiBowater affiche son profit d'exploitation le plus élevé en quatre ans. La vie est belle, n'est-ce-pas ?

Richard Garneau - Les usines les moins concurrentielles ont été fermées. Maintenant, il faut s'assurer d'être rentable, même lors des creux de cycle. C'est loin d'être gagné.

D.B. - En quarante ans dans cette industrie, combien avez-vous vécu de cycles ?

R.G. - (rires) Je ne sais plus. Mais ils sont de plus en plus courts ! J'ai l'impression qu'ils reviennent tous les trois ou quatre ans. Et, depuis dix ans, après chaque creux, nous redémarrons à un niveau plus bas qu'au précédent. En 2000, il s'est consommé 13 millions de tonnes de papier en Amérique du Nord. En 2011, on prévoit une demande de cinq millions de tonnes.

D.B. - Depuis le temps qu'on sait, dans votre secteur, que le papier est en voie de disparition, vous avez certainement élaboré un plan B. Quel est celui d'AbitibiBowater ?

R.G. - Ce n'est pas si simple. Nous n'avons pas un plan B, mais plutôt des plans B, parce que tous les marchés ne sont pas en déclin. Prenons le cas de l'Amérique du Nord : la consommation générale baisse, certes, mais il y aussi une transition vers d'autres produits. On assiste à la montée des nouvelles locales. Au lieu de lire le New York Times (NYT) ou le USA Today, la population lit des journaux régionaux. C'est un marché prometteur, mais qui exige une nouvelle stratégie. Comme le tirage de ces journaux s'avère bien en deçà de celui du NYT, nos vendeurs doivent accrocher davantage de clients. Et puis, il faut ajuster la production à des lots plus petits. Par ailleurs, pendant que l'Amérique du Nord réduit sa consommation totale de papier, l'Amérique du Sud, elle, en consomme davantage. Le demande pour les journaux croît de concert avec le niveau d'éducation. J'ajouterai que certaines de nos usines sont parfaites pour l'exportation. Je pense à celles de Baie-Comeau et de Clermont, en bordure du fleuve Saint-Laurent.

D.B. - Les marchés d'exportation compensent donc largement la baisse de consommation de papier en Amérique du Nord...

R.G. - Les chiffres sont plus qu'encourageants. Un exemple : en 2010, la demande totale de papier journal a chuté de 250 000 tonnes en Amérique du Nord et augmenté de 800 000 tonnes sur tous les marchés étrangers combinés. Toutefois, AbitibiBowater n'est pas la seule papetière. Pour conquérir ce marché, il faudra contrôler nos coûts mieux que nos concurrents.

D.B. - Tous les secteurs craignent l'Asie, surtout la Chine. Est-ce votre cas ?

R.G. - Ni l'Asie en général ni la Chine en particulier ne nous font peur. Nous jouissons d'un avantage important sur cette région : ici, les forêts abondent, pas là-bas. Leur papier est donc fabriqué à partir de fibre recyclée. Or, on ne peut pas réutiliser la fibre éternellement. Les Chinois doivent donc se réapprovisionner souvent, ce qui augmente leurs coûts. Au Canada, nous produisons notre papier avec de la pâte vierge, nous pouvons donc le réutiliser plusieurs fois.

D.B. - Parlons de nos voisins du Sud. Vont-ils bientôt recommencer à acheter notre bois de sciage ?

R.G. - Pas avant 2012, peut-être 2013. Pour l'instant, nous rongeons notre frein. Depuis trois ans, les mises en chantier ne dépassent pas 500 000 par année. En temps normal, elles atteignent 1,2 million par an, soit un peu plus du double. Et la reprise n'est pas pour cette année, car le stock de maisons invendues demeure trop élevé. Nos scieries ont beau être concurrentielles, si notre principal client ne commande pas, que voulez-vous qu'on fasse ?

D.B. - Vous venez de la filière financière. Cela explique-t-il votre obsession pour le contrôle des coûts ?

R.G. - C'est ma principale préoccupation, et je vais vous expliquer pourquoi. Saviez-vous que chaque fois que le dollar canadien s'apprécie d'un cent par rapport à la devise américaine, AbitibiBowater perd 22 millions en profits ? Tout ce qu'on perd à cause du taux de change, nous devons le récupérer au moyen du contrôle de nos coûts. Et je peux vous dire que, pour l'instant, ce n'est pas le cas.

D.B. - Un autre plan de compression est-il prévu ?

R.G. - Je n'aime pas l'expression " plan de compression ", je préfère " plan d'optimisation " (sourire).

D.B. - Peu importe l'expression, le résultat est le même : " couper " (sourire).

R.G. - Non, les compressions ne constituent pas un résultat. Le résultat, c'est d'être plus concurrentiel.

D.B. - Donc, un autre plan d'optimisation est-il prévu ?

R.G. - La restructuration est presque terminée. Nous croyons que les 19 usines que nous avons conservées ont un avenir.

D.B. - Peut-on trop couper ?

R.G. - Non, pas si vous utilisez des points de repère (benchmark). Je travaille dans cette industrie depuis quarante ans, je sais ce qui est requis pour exploiter une usine de façon efficace : la quantité d'eau et d'électricité, le niveau de production, les statistiques en santé- sécurité, etc.

D.B. - Vaut-il mieux effectuer une seule vague de compressions ou y aller par étapes ?

R.G. - Si vous disposez des ressources suffisantes et que votre usine est encore profitable, allez-y par étapes. Par contre, si vos activités sont déficitaires, une action draconienne s'impose. C'est la seule manière de sauver certains emplois et de conserver une présence dans la région.

D.B. - Vous n'avez pas fermé d'usines chez AbitibiBowater. Mais au cours de votre carrière, vous l'avez fait quatre fois. Que se passe-t-il dans la tête d'un dirigeant en pareille occasion ?

R.G. - Je pense à mes proches qui ont vécu un licenciement et je comprends comment les gens en face de moi se sentent. Mais je songe aussi aux emplois qu'on conserve. Doit-on préserver 150 emplois, ou plutôt en perdre 500 ? Comme dirigeant, vous n'avez pas le choix, il faut afficher un profit à la fin de l'exercice. Faire de l'argent est mal vu au Québec, mais une usine qui n'en fait pas est condamnée.

Le contexte

AbitibiBowater sort d'une restructuration de 21 mois, une traversée du désert au cours de laquelle la papetière s'est mise à l'abri de ses créanciers. Comme c'est souvent le cas, l'entreprise a tourné la page en nommant un nouveau président.

Richard Garneau est entré en poste le 1er janvier dernier. L'occasion est bonne de sonder la vision de ce vieux routier qui cumule 40 ans dans l'industrie des pâtes et papiers.

Saviez-vous que...

La seule usine d'AbitibiBowater en dehors de l'Amérique du Nord se trouve en Corée du Sud. Elle compte pour 4 % de la production du groupe.

Richard Garneau a comme passe-temps la restauration d'antiquités. Il les restaure et sa femme les peint.

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