Après l'ouverture des marchés des véhicules et des logements, les Cubains vont avoir accès au crédit bancaire, avec la publication jeudi d'un décret permettant à des catégories encore limitées de particuliers d'emprunter de l'argent à leur banque.

À partir du 20 décembre, travailleurs indépendants, agriculteurs privés et tout Cubain qui veut réparer ou construire son logement pourra aller demander de l'argent à sa banque, une petite révolution dans un pays très peu bancarisé.

Le décret, signé du président Raul Castro et publié jeudi au Journal officiel, "régule la politique de crédit et les services bancaires destinés à appuyer le développement des productions agricoles, l'exercice du travail indépendant et d'autres modèles de gestion" hors du secteur public, résume le quotidien officiel Granma.

En octobre, Cuba comptait quelque 338 000 travailleurs indépendants et 150 000 agriculteurs privés ayant reçu des terres d'État en usufruit. La moitié des travailleurs indépendants, les "cuentapropistas", largement encouragés depuis un an, exercent dans les domaines des transports et de la restauration.

L'organe du Parti communiste de Cuba (PCC) souligne également que l'ouverture du crédit bénéficiera également aux particuliers qui entreprennent des travaux pour leur logement, ce qui ouvre l'accès au crédit à un grand nombre potentiel de Cubains.

Les agriculteurs privés pourront "solliciter des crédits pour l'achat et la réparation de matériels et d'outils et toute autre activité qui contribue à augmenter la production agricole", affirme le décret.

De même, les travailleurs indépendants auront accès au crédit bancaire pour "financer l'achat de biens et matériels pour déployer leurs activités", selon le décret.

Les crédits se feront en pesos cubains (CUP) et les modalités des prêts seront définies librement entre les banques et les emprunteurs. Parallèlement au CUP, circule à Cuba une autre monnaie, le peso convertible (CUC, qui vaut 24 CUP) utilisé par la majeure partie des services, notamment le tourisme, et pour les produits d'importation.

Le décret permet également aux travailleurs indépendants d'ouvrir des comptes bancaires courants, alors que jusqu'à présent, la plupart ne pouvaient disposer que de comptes d'épargne. Même si avec un salaire moyen de l'ordre de 20 $ US par mois, peu de Cubains ont développé une culture de l'épargne.

Seuls un nombre réduit de particuliers disposent aujourd'hui d'un compte bancaire courant: les artistes qui voyagent à l'étranger ou les professionnels - surtout dans le secteur de la santé - qui réalisent des missions dans des pays étrangers.

Le reste de la population effectue généralement ses transactions en liquide et de nombreux investissements sont réalisés grâce à l'argent envoyé par les familles depuis l'étranger, les "remesas", qui atteignent environ un milliard $ US par an, selon les estimations des Nations unies.

Cette ouverture du crédit s'inscrit dans le cadre des réformes lancées cette année par le gouvernement pour "actualiser" le système économique cubain calqué sur le modèle soviétique des années 70.

Elle devrait également permettre de fluidifier deux nouveaux marchés qui sont nés ces dernières semaines avec l'autorisation accordée aux Cubains, pour la première fois depuis un demi-siècle, d'acheter et vendre des véhicules et des logements.