«On ne veut pas les obliger à choisir entre prendre soin de leur parent et travailler», prévient Marie-Ève Beauchamp Legault, candidate au doctorat - Comportement organisationnel et gestion des ressources humaines. (Photo: Dario Valenzuela pour Unsplash)
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RHÉVEIL-MATIN. De la bienveillance et de la flexibilité: c’est ce dont les proches aidants de votre équipe ont besoin pour conjuguer entre leurs différentes responsabilités, affirme Marie-Ève Beauchamp Legault, candidate au doctorat – Comportement organisationnel et gestion des ressources humaines.
En 2018, au moment où la chercheuse au Pôle Santé HEC Montréal s’est penchée sur la question, 21% des Québécois âgés de 15 ans prenaient soin d’au moins un proche, rapportait en 2022 l’Institut de la statistique du Québec. Ce sont 57% d’entre eux qui occupaient aussi un emploi.
Il est donc impératif, croit-elle, que les entreprises prennent conscience du rôle qu’elles ont à jouer pour les épauler, puisque leur nombre est amené à croître au rythme du vieillissement de la population.
Surtout, elles doivent éviter de punir ces travailleurs qui doivent jongler entre leur emploi et le bien-être de la personne sur laquelle ils veillent. «On ne veut pas les obliger à choisir entre prendre soin de leur parent et travailler», prévient l’une des autrices du rapport paru le 4 avril 2023 How do Informal Caregivers of Seniors’s Tasks Lead to Presenteeism and Abstenteeism Behaviors? A Canadian Qunatitative Study.
Dans le cadre de son étude, elle a d’ailleurs constaté que les travailleurs qui approchent l’âge de la retraite vont quitter plus rapidement le marché de l’emploi pour s’occuper d’un conjoint malade. Offrir des mesures de conciliations de vie professionnelle et personnelle pourrait ainsi éviter de perdre de tels travailleurs d’expérience.
D’une pierre deux coups, elles pourraient aussi servir d’arguments pour attirer d’autres candidats qui veillent sur un proche, car on démontre que l’employeur prend soin de tous les rôles des membres de son équipe, ajoute-t-elle.
Flexibilité
Contrairement à ce à quoi Marie-Ève Beauchamp Legault s’attendait, ce ne sont pas les tâches chronophages qui empiètent le plus sur l’emploi des proches aidants. C’est plutôt de prévoir et d’organiser des rendez-vous avec les spécialistes de la santé pour prodiguer les soins qui impactent le plus leur performance.
«Ça exacerbe le conflit entre vie personnelle et travail, ça épuise les gens, ce qui va les mener à faire du présentéisme et de l’absentéisme, a-t-elle observé. En un mois, ces tâches ne prennent pourtant en général qu’une heure. L’impact est donc démesuré par rapport au temps qui y est consacré.»
Dans son rapport, elle dénote d’ailleurs «qu’aucune autre tâche n’est liée de manière considérable au conflit famille-travail».
Si l’employeur ne peut faciliter la navigation de ses salariés dans les dédales du système de santé, il peut faire preuve de flexibilité pour alléger la pression qui les plombe, un peu comme pour les parents de jeunes enfants.
«Il faudrait que ces accommodements – tel d’arriver plus tard au bureau lorsqu’on doit prendre des rendez-vous avec les spécialistes – soient également offerts aux proches aidants, martèle-t-elle. La réalité, c’est que les gens vont faire ce genre de tâche sur leurs heures de travail. […] C’est d’ailleurs peut-être pour ça que cette tâche a le plus d’impact sur l’emploi de ces gens.»
En plus de créer une culture d’entreprise pour épauler les proches aidants, les organisations doivent s’assurer que tous les gestionnaires comprennent quelles sont les responsabilités supplémentaires qui incombent à ces travailleurs.
Bienveillance
D’après la chercheuse spécialisée en santé et sécurité au travail, ce qui nourrit leur fatigue émotionnelle, c’est justement le manque de compréhension du rôle, car ils sont tiraillés par les demandes qui fusent de toute part, est-il indiqué dans le rapport.
En plus, «c’est difficile de voir ton parent en perte d’autonomie, mais peut-être que ton milieu de travail ne te permet pas de ventiler, de vivre tes émotions, fait-elle remarquer. J’imagine que c’est prenant de garder ça en dedans, de peur de trop en parler et que ça affecte ta carrière.»
Ainsi, elle est d’avis que les organisations doivent davantage être bienveillantes à leur égard, même si elles constatent que certains font preuve de présentéisme. «On a tendance à voir ça négativement. Mais pour un proche aidant d’ainé, ça peut faire du bien, de ne pas remplir que ce rôle-là», conclut Marie-Ève Beauchamp Legault.
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