Une douloureuse réalité, malheureusement insoupçonnée... (Photo: Luis Galvez/Unsplash)
BLOGUE. Les évaluations de performance individuelle. Les études scientifiques abondent à leur sujet, ces temps-ci, et elles tendent à montrer qu’elles sont «anxiogènes», «inadaptées», «coûteuses» et «parfaitement inefficaces». Une toute dernière vient d’ajouter un nouveau qualificatif à cette longue liste, celui de «sexiste».
C’est du moins ce que ressort d’une étude intitulée The gender gap in self-promotion et signée par : Christine Exley, professeure de gestion des affaires à la Harvard Business School, et Judd Kessler, professeur d’économie à la Wharton School. Regardons ensemble de quoi il retourne…
Les deux chercheurs ont eu la curiosité de regarder si les hommes et les femmes se comportaient différemment dès lors qu’il s’agissait de faire de l’autopromotion. Par exemple, lorsqu’il convient de s’attribuer les mérites d’un succès professionnel, ou encore de souligner juste un bon coup qu’on a réalisé au travail.
Pour s’en faire une idée, ils ont demandé à 1.500 personnes volontaires d’effectuer un test de réflexion doté de 20 questions, puis de s’autoévaluer avant de connaître leur véritable performance au test. La moitié était des hommes, l’autre, des femmes.
Résultats? En général, les participants – hommes comme femmes – ont eu 10 bonnes réponses sur les 20. Une note de 50%, donc. Et à la question d’auto-évaluation «J’ai bien performé au test»…
– Les hommes ont estimé, en général, que leur note devait avoisiner les 61%.
– Les femmes, elles, les 46%.
L’écart est de 15 points, ce qui correspond à une différence de 25%. Un écart proprement considérable.
Comment l’expliquer? Pas par le surplus de confiance en eux-mêmes que les hommes auraient par rapport aux femmes – pas juste par ce surplus-là –, selon les chercheurs. Car ils ont procédé à un petit exercice pour s’en assurer : avant de dévoiler leur score au test, ils ont indiqué à des femmes qu’elles avaient bien réussi et qu’elles se comparaient avantageusement par rapport aux autres participants, mais cela ne les a pas empêchées de s’attribuer a priori une note systématiquement inférieure à celles que se sont attribuées les hommes.
«Même quand une femme est informée sur sa valeur réelle, elle se sous-estime par rapport à un homme aux compétences égales», résume Mme Exley, en marge de l’étude.
Le hic? C’est que cela a des répercussions considérables sur la carrière des femmes. Les deux chercheurs indiquent ainsi que l’auto-promotion intervient, entre autres, «lorsqu’on rédige une lettre de motivation, passe un entretien d’embauche, négocie un salaire ou rencontre son boss pour l’évaluation de performance annuelle».
«Ce qui freine les femmes lorsqu’il convient de faire de l’auto-promotion, ce n’est pas nécessairement un certain manque de confiance en soi, mais l’inconfort créé par le fait de se ‘péter les bretelles’ devant autrui, explique Mme Exley. Il se peut que cet inconfort provienne de l’éducation, de la culture, de la conscience du contrecoup potentiel qui peut survenir lorsqu’une femme ‘se vante’ face à quelqu’un d’autre.»
Dans le cas de l’évaluation de performance, il est systématiquement demandé à l’employé ce qu’il pense de sa propre performance passée, de souligner ses bons coups, de faire part de ses ratés et des enseignements qu’il en a tirés. Et c’est exactement là que ça coince pour les femmes, selon les deux chercheurs : en général, une employée sous-estimera sa performance, alors qu’un homme, lui, la surestimera; et cette simple différence ferait une énorme différence, au final. Des études montrent, d’ailleurs, que là où un gars gagne 1 dollar au travail, une femme à compétences égales ne gagne que 80 cents…
Bref, les évaluations de performance individuelles sont sexistes, en ce sens qu’elles jouent en défaveur des femmes. C’est aussi bête que ça.
Comment corriger le tir? Une solution radicale peut consister à supprimer toute forme d’évaluation de performance individuelle. De plus en plus d’entreprises, PME comme grandes entreprises, optent en ce sens : un sondage de Gallup a montré l’an dernier que seulement 14% des employés nord-américains considéraient que l’évaluation de performance les incitait vraiment à booster leur productivité…
Une autre solution, moins radicale, peut revenir à mesurer le rendement autrement. Que ce soit en considérant non pas l’individu, mais l’équipe dans son ensemble. Ou encore, en fonctionnant par projet et en effectuant des réunions post mortem chaque fois que l’un d’eux est bouclé, suggère Mme Hexley.
En passant, l’écrivain français Victor Hugo a dit dans ses Proses philosophiques : «Il est impossible d’admirer un chef-d’œuvre sans éprouver en même temps une certaine estime de soi».
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