Dix stratégies pour contrer les effets pervers de la Matrice
Nathalie Francisci|Édition de la mi‑octobre 2024(Photo: Adobe Stock)
EXPERTE INVITÉE. Néo est un nouveau dirigeant qui vient d’être recruté par la multinationale Zion Technologies en tant que patron de la Division Trinity AI.
Quelque temps après son intégration, notre leader découvre la matrice au sein de laquelle il doit s’adapter. Néo se retrouve confus et désorienté. Lui qui avait été recruté pour ses qualités décisionnelles, son sens inné des responsabilités, sa compréhension du plan stratégique et de son implantation, il se retrouve écartelé entre de multiples hiérarchies, un manque de clarté et de transparence qui le frustre et freine ses ardeurs.
La matrice est née avec la mondialisation des marchés dans les années 1960‑1970. Elle visait à réduire les silos qui empêchaient la collaboration, et voulait répondre à la complexité croissante des projets grâce à une gestion efficace des ressources (IBM et General Electric, entre autres, sont considérées comme les précurseures). Ce modèle fonctionne sur papier, car il permet une double ou une triple structure hiérarchique : les employés relèvent à la fois d’un responsable fonctionnel et d’un responsable de projet ou de produit. Cette démarche vise à améliorer la flexibilité, l’allocation des ressources et la communication entre les divisions, mais elle introduit également des défis, notamment en matière de prise de décision claire et de gestion des priorités conflictuelles.
Poussée à l’extrême, la matrice peut générer de l’inefficacité, de la bureaucratie et, ultimement, ralentir la
croissance.
Naviguer efficacement dans la matrice requiert des compétences différentes de celles qui sont requises pour réussir dans l’ancien modèle organisationnel hiérarchique.
La multiplicité des rapports de force amène les gestionnaires de Zion Technologies à devoir composer avec leur hiérarchie à plusieurs têtes. Les personnes qui relèvent de Néo ont aussi des lignes d’autorités fonctionnelles horizontales et diagonales, selon leurs lignes de produits et de services. Si Néo est leur patron direct et qu’il a la responsabilité du budget de la division, incluant les profits et les pertes, ses gestionnaires doivent aussi rendre des comptes à d’autres « patrons informels » en matière de conformité, développement de produit, marketing et ventes à l’échelle mondiale.
Comment Néo va-t-il s’en sortir ?
Savoir lire la carte des parties prenantes — autant formelles qu’informelles — avec empathie, maîtrise de soi et influence pour gérer les conflits sont des compétences essentielles. Pour éviter la frustration et l’épuisement, Néo va devoir travailler avec d’autres personnes en utilisant les multiples canaux de communication pour faire avancer les choses.
En résumé, dans la matrice, tu peux être responsable et imputable des résultats financiers, mais tu dois aussi prendre en considération les impératifs des « collègues » qui ont un mandat global de soutien sur le plan d’affaires. Autrefois, Néo était le « général » de son entité, il est aujourd’hui le « caporal » de sa division d’un vaisseau spatial beaucoup plus gros.
Pour survivre à la matrice, il n’existe pas de pilule magique, mais des stratégies concrètes pour en contrer les effets pervers. Les voici :
- Clarifier les tâches ou les projets à mettre en priorité avec sa haute direction et ses employés pour éviter la confusion et la frustration.
- Exiger de l’imputabilité des gestionnaires pour mitiger la non-performance et faciliter les décisions.
- Rationaliser et optimiser les canaux de communication pour éviter les silos d’information, les malentendus et pour s’assurer que tout le monde est aligné sur les mêmes valeurs et objectifs.
- Accélérer la prise de décision en mobilisant les parties prenantes autour des priorités dominantes de la stratégie globale.
- Favoriser un climat de travail sain et un leadership transparent en réduisant au maximum la compétition interne.
- Alléger les structures le plus possible pour éviter l’incertitude et la pression de répondre aux demandes conflictuelles.
- Comprendre la culture organisationnelle pour aider les employés à surmonter les défis internes et externes, ainsi que pour s’adapter à la matrice pour leur faire prendre conscience du bénéfice à mieux collaborer.
- Adopter des modèles agiles, réduire le nombre de réunions, de points de contrôle et de coordinations nécessaires entre les fonctions.
- Apprendre à faire la différence entre l’urgent et l’important. Focaliser sur la qualité de l’exécution.
- Faire confiance à son équipe et se concentrer sur ce que l’on contrôle plus que sur ce que l’on ne contrôle pas.
Néo était un excellent leader auparavant. Il l’est toujours. Il a le choix de combattre la matrice ou d’apprendre à danser avec elle, en misant sur ses forces de collaboration, de priorisation et son sens inné de la communication. Certes, il a le choix d’abandonner, mais il peut aussi trouver son équilibre en choisissant ses batailles et en misant sur la force de son équipe.