La philanthropie est un investissement, dit Charles Emond
Sophie Chartier|Édition de la mi‑novembre 2024Le PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Charles Emond, est aussi coprésident de la campagne Voir grand de la Fondation CHU Sainte-Justine. (Photo: courtoisie)
PHILANTHROPIE. Coprésident de l’imposante campagne Voir grand de la Fondation CHU Sainte-Justine, le PDG de la Caisse de dépôt et placement (CDPQ) insiste sur l’importance de soutenir nos institutions québécoises de pointe par la philanthropie. Les Affaires l’a rencontré.
Les Affaires : Depuis votre nomination comme PDG de la CDPQ, en 2020, vous avez appuyé plusieurs organismes, comme la Fondation Marie-Vincent ou le Musée des beaux-arts de Montréal, et maintenant, la Fondation CHU Sainte-Justine. Pourquoi est-ce important pour vous ?
Charles Emond : Ç’a toujours été quelque chose d’important pour moi, même avant que je sois à la tête de la Caisse. La première raison est que l’on réalise vite que les besoins sont très importants. La deuxième, c’est qu’il s’agit d’un bel investissement pour notre société. C’est d’investir dans notre capital humain, finalement.
Dans le cas de Sainte-Justine, il y a évidemment le facteur des générations futures qui vient particulièrement me chercher. On intervient vraiment dans la trajectoire de vie des enfants, et ce, dès la grossesse.
C’est également un choix qu’on fait par l’entremise de mes fonctions à la Caisse, parce qu’on veut que toute cette machine, qui est l’épargne de notre société, s’implique auprès de ce type d’établissement. On parle souvent de nos fleurons québécois. Saint-Justine, et j’insiste là-dessus, c’en est un. C’est une organisation de calibre mondial, qu’on a ici au Québec.
L.A. : La campagne vise à amasser 500 millions de dollars (M$), une somme considérable. Pouvez-vous nous parler de la stratégie ?
C.E. : Avant de parler de la campagne, j’aimerais parler brièvement du centre hospitalier. Sainte-Justine, c’est 115 ans d’existence. C’est le plus grand centre mère-enfant du Canada et le plus gros centre de formation pédiatrique du Québec. On forme 80 % des pédiatres du Québec, donc des milliers d’étudiants. C’est un centre de recherche incroyable, où on développe de grandes innovations.
La campagne Voir grand, lancée en 2023, s’échelonne sur cinq ans, donc jusqu’en 2028. Vous avez raison de dire que 500 M$, c’est élevé : c’est la plus grande campagne du Québec réalisée par un seul et même centre hospitalier.
Quand on dit « Voir grand », c’est pour chaque enfant. Avec les avancées actuelles de la science, on voit une révolution dans les soins de santé. On est capable d’offrir des soins extrêmement personnalisés. Alors qu’auparavant, tout le monde recevait le même traitement en fonction de la maladie. Ça évolue à une vitesse surprenante.
Cette campagne ne veut pas remplacer ce que fait déjà le gouvernement, parce qu’il en fait beaucoup, mais il y a des besoins tellement immenses qu’il y a un effort philanthropique du côté du privé qui est nécessaire pour venir compléter cet effort-là.
L.A. : Vous avez utilisé le mot « investissement » pour parler de philanthropie. Considérant que vous êtes à la tête d’une institution orientant les investissements des Québécois, quel message doit-on
en tirer ?
C.E. : Je sais ce que vous tentez de me faire dire et je vais le dire : oui, la philanthropie, ça rapporte ! Une société prospère commence par la santé. Il y a des gens qui contribuent à la Caisse, d’autres qui reçoivent une pension… On le sait, ce sont nos jeunes qui vont prendre soin de nous plus tard. C’est un investissement extrêmement porteur. Sans notre population, on n’a rien. C’est la fondation d’une société.
Je pense également qu’on se doit d’appuyer nos institutions qui se démarquent. Puis, on amène tout un rayonnement autour d’une campagne comme celle-là. Un établissement comme Sainte-Justine attire du talent étranger, amène des chercheurs de renom, favorise l’innovation dont on va bénéficier chez nous, donc c’est un apport énorme pour tout le monde.
L.A. : Il y a de moins en moins de donateurs individuels en philanthropie. Pensez-vous que nous entrons dans une ère où les entreprises doivent reprendre ce flambeau ?
C.E. : Je n’ai malheureusement pas accès à ces statistiques, mais c’est certain que comme coprésident, dans une campagne comme Voir grand, je serai plus amené à être en contact avec des donateurs de sommes importantes, plutôt que de simples citoyens.
Toutefois, dans des cas comme Sainte-Justine, je crois que le volet de dons individuels a toujours son importance. C’est une belle combinaison des deux.
Les dons d’entreprises sont très importants, oui, mais il ne faut pas oublier que derrière ces organisations donatrices, il y a des gens. Beaucoup de personnes sont touchées par cette cause-là, soit parce qu’ils ont dû fréquenter eux-mêmes le centre hospitalier, ou simplement parce qu’ils connaissent l’importance de miser sur notre jeunesse.