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Il n’y a pas que les gros chèques en philanthropie

Sophie Chartier|Édition de la mi‑novembre 2024

Il n’y a pas que les gros chèques en philanthropie

Le Manoir du café, un café et un torréfacteur de Baie-Comeau soutient la maison de fin de vie, le comptoir alimentaire, l’Association des handicapés adultes de la Côte-Nord, l’hôpital, l’équipe de hockey junior-majeur par un fond d’études pour les joueurs, et bien d’autres initiatives encore. (Photo: courtoisie)

PHILANTHROPIE. Une meilleure structure en philanthropie peut sembler plus accessible aux grandes entreprises qu’à celles, plus modestes, qui donnent lorsqu’elles le peuvent. Les PME moins fortunées qui souhaitent renforcer leur soutien peuvent le faire en sortant des sentiers battus.

Le Manoir du café, un café et un torréfacteur de Baie-Comeau fondé en 1992 — qui vient d’ailleurs d’acquérir le microtorréfacteur Café Charlevoix, à Baie-Saint-Paul —, compte une trentaine d’employés. Certifié B Corp, le café est connu dans la région pour son côté philanthropique. Il soutient la maison de fin de vie, le comptoir alimentaire, l’Association des handicapés adultes de la Côte-Nord, l’hôpital, l’équipe de hockey junior-majeur par un fond d’études pour les joueurs, et bien d’autres initiatives encore.

« C’est plus difficile pour une PME de donner que pour une grosse entreprise, dit Jérôme Caron, copropriétaire. Les marges sont minces dans notre industrie. Si je veux faire un don en argent, je dois être certain d’avoir les revenus pour le faire. »

Les risques sont également plus grands pour une petite organisation, selon Jérôme Caron. « Moi, tout le monde connaît mon visage, ici, à Baie-Comeau, dit-il. Si une commandite ne se passe pas bien, on va en parler dans toute la ville. Alors que si quelqu’un a un mauvais service chez McDonald’s, ça ne va absolument rien changer. Donc, il faut faire un peu de politique là-dedans. »

L’envie de se lancer

Florence Petit-Gagnon, cofondatrice de Nooé, une plateforme en ligne qui facilite les liens entre des milliers de fondations et des entreprises donatrices, croit que dans le contexte économique difficile actuel, l’effort philanthropique peut en effet paraître important pour les PME. « On voit que les dirigeants sont un peu désemparés, dit-elle. Ils ne savent pas trop comment inclure les bonnes pratiques dans leur plan. Ils sont de bonne foi, mais avec tous les problèmes qu’ils ont à régler constamment, il peut arriver que la philanthropie tombe en bas de la liste de
priorités. »

Pour les petites entreprises qui voudraient tout de même s’impliquer, Florence Petit-Gagnon suggère de ne pas se mettre trop de pression. « L’important, c’est d’avoir le désir de faire une différence, dit-elle. L’image du chèque géant est encore trop présente. Ce n’est pas nécessaire d’en faire autant. Une entreprise qui arrive à débloquer 1000 $ ou 2000 $, ça peut déjà être beaucoup pour une cause. »

Laetitia Shaigetz, présidente de l’agence-conseil en philanthropie Épisode, suggère aux PME désireuses de renforcer leur structure philanthropique et qui ne sauraient pas où donner de la tête de prendre un point de départ bien personnel. « Quand on travaille avec des PME, on leur suggère toujours de d’abord s’ancrer dans leurs valeurs, leurs raisons d’être, dit-elle. Quand on part de l’ADN de l’entreprise, ça permet de développer quelque chose qui a beaucoup plus de sens, et qu’on sera beaucoup plus capable de maintenir dans le temps également, parce que ça a du sens. La structure n’a pas à être trop imposante au départ, l’important, c’est d’avoir cette impulsion. »

Dans la communauté

Nul besoin d’aller très loin pour rencontrer des organismes ou des fondations qui accueilleront une aide à bras grands ouverts. Les expertes interrogées observent un autre facteur de réussite pour la stratégie des PME dans la construction de liens basés sur la proximité et la communauté locale. « Les PME qui ont de plus petits budgets à mettre dans les dons vont s’accrocher à des ressources un peu plus proches géographiquement de leur lieu d’opération, dit Laetitia Shaigetz. Cela a quand même du sens dans la mesure où on souhaite avoir une portée, on veut concentrer nos efforts dans quelque chose qui aura un effet dans la communauté. »

Florence Petit-Gagnon trouve cet aspect très inspirant, dit-elle. « On peut lire dans l’Étude sur les tendances en philanthropie 2024 d’Épisode que les PME en général sont de plus en plus conscientisées, et elles ont ce souci d’une implication locale que je trouve vraiment intéressant. »

Il s’agit d’une idée que partage évidemment Jérôme Caron, qui veut appuyer la communauté qui permet à son entreprise de prospérer. « Les gens apprécient ça. Je pourrais donner ces sommes-là à Pedro, au Costa Rica, qui a une ferme de café, dit-il. Mais les gens d’ici dépensent chez nous et même si l’économie va bien à Baie-Comeau, la pauvreté existe aussi. »

Mettre toutes les chances de son côté

Voici trois conseils que Florence Petit-Gagnon donne aux petites et moyennes entreprises pour les aider à réussir le déploiement de leur stratégie philanthropique : 

1. Convertissez des budgets existants en dons

 « C’est quelque chose qu’on aimerait voir devenir une tendance, dit-elle. Surtout à la période des fêtes, de nombreuses entreprises envoient des paniers-cadeaux à leurs clients. Plutôt que d’acheter du matériel, des stylos, des tuques avec le logo de l’entreprise, pourquoi ne pas utiliser ces montants pour faire un don en leur nom ? Ça devient beaucoup plus personnel. »

2. Impliquez les employés dans la stratégie 

« C’est encore plus simple de sonder l’équipe lorsqu’elle est petite ! Ça peut aussi passer par un comité, officiel ou ad hoc. C’est beaucoup plus engageant et agréable de redonner en équipe, c’est plus facile de donner une sorte d’étincelle. En plus, ça renforce l’esprit d’équipe. »

3. Choisissez des partenairesqui partagent vos valeurs

« Que ce soit en s’alliant avec une plateforme comme Nooé, ou simplement en s’alliant à des organisations qui ont des objectifs communs, ça rend la chose beaucoup plus facile. Cela dit, il faut se donner le temps de rencontrer ces partenaires, de les connaître et s’assurer que ça colle. »