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Une quarantaine pour les prêts aux entreprises!

Le courrier des lecteurs|Publié le 25 mars 2020

COURRIER DES LECTEURS. Les banques canadiennes et les caisses tiendront le sort de nombreuses PME entre leurs mains.

COURRIER DES LECTEURS. Au cours des derniers jours, le gouvernement fédéral et certaines provinces ont annoncé une série de mesures pour venir en aide aux entreprises dans le cadre de la crise sans précédent que nous traversons, mesures qu’il faut saluer. Mais il faut comprendre que leur impact réel repose sur les banques canadiennes et les caisses, qui tiendront le sort de nombreuses PME au pays entre leurs mains au cours des prochains mois. 

Desjardins et les six grandes banques canadiennes ont annoncé des mesures pour soutenir les particuliers et les petites entreprises, notamment un sursis de paiement des prêts hypothécaires. Mais ce sera au cas par cas, et rien n’a été annoncé pour les moyennes entreprises. Les actions que les banques et les caisses poseront envers les PME seront cruciales au cours des prochaines semaines et des prochains mois, car ensemble, celles-ci forment le cœur de notre économie avec près de 90% des emplois au pays.

 

Il faut plus que l’aide gouvernementale

Pour faire face aux difficultés à venir, les entreprises pourront notamment compter sur le programme de crédit aux entreprises annoncé par le ministre Morneau, qui sera disponible incessamment par l’entremise de la Banque de développement du Canada, d’Exportation et développement Canada. Nul doute que pour profiter de ce programme et des programmes provinciaux, les entreprises devront déposer une demande, ce qui nécessitera inévitablement un certain délai de plusieurs semaines avant qu’elles puissent obtenir ce financement crucial. Et entre temps, ces entreprises risquent de faire face à un resserrement de leurs conditions de crédit, voire un rappel de prêt de la part de leur banque.

La réalité est la suivante: les entreprises auront besoin plus que jamais de liquidités au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Face à la crise, les revenus des entreprises baissent déjà de manière significative, mais leurs dépenses, composées de nombreux coûts fixes comme les loyers et les prêts bancaires, ne baissent pas proportionnellement. Elles se dirigent donc ultimement vers des pertes importantes.

Nul besoin d’avoir fait carrière pendant plus de 25 ans dans le domaine bancaire comme moi pour savoir que lorsque les conditions de crédit octroyées par les banques ne sont plus respectées par les entreprises, elles peuvent rappeler les prêts pour mitiger leur risque. De quoi mettre la survie des entreprises en péril plus que jamais dans le contexte actuel. Plusieurs d’entre elles sont donc susceptibles de se voir retirer par les banques le respirateur qui leur donne le peu d’oxygène dont elles ont besoin pour traverser la crise en diminuant ou en leur retirant les marges de crédit dont elles disposent, faute de respecter leurs conditions de crédit.

 

Un rôle à jouer pour les banques et les caisses

Le gouvernement, grâce aux mesures annoncées récemment, permet aux banques de disposer d’un afflux de liquidités pour aider davantage l’économie, et les entreprises. Bien qu’elles demeurent des entreprises privées avant tout qui doivent veiller aussi à l’intérêt de leurs actionnaires, les banques ont le devoir d’en faire profiter nos PME, alors qu’elles tenteront d’obtenir le financement qui leur permettra de rester en vie.

Cela implique de sursoir aux changements de conditions de crédit et/ou rappels de prêts tant et aussi longtemps que les entreprises ne seront pas arrivées au bout de leurs démarches pour obtenir ce crédit de secours.

Autrement, il y a à craindre que les banques, en rappelant leurs prêts sans attendre la fin des démarches, précipitent prématurément des entreprises vers la fin alors qu’il y aurait eu une issue à l’horizon. Et d’entraîner ainsi de nombreuses pertes d’emplois, qui sont le gagne-pain d’un grand nombre de nos concitoyens.

De la même façon qu’on demande aux Canadiens qui reviennent de l’étranger de se mettre en quarantaine, pourquoi ne pas demander aux banques de mettre les prêts des entreprises en quarantaine le temps qu’elles attendent le soutien gouvernemental?

Les PME sont trop importantes pour notre économie pour faire autrement.

 

François Beaudoin

Ancien président de la Banque de développement du Canada et président du conseil de la Société financière Walter