Les programmes publics de retraite tiennent le coup

Publié le 26/05/2023 à 14:00

Les programmes publics de retraite tiennent le coup

Publié le 26/05/2023 à 14:00

Le nombre de bénéficiaires de la pension de base de la sécurité de la vieillesse augmentera de 53% entre 2020 et 2035. (Photo: 123RF)

Alors que l’économie se démondialise, les programmes de retraite gouvernementaux et privés sont confrontés à des «défis que l’économie mondiale n’a pas connus depuis des décennies», selon le Mercer CFA Institute Global Pension Index 2022: hausse de l’inflation, augmentation de la dette publique, hausse des taux d’intérêt, hausse des températures, guerre en Ukraine.

Et ce n’est pas tout. Le nombre de bénéficiaires de la pension de base de la sécurité de vieillesse (SV) augmentera de 53% entre 2020 et 2035, passant de 6,6 millions en 2020 à 10,1 millions en 2035, selon le 16e rapport actuariel sur le Programme de la sécurité de la vieillesse produit par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Actuellement, les retraités reçoivent 691$ par mois jusqu’à concurrence d’un revenu individuel de 79 845$ pour 2021. Cela signifie que les dépenses annuelles passeront de 46,3 milliards de dollars (G$) en 2020 à 94,3G$ en 2035, pour atteindre 195,5G$ en 2060.

 

La sécurité de la vieillesse ne représente toujours qu’une petite partie du PIB

Cela fait beaucoup de chiffres et de contraintes qui augmentent. Cela entraînera-t-il une baisse des prestations de retraite? Apparemment non, car le programme de la SV semble encore assez solide. «Lorsqu’on fait des projections, la croissance économique fait en sorte que la capacité du gouvernement à payer les prestations de retraite est supérieure à l’augmentation des prestations elles-mêmes ; autrement dit, les dépenses augmentent moins que les revenus», affirme Denis Latulippe, actuaire et professeur agrégé à l’École d’actuariat de l’Université Laval.

En ce qui concerne les dépenses de la SV, le BSIF prévoyait que, malgré un quasi-doublement, le coût du programme atteindrait un pic de 3,1% du PIB aux alentours de 2035, pour redescendre ensuite à 2,63% du PIB en 2060, «ce qui est comparable aux niveaux historiques du début des années 1990», explique M. Latulippe. La révision plus récente du 17e rapport actuariel, qui complète le précédent, n’a guère modifié ces projections: le pic de 3,12% du PIB serait atteint en 2030, avant de retomber à 3,03% en 2040, 2,77% en 2050 et 2,63% en 2060.

 

La SV: payer au fur et à mesure

La corrélation entre les dépenses de la SV et le PIB est certainement intéressante, mais la corrélation la plus révélatrice est celle qui concerne le budget du gouvernement fédéral. Il ne faut pas oublier que les prestations de la sécurité de la vieillesse, qui comprennent les prestations du supplément de revenu du gouvernement (SRG) pour les personnes âgées les plus pauvres, proviennent directement des dépenses du gouvernement. La SV, à la différence du RPC, est un régime payé à même les dépenses courantes.

Les chiffres sont rassurants, à première vue: en 2012, les dépenses totales de la sécurité de la vieillesse se sont élevées à 41,1G$, soit 5,7% des recettes fédérales totales de 711,5G$.

Les chiffres établis précédemment font partie du scénario de base du BSIF. Le Bureau propose également une croissance économique plus faible, avec un taux d’activité plus bas (76,2% contre 79,2% dans le scénario le plus optimiste), des augmentations salariales très faibles (0,3%) et un taux de chômage plus élevé (8,2% contre 6,2%). Dans ce scénario, les dépenses de la SV augmentent encore pour atteindre un niveau relativement modéré de 3,78% du PIB en 2060.

Toutefois, certaines hypothèses retenues dans tous les scénarios du BSIF s’avèrent douteuses. L’une des principales projections est celle d’un taux d’inflation de 2,0% entre 2021 et 2060, une hypothèse discutable. Par exemple, sous la pression de l’inflation récente, les prestations de la sécurité de la vieillesse ont été indexées en 2023 de 6,3%.

Il y a des chances que l’inflation diminue, mais il y a tout autant de chances qu’elle reste bien au-dessus de la cible de 2% de la Banque du Canada dans un avenir prévisible. Si tel est le cas, la SV pourrait représenter une part nettement plus importante des dépenses fédérales, ce qui exercerait une pression accrue sur le budget fédéral.

 

Le Canada fait bonne figure sur la scène internationale

Une comparaison internationale jette un éclairage plutôt favorable sur le système de retraite public du Canada. En pourcentage du PIB, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a fixé le niveau en 2017 des dépenses publiques au Canada à 4,8% du PIB et à 11,6% des dépenses publiques totales, soit des niveaux parmi les plus bas des pays avancés.

Nos chiffres diffèrent quelque peu de ceux indiqués ci-dessus, ce que nous ne pouvons pas expliquer entièrement. Denis Latulippe indique que les chiffres liés au PIB doivent être interprétés en termes de gains ou de revenus collectifs d’une économie, qui représentent environ 50% du PIB. Par conséquent, lorsque les prestations de la SV sont affichées à 3,1% du PIB en 2035, elles doivent être recalculées à environ 6% du PIB.

Aux États-Unis, par exemple, les dépenses publiques consacrées aux prestations de retraite représentaient 7,1% du PIB et 18,4% des dépenses publiques. En France, ces chiffres sont de 13,6% et 24,2%, en Australie, de 4,0% et 10,9%. Les moyennes de l’OCDE sont de 7,7% et 18,4%. Ces chiffres indiquent que le Canada dispose encore d’un coussin relativement confortable par rapport à d’autres économies avancées.

Le Mercer Pension Index classe le système de revenu de retraite du Canada au 13e rang parmi 44 systèmes, avec une note globale de 70,6. La note moyenne est de 63, l’Islande et les Pays-Bas remportant la palme avec des notes de 84,7 et 84,6, tandis que les États-Unis et la France se situent à 63,9 et 63,2.

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