Les pdg tendent à gonfler les bénéfices pour s'assurer de meilleures rentes

Publié le 28/11/2009 à 00:00

Les pdg tendent à gonfler les bénéfices pour s'assurer de meilleures rentes

Publié le 28/11/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Les pdg qui bénéficient d'un régime supplémentaire de retraite lié au rendement de leur entreprise ont tendance à gonfler les bénéfices à court terme dans les dernières années de leur emploi pour maximiser leurs prestations de retraite.

Cela se fait de multiples façons, par exemple en réduisant les dépenses en recherche et développement (R-D), même si ces décisions sont prises au détriment du rendement de l'entreprise à moyen terme.

C'est ce que concluent deux études réalisées par le professeur Paul Kalyta, de la Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill.

La première étude a porté sur un échantillon de 388 pdg d'entreprises américaines figurant au Fortune 1000. Elle révèle que les 172 pdg du groupe qui bénéficiaient d'un régime supplémentaire de retraite lié à leurs primes avaient enjolivé les résultats lors des quatre années qui précédaient leur retraite, de façon à maximiser les bénéfices.

" Ils n'ont rien fait d'illégal, mais ils ont joué avec l'amortissement, la valeur des stocks et les projections de liquidités, dans le but d'augmenter les chiffres des bénéfices à court terme ", dit M. Kalyta.

Or, ces pratiques ont un effet négatif sur le rendement boursier des entreprises à moyen terme, dit le chercheur. En effet, le rendement boursier de ces entreprises après la retraite du pdg était en moyenne de 5,3 % inférieur à ceux des autres entreprises. Pour ceux qui ont gonflé de façon plus importante leurs résultats à court terme, Paul Kalyta a calculé un écart de rendement de 8,3 %.

Phénomène comparable au Canada

Paul Kalyta a produit une autre étude portant sur les pdg des 60 plus importantes sociétés canadiennes inscrites à la Bourse de Toronto.

Publiée en 2008 dans la revue Strategic Management Journal, elle démontre que les pdg canadiens ayant un régime de retraite lié au rendement de l'entreprise avaient tendance à réduire les dépenses en R-D, en maintenant les projets les plus rentables à court terme et en éliminant ceux qui offraient le plus de valeur à long terme.

Matière à réflexion pour les administrateurs

" Il est clair que ces pdg ont visé leur bénéfice personnel, même si cela signifiait de compromettre l'avenir de leur entreprise. Mes recherches soulèvent d'importantes questions morales et sociales, surtout lorsque ces mêmes entreprises sabrent dans le régime de retraite de leurs employés ", dit M. Kalyta.

Michel Magnan, de l'Université Condordia, a été le directeur de thèse de doctorat de M. Kalyta. Il souligne les retombées des recherches de ce dernier : " Dans le cas de la première étude, c'est la première fois qu'on établit l'impact des régimes de retraite des pdg sur le bilan financier. Il y a eu des études sur l'octroi d'options, mais pas sur les régimes de retraite. "

M. Magnan estime que ces recherches vont inciter les administrateurs de sociétés à se poser de sérieuses questions avant de tenir compte des primes au rendement - qui doublent parfois le salaire des dirigeants - dans l'établissement des prestations de retraite. " Les prestations de retraite peuvent être versées pendant 30 ou 40 ans et elles sont versées au conjoint survivant. Si elles sont basées sur une ou deux bonnes années de primes, les administrateurs se retrouvent avec une rémunération hors de contrôle ", dit M. Magnan.

Jérôme Côté, responsable de la rémunération auprès du Groupe Hay, n'est pas étonné des résultats obtenus par M. Kalyta. Ceux-ci prouvent que lier la rente au rendement de l'entreprise n'est pas une saine pratique.

Selon M. Côté, les nouvelles règles de divulgation de la rémunération des dirigeants, entrées en vigueur au Canada en 2008, vont inciter les investisseurs à examiner de plus près les régimes de retraite des pdg. La décision récente des banques canadiennes de tenir un vote consultatif sur la rémunération des dirigeants en est un bon exemple, dit M. Côté.

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