Le travail, antidote au vieillissement


Édition de Octobre 2017

Le travail, antidote au vieillissement


Édition de Octobre 2017

[Photo: Martin Flamand]

En plus d'être bon pour la collectivité, le travail aurait des vertus thérapeutiques antivieillissement. Travailler pour mieux vieillir, pourquoi pas ?

Depuis plus de trois ans, Roger Noël est officiellement retraité, après 41 ans de service à l'Université de Sherbrooke. Or, tous les jours depuis sa «retraite», à raison de plus de 40 heures par semaine (et souvent plus), ce comptable de 71 ans se rend au boulot chez l'ACET (Accélérateur de création d'entreprises technologiques), un incubateur d'entreprises qu'il a fondé en 2011. Son occupation : trouver du financement pour transformer des projets étudiants en entreprises fructueuses. «Chaque jour, je pars en mission. C'est ma façon de contribuer à la société en créant de la valeur. C'est super enrichissant !» déclare ce Sherbrookois.

Selon lui, il ne pourrait maintenir son niveau d'énergie actuel sans ce travail passionnant, qui lui permet de demeurer actif intellectuellement et de conserver son réseau de contacts professionnels, qu'il chérit énormément. «Puisque je m'investis totalement dans mon travail, je n'ai même pas le temps de m'attarder à mes bobos, qui sont le lot des personnes de mon âge. Ma philosophie : si on aime son travail, le travail nous gardera en bonne santé», dit ce septuagénaire d'un ton convaincant.

Travailler pour rester en bonne santé, Roger Noël serait-il tombé sur la tête ? Le boulot n'est-il pas plutôt source de stress, de fatigue, d'épuisement professionnel, de maux de dos ou de tendinites ?

Oui, mais... le travail n'a pas que des impacts négatifs sur la santé. Selon le type d'emploi, il serait aussi efficace pour contrer les effets du vieillissement que les oméga-3. Alors, faudrait-il travailler plus longtemps pour mieux vieillir ? Cette idée, préconisée par Roger Noël et une armée de travailleurs septuagénaires ou octogénaires, n'est pas complètement farfelue.

«Actuellement, les recherches sur les effets du travail à un âge avancé sur le cerveau sont très à la mode», affirme Sylvie Belleville, directrice scientifique au Centre de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Et leurs conclusions ne sont pas toujours appréciées par les promoteurs de la retraite précoce. Par exemple, des recherches de l'Université de Liège, en Belgique, ont établi qu'en Europe, dans les pays où l'âge obligatoire de la retraite est plus tardif, le fonctionnement de la mémoire chez les personnes âgées est meilleur. «Ces résultats provoquent la controverse en Europe, car ils remettent en question les politiques de retraite obligatoire qui ont cours dans plusieurs pays européens», explique cette professeure au Département de psychologie de l'Université de Montréal.

En plus des bienfaits sur la cognition, le travail agit comme répulsif à la maladie d'Alzheimer. Une étude de 2014 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), en France, qui a analysé les données de près de 430 000 personnes retraitées, a démontré que pour chaque année supplémentaire de travail, le risque de développer la maladie d'Alzheimer était réduit de 3 %. L'étude conclut ainsi qu'en faisant passer de 60 à 65 ans l'âge de la retraite, on est en mesure de réduire ce risque de 15 %.

«C'est énorme ! Cette étude confirme la nécessité de maintenir ses fonctions cognitives stimulées et d'entretenir un important réseau social comme moyen de prévention des maladies neurodégénératives», explique Nouha Ben Gaied, directrice recherche et développement à la Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer, organisme qui s'intéresse entre autres aux moyens de prévention des maladies neurodégénératives.

Chargé de cours à l'École de design de l'Université du Québec à Montréal, Guy Lévesque, 69 ans, trouve la plupart des retraités assez déprimants. «Ils ne sont que dans le négatif. Ils rouspètent contre les jeunes, les vieux, les gouvernements, les taxes, etc. Je ne suis pas capable de les endurer», confie ce retraité du cégep du Vieux-Montréal. Plutôt que de jouer au golf avec des râleurs, il préfère côtoyer des jeunes qui croquent dans la vie à pleines dents. «Leur intelligence vive me stimule. Ça m'aide à rester jeune», témoigne ce résident de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui n'entend pas ralentir de sitôt.

De l'avis des experts, le travail n'est pas l'unique façon de contrer l'affaiblissement des facultés intellectuelles. On peut arriver au même résultat positif en demeurant très actif physiquement et intellectuellement, comme en s'impliquant bénévolement dans un organisme ou en s'adonnant à une passion pour l'écriture de romans, par exemple. «Toutefois, le danger avec un passe-temps, c'est que l'intérêt peut rapidement décliner, alors que le travail impose des responsabilités qui nous obligent à nous lever tous les jours pour les assumer», explique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l'École des sciences de l'administration à la TÉLUQ, de l'Université du Québec, et spécialiste de la question du travail et du vieillissement.

Les études démontrent que les cols blancs seraient plus affectés par le départ à la retraite que les cols bleus, qui accomplissent souvent des tâches plus contraignantes ou plus répétitives. Malgré tout, même les emplois manuels, par exemple un travail sur une chaîne de montage, contribuent à freiner le ralentissement du cerveau. «Des études montrent que le simple fait de demeurer actif et d'entretenir un réseau social au travail apporte des effets bénéfiques», dit Sylvie Belleville, qui a dirigé l'ouvrage Vieillir en santé, c'est possible ! qui donne des trucs aux 65 ans et plus pour contrer le vieillissement.

Le travail contribue aussi au maintien d'une bonne santé mentale. Si nous aimons notre boulot, le corps va produire des endorphines stimulant nos neurotransmetteurs, ce qui contribue à notre bonheur. «Il est prouvé que les gens ayant une bonne santé mentale jouissent d'une meilleure santé générale», souligne Diane-Gabrielle Tremblay. À l'opposé, la retraite n'est pas toujours une partie de plaisir. Avec la fin de la routine, la perte du statut professionnel et la diminution des contacts sociaux, en plus des problèmes de santé qui peuvent survenir, la dépression guette de nombreux retraités. Dans une étude de 2014, l'Institut de la statistique du Québec indique que les signes de la dépression sont présents chez 20 % des personnes âgées. «Plusieurs retournent justement au travail pour redonner un sens à leur vie», dit Nouha Ben Gaied.

Au-delà de notre santé personnelle, le prolongement de la vie active devient de plus en plus une nécessité pour l'ensemble de notre société vieillissante, car le poids des retraités pèse de plus en plus lourd sur nos régimes de retraite, mettant en péril leur pérennisation.

La cause : l'augmentation de l'espérance de vie, qui est passée de 71 ans en 1965 à 82 ans en 2013, ce qui a entraîné un allongement de la durée de la période de versement des prestations de retraite à partir de 65 ans, de 11 ans à 21 ans. Qui plus est, la proportion de travailleurs, ceux qui financent les régimes de retraite publics, par rapport au nombre de retraités a été complètement modifiée. Alors que l'on comptait, en 1966, 8,2 personnes âgées de 20 à 64 ans pour chaque personne âgée de 65 ans et plus, on n'en compte plus que 3,5 en 2015. Cette proportion passera à 2 à compter de 2030, indiquent les données du Régime des rentes du Québec (RRQ).

«Résultat : le financement de la retraite devient de plus en plus difficile collectivement, mais aussi individuellement. Les Québécois doivent eux-mêmes accumuler un patrimoine de plus en plus important afin de maintenir leur train de vie sur une période de retraite de plus en plus longue, et ceci, dans un contexte de fort taux d'endettement», explique Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec (CPQ), lobby qui souhaite repousser l'âge officiel de la retraite de 65 à 67 ans.

Le Québec vit aussi une situation particulière en Amérique du Nord, où le vieillissement de la population se fait à un rythme plus rapide et où les travailleurs prennent leur retraite plus tôt qu'ailleurs, soit à 62 ans, contre 63 ans dans l'ensemble du Canada. «Depuis deux ans, il y a plus de gens qui quittent le marché du travail que de gens qui y entrent», souligne Yves-Thomas Dorval. Pas surprenant alors qu'avec un taux de chômage à son plus bas niveau en 40 ans, avec un creux de 5,8 % en juillet dernier, les employeurs éprouvent de plus en plus de difficulté à recruter de la main-d'œuvre.

L'enjeu, selon Yves-Thomas Dorval, va au-delà de la nécessité de combler les besoins des employeurs et d'assurer la pérennisation des régimes de retraite. «C'est une question de prospérité. Une plus grande participation sur le marché du travail signifie une plus grande productivité. Donc, plus de création de richesse», soutient celui que l'on désigne comme le patron des patrons.

Le CPQ espère l'adoption d'une série de mesures gouvernementales, notamment des modifications au système fiscal, afin d'encourager les Québécois, de plus en plus en forme à l'âge officiel de la retraite, à demeurer le plus longtemps possible sur le marché du travail, où les emplois physiquement difficiles se raréfient. «Les entreprises doivent également faire leur part à ce chapitre, en proposant des solutions créatives qui prennent en compte les aspirations des employés plus expérimentés», reconnaît Yves-Thomas Dorval.

Comment maintenir les plus expérimentés au travail ? Tania Saba, professeure en relations industrielles à l'Université de Montréal, parle d'accommodements raisonnables. «On peut proposer des horaires flexibles, du temps partiel, des tâches allégées, le retrait de l'obligation de répondre aux courriels en dehors des heures de bureau, etc.», dit-elle.

La formation doit aussi redevenir une priorité. «Actuellement, on considère au Québec que les travailleurs doivent eux-mêmes maintenir leurs compétences au fil du temps. Mais ce n'est pas toujours évident dans une société où tout évolue très rapidement. Il faudrait que l'État prenne un rôle plus actif dans ce domaine», explique Diane-Gabrielle Tremblay, de la TÉLUQ. Même son de cloche d'Yves-Thomas Dorval, qui donne l'exemple de cours sur l'univers numérique pour les 60 ans et plus.

Si de telles mesures sont mises en place, des collègues de travail de 70 ans et plus, ça pourrait devenir la norme prochainement. Ça risque de parler «Viagra» à la machine à café !

Même les emplois manuels, par exemple un travail sur une chaîne de montage, contribuent à freiner le ralentissement du cerveau.

3 %: Réduction du risque de développer la maladie d'Alzeimer pour chaque année de travail supplémentaire.

5,8 %: Taux de chômage au Québec en juillet. Les employeurs ont de plus en plus de difficulté à recruter de la main-d'oeuvre.

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