L'hypothèque inversée: un nouveau plan de retraite ?

Publié le 14/08/2015 à 09:54

L'hypothèque inversée: un nouveau plan de retraite ?

Publié le 14/08/2015 à 09:54

Par Véronique Champagne

Les prêts hypothécaires inversés ont bondi de 23 % en 2014, selon la Banque HomEquity, pour un volume record de 319 millions de dollars. Alors que près de 30 % des Canadiens approchent la retraite avec moins de 50 000 $ en épargne, cette tendance est-elle là pour durer… et à quel prix ?

Denis Doucet, directeur de la formation auprès des courtiers Multi-Prêts, remet les pendules à l’heure : « L’hypothèque inversée est un produit spécialisé qui vise une niche de clients bien précise. »

« Au fur et à mesure que les baby-boomers arrivent à la soixantaine, on remarque bien évidemment un plus grand nombre de personnes cadrant avec le profil des détenteurs d’hypothèques inversées, mais l’adoption du produit demeure marginale. D’ailleurs, après cette vague, il y aura forcément un creux », ajoute l’expert.

L’hypothèque inversée : pour qui ?

Rappelons que l’hypothèque inversée permet à une personne d’utiliser en partie la valeur de sa maison pour emprunter des liquidités. En contrepartie, la valeur nette de la propriété en paie le prix. Au Canada, seule la firme HomEquity accorde des hypothèques inversées.

Contracter une hypothèque inversée – aussi appelé le Programme canadien de revenu résidentiel (PCRR ou CHIP, en anglais) – n’est pas la voie vers la dolce vita. Denis Doucet précise plutôt le cas classique : « Les hypothèques inversées sont une façon pour des personnes âgées de conserver leur maison et de maintenir une qualité de vie correcte pendant un certain temps, par exemple en attendant des soins de longue durée. »

Michel Gariépy de l’Autorité des marchés financiers (AMF) nuance : « Les hypothèques inversées peuvent être intéressantes pour des gens qu’on qualifie de House rich/Cash Poor, en anglais. Par exemple, un couple qui a acheté une maison sur le Plateau Mont-Royal pour une bouchée de pain il y a 40 ans : leur maison vaut maintenant une fortune, et ils ne souhaitent pas déménager de la maison qui a vu grandir leurs enfants. »

En somme, la possession d’un actif immeuble désirable et le souhait de le conserver malgré de bas revenus est au cœur de la démarche vers l’hypothèque inversée. Sans aucun doute, le poids du facteur émotif joue dans l’équation… et dans la décision de plusieurs. En effet, selon une étude de HomEquity, ce sont 60 % des Canadiens qui considèrent que le fait de garder leur maison est critique pour leur qualité de vie à la retraite.

Le prix à payer aujourd’hui…

« Les personnes qui se tournent vers les hypothèques inversées ne seraient bien souvent pas éligibles à une nouvelle hypothèque ou à une nouvelle marge hypothécaire, résume Denis Doucet. Comme ils n’ont pas assez de revenus – la source de leur problème –, ils ne passeraient pas au crédit pour ces produits bancaires. »

Or, grand bien leur fasse, HomEquity ne fait aucune étude de crédit avant d’accorder un prêt hypothécaire inversé. Plutôt, la firme évalue la valeur de la maison et de son territoire comme marché immobilier afin de déterminer la somme accordée aux détendeurs. On correspond au profil ? Bingo, à nous le magot.

Naturellement, à des emprunteurs aux options limitées dans leur recherche de liquidités, on ne fait pas de cadeaux…

« Pour une hypothèque inversée, il n’y a pas de négociation possible sur le taux. Aucun rabais concurrentiel : on paie le taux affiché », dit M. Doucet.

Au bout du compte, on paie plus cher en taux d’intérêt pour une hypothèque inversée que pour n’importe quel autre produit hypothécaire. Avantage de taille, toutefois : au quotidien, on ne débourse rien de rien.

... et le prix à payer demain

Ce n’est qu’à la vente de la maison ou qu’au décès des propriétaires de la maison que la banque réclame l’argent emprunté. En général, comme la valeur d’une maison tend à croître et que la valeur de l’hypothèque inversée ne couvre qu’un maximum de 55 % de la valeur totale de la maison, il n’y a alors pas de débours comme tel pour les vendeurs ou les héritiers... mais l’accumulation des intérêts sur le prêt pendant des années aura probablement grugé la valeur résiduelle de la maison.

« Certaines personnes disent que les hypothèques inversées font perdre leur maison aux personnes âgées… ce n’est quand même pas le cas ! » clame Denis Doucet. « Mais comme les détenteurs d’hypothèques inversées se servent de l’équité de leur maison pour vivre, ils ne peuvent pas s’attendre en plus à avoir beaucoup d’argent en vendant leur maison. »

Michel Gariépy est d’avis que le plus grand désavantage – ce prix à payer demain – touche surtout la succession : « Si elle comptait sur la maison, à cause des intérêts cumulés sur le capital emprunté au fil des ans, la valeur sur laquelle elle misait peut-être sera amputée. »

Denis Doucet est catégorique quand il entend dire que l’hypothèque inversée « vole » la succession : « Dans le cas où on n’a pas accumulé assez pour faire les deux, est-ce qu’on profite d’une vie agréable à la retraite ou on se prive d'une qualité de vie pour laisser quelque chose à sa succession ? C’est un choix de vie. »

Certes, être confronté à ce dilemme n’est pas un plan de retraite de rêve auquel aspirer, mais les hypothèques inversées permettent au moins à ceux qui n’ont pas assez de revenus mais qui sont propriétaires d’un bien immeuble désirable de peut-être avoir ce choix.

 

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