Décaisser sans se ruiner

Offert par Les affaires plus


Édition de Mars 2016

Décaisser sans se ruiner

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Édition de Mars 2016

[illustration : Sébastien Thibault]

Révolue, l'époque où un douillet portefeuille sécuritaire permettait de vivre des intérêts de ses placements, à l'abri du stress et du besoin. En raison de la chute des taux d'intérêt, les retraités doivent naviguer entre sécurité et rendement. Comment faire les bons choix ?

«Je ressens beaucoup d'empathie envers les investisseurs qui arrivent à la retraite dans un contexte où les taux d'intérêt sont si bas, car il devient très ardu de protéger leur capital sans sacrifier le rendement», lance Léon Lemoine, planificateur financier chez Gestion Ethik, à Brossard. La moyenne d'âge de sa clientèle est de 68 ans. Il est donc bien au fait de l'impact des bas taux d'intérêt sur les stratégies de décaissement des placements.

Si la résolution de ce dilemme est complexe, il est simple à comprendre : en général, les retraités se soucient surtout de protéger le capital accumulé pendant leur vie active. Ils rééquilibrent leur portefeuille d'investissement en transférant leurs avoirs dans des placements hautement sécuritaires tels que des certificats de placements garantis, des obligations gouvernementales ou d'entreprise, ou encore des rentes viagères. En pleine phase d'accumulation, un portefeuille peut contenir jusqu'à 70 % de titres axés sur le rendement, mais susceptibles de connaître des hauts et des bas très prononcés, comme des actions. Une fois l'investisseur à la retraite, les stratégies traditionnelles inversent cette répartition, et les titres moins volatils représenteront de 70 à 80 % du portefeuille.

«Le problème, c'est qu'à cause de la baisse des taux d'intérêt, ces produits offrent un rendement anémique, souvent égal ou inférieur à l'inflation, ce qui fait qu'en y laissant notre argent très longtemps, on s'appauvrit, explique Léon Lemoine. Or, les retraités vivent de plus en plus longtemps. Ils doivent donc continuer à faire croître leur capital, même à la retraite, surtout si ce capital n'est pas très élevé. Cependant, les produits qui offrent du rendement présentent plus de volatilité et de risque.»

Des stratégies à revoir

Cette nouvelle réalité oblige à abandonner une grande partie des idées reçues sur la valeur à long terme des placements, sur les revenus qu'on peut en tirer et sur la gestion du risque.

«L'idée de vivre uniquement des intérêts tirés d'un portefeuille sécuritaire à la retraite n'est plus tellement réaliste, explique Frédérick Bouchard, directeur associé du service investissement au cabinet en services financiers Planica, de Québec. Bloomberg et la Banque du Canada calculent qu'au début des années 1980, un capital de 250 000 dollars permettait de générer 50 000 dollars par an dans un portefeuille sécuritaire, mais que de nos jours, il faut 2,2 millions de dollars pour produire le même revenu.»

Alors, que faire ? Désormais, selon lui, les retraités devraient conserver un portefeuille très diversifié, qui comporte jusqu'à 50 % en moyenne de titres plus volatils, mais qui offre une meilleure perspective de rendement. Cette moitié du portefeuille servira à générer le rendement à long terme, alors que l'autre moitié sera constituée de placements plus sécuritaires et plus liquides, que l'on pourra décaisser tranquillement. «La retraite est plus longue, mais cela signifie que l'horizon de placement aussi s'allonge, note-t-il. On a l'habitude de dire qu'un retraité ne pourra pas se remettre d'une correction boursière de son vivant, mais quand la retraite s'étire sur 25 ou 30 ans, ce n'est plus aussi vrai.»

Cette nouvelle réalité invite à revoir la notion de risque associée à la période de décaissement. Si les retraités choisissent des produits à faibles rendements comme les CPG ou les obligations gouvernementales, c'est par désir de protéger leur capital. Or, c'est peut-être la meilleure manière de le mettre en danger. «Le risque d'épuiser son capital avant terme est probablement plus grand que celui de le perdre en raison d'une forte correction boursière, souligne Anne-Marie Girard-Plouffe, planificatrice financière chez Option Fortune, un cabinet montréalais de gestion de patrimoine et services financiers. De la même manière, il faut considérer la perte de valeur d'un montant placé dans un CPG dont le rendement est inférieur à l'inflation comme un risque, puisqu'on s'appauvrit pendant cette période.»

Selon elle, il faut conserver à l'abri du risque ce que l'on souhaite décaisser dans les quatre ou cinq prochaines années, et utiliser le reste pour régénérer le capital. En ce sens, la volatilité perçue par plusieurs comme un risque devient une alliée. «C'est la volatilité qui produit le rendement», rappelle la planificatrice financière.

Regarder ailleurs

Une fois cette stratégie adoptée, encore faut-il bien gérer la partie du portefeuille qui génère de la croissance. Une fois de plus, il faut modifier notre perception de certains produits, rappelle Léon Lemoine. En plus des CPG et des obligations gouvernementales, qui offrent des rendements peu élevés, certains produits privilégiés par les retraités, comme les actions privilégiées de sociétés canadiennes, qui distribuent des dividendes réguliers, et les obligations d'entreprises canadiennes pourraient connaître des années difficiles en raison d'un ralentissement économique.

Heureusement, il existe des produits intéressants pour la partie croissance d'un portefeuille, dont certains présentent même un certain degré de sécurité qui plaira aux investisseurs en période de décaissement. Léon Lemoine en mentionne principalement quatre :

> Les obligations d'entreprises internationales sur trois à cinq ans, notamment américaines, mais aussi celles de marchés émergents.

> Les obligations gouvernementales de marchés émergents. «On parle ici d'États qui, sans être des superpuissances, ont des cotes de crédit de A ou de AA, et fournissent des rendements qui varient de 3 à 7 %,» précise-t-il. Des pays comme le Chili ou la Chine sont à considérer.

> Les obligations d'entreprises américaines. Ici, pour une fois, les bas taux d'intérêt jouent en faveur des investisseurs, puisqu'ils alimentent une meilleure performance des entreprises.

> Les actions privilégiées américaines.

Léon Lemoine prévient toutefois de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. «Nous privilégions toujours les fonds communs pour ce type de produits, ce qui aide à se protéger des aléas du marché», soutient-il.

De son côté, Frédérick Bouchard invite à considérer l'utilisation du domicile comme source de revenus, afin d'éviter d'entamer le capital trop tôt. Une stratégie facilitée par les faibles taux d'intérêt. «Il est possible d'aller chercher 100 000 dollars en refinançant la maison avec des taux qui dépassent à peine 2 %, dit-il. On peut utiliser ce montant et laisser travailler pendant ce temps la partie du portefeuille axée sur la croissance. Cela permet de générer plus de capital et de raccourcir la période de décaissement.»

Dans le bon ordre

L'ordre de décaissement des investissements jouera aussi un rôle crucial pour maximiser le rendement de ses investissements, ajoute Léon Lemoine. On constate que les retraités décaissent d'abord les montants placés dans des outils de placement non enregistrés, puis ceux qui se trouvent dans un CELI. «Ces retraits ne sont pas imposables, explique-t-il. On suggérera donc en général de les décaisser en premier et de laisser les placements enregistrés prendre de la valeur.»

Cependant, attention. Il n'est pas recommandé de décaisser totalement ses placements non enregistrés. Ces montants peuvent être utiles en cas de coup dur, si vous avez besoin de liquidités rapidement. En l'absence de tels placements non enregistrés, vous seriez obligés de piger une somme importante dans vos REER, ce qui ferait augmenter votre impôt.

Par ailleurs, si vous ne comptez pas sur un régime complémentaire de retraite, vous pouvez retirer jusqu'à 2 000 dollars d'un FERR en bénéficiant du crédit d'impôt fédéral pour revenu de pension.

«Il est certain que le contexte actuel oblige les gens à modifier leurs attentes quant à ce qu'ils pourront tirer de leurs placements, conclut Léon Lemoine. Toutefois, en planifiant bien le décaissement et en choisissant les bons produits, il est possible de générer un revenu de retraite tout à fait acceptable, et surtout, d'éviter de manquer d'argent en chemin.»

LES CONSEILS DE NOS EXPERTS

1 Conserver plus longtemps un portefeuille diversifié et équilibré entre les placements sécuritaires et les titres axés sur le rendement. Une formule de 50-50 convient bien en période de bas taux d'intérêt.

2 Éviter de trop déplacer son capital vers des produits garantis, mais qui offrent un rendement inférieur à l'inflation.

3 Inclure dans la gestion du risque le danger d'épuiser le capital avant terme, et celui de voir le capital perdre de la valeur dans des produits dont le rendement est inférieur à l'inflation.

4 Pour la partie du portefeuille axée sur le rendement, regarder vers des fonds communs de placement qui comprennent une vaste part de titres internationaux, les rendements des obligations et des actions canadiennes risquant d'être à la baisse au cours des prochaines années.

5 Envisager la possibilité de refinancer une partie de la maison et utiliser ces liquidités en début de retraite, plutôt que de commencer à décaisser.

6 Bien synchroniser le décaissement pour tenter de conserver toujours le même taux d'imposition, en commençant par les placements non enregistrés et des sommes accumulées dans des CELI. Le fait de décaisser ne devrait jamais faire passer un retraité à un taux d'imposition supérieur.

7 Conserver une certaine partie de ses placements non garantis et liquides pour faire face aux coups durs sans augmenter ses impôts.

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