Perdre son emploi sans déchirer sa famille


Édition de Avril 2020

Perdre son emploi sans déchirer sa famille


Édition de Avril 2020

Par Catherine Charron

(Photo: Les Affaires)

SURVIVRE À LA CRISE. Les emplois perdus dans la foulée de la pandémie de ­COVID-19 dépassent le million au ­Canada. Autant de gens qui devront annoncer à leurs proches la perte de leur ­gagne-pain.

Chose certaine, un parent devra décider avec son ou sa conjointe de la meilleure façon de communiquer la mauvaise nouvelle au reste de la famille. Le psychologue organisationnel Richard Marcotte conseille aux travailleurs nouvellement sans emploi de prendre le temps de réfléchir à la manière d’annoncer cet important changement dans leur vie, et d’éviter de se précipiter. « ­Donnez-vous quelques heures, voire quelques jours, mais ne tardez pas trop : plus vous attendrez, plus la tâche deviendra anxiogène », prévient celui qui pratique à son compte depuis près de 25 ans.

Soyez transparent

Taisez cette information et elle deviendra lourde à porter. La meilleure façon de s’épargner le poids de la honte est de parler à sa famille, aussi difficile que cela puisse paraître, ajoute le psychologue.

Adaptez votre discours selon la capacité de vos enfants à comprendre et à gérer cette information, suggère Richard Marcotte. Créez un environnement dans lequel ­ceux-ci se sentiront à l’aise de poser leurs questions. « ­Laissez-les venir à vous. Une réponse trop hâtive peut empirer le problème. Ne chargez pas les enfants d’information qu’ils auront de la difficulté à traiter sur les plans émotif et intellectuel », conseille le professionnel qui a déjà travaillé auprès de la ­DPJ et de centres jeunesse.

Misez sur la transparence lorsque vous ferez l’annonce de la perte de votre emploi, en donnant l’heure juste sur les répercussions de cette nouvelle situation sur le quotidien de toute la famille. « ­Démontrez à vos enfants que quelqu’un est en charge, qu’il y a un capitaine à la barre du bateau », illustre le psychologue, qui cite le calme et la confiance du directeur national de la ­Santé publique ­Horacio ­Arruda dans sa gestion de la pandémie de ­la COVID-19 en exemple. Cette conversation peut se faire en plusieurs étapes, car vous n’aurez probablement pas toutes les réponses aux questions que vos enfants pourraient vous poser. Le reconnaître est important, bien que ça prenne beaucoup de maturité de la part du parent, admet Richard Marcotte. 

Définissez un plan de match

La meilleure manière de rassurer votre marmaille – et aussi ­vous-même – sera d’établir un plan de match pour les finances du ménage. Ce qui importe, d’abord et avant tout, c’est de réaménager son budget, disent de concert ­Louise ­Brosseau, fondatrice de la fintech goFinja, et ­Julie ­Raîche, ­vice-présidente régionale de la ­Banque ­Nationale et présidente du conseil d’administration de l’Institut québécois de la planification financière (IQPF).

­Peut-être ­profiterez-vous d’une indemnité de départ de votre ancien employeur ou d’une aide financière provinciale et fédérale. À coup sûr, vous parviendrez à faire des économies en faisant le tri de vos dépenses. Après les avoir séparées entre essentielles et discrétionnaires, ­comparez-les à vos revenus. Vous pourrez ensuite observer votre marge de manœuvre, explique ­Louise ­Brosseau.

Remettez en question chacune de vos dépenses non essentielles. Pour citer la célèbre question de ­Pierre-Yves ­McSween, demandez-vous si vous en avez vraiment besoin. Même du côté des dépenses essentielles, vous pouvez faire des économies, en regardant par exemple les circulaires pour faire vos achats en épicerie, ou en renégociant vos contrats de télécommunication ou d’assurance pour réduire les paiements, sans couper dans les services, assure ­Louise ­Brosseau.

Gardez en tête que plusieurs dépenses sont saisonnières, créant des fluctuations entre les mois. « ­Vous réaliserez ­peut-être que vous ferez des économies ce ­mois-ci ou, au contraire, que vous aurez de grosses dépenses à faire », illustre ­Louise ­Brosseau. Depuis le début de la crise sanitaire causée par ­la COVID-19, les banques peuvent accorder des reports de votre paiement hypothécaire ou allonger la période d’amortissement, selon la situation particulière du client, rappelle ­Julie ­Raîche.

Si, après avoir passé vos dépenses au peigne fin, il vous reste un important manque à gagner, vous pourriez toujours vous tourner vers le crédit. Évaluez les montants auxquels vous avez accès et les taux d’intérêt qui sont liés aux différents produits (marge de crédit hypothécaire, marge de crédit personnel ou carte de crédit). Vous pourriez aussi penser à réduire temporairement au minimum le remboursement de vos dettes existantes et utiliser les liquidités libérées pour faire des dépenses essentielles. Veillez toutefois à ne pas manquer un seul paiement, car ceci laissera des traces à votre dossier, prévient la ­vice-présidente de l’IQPF, qui suggère de parler de votre situation à votre créancier.

Dans le cas où vous avez un fonds d’urgence, ce dernier peut être mis à contribution pour payer les dépenses essentielles et éviter l’endettement. Ce coussin ne vous dispense toutefois pas de faire un examen scrupuleux de vos dépenses, s’entendent pour dire ­Julie ­Raîche et ­Louise ­Brosseau. Si, après quelques mois, vous n’êtes toujours pas parvenu à vous trouver un emploi au salaire équivalent, vous devrez penser à revoir vos dépenses structurelles, comme l’habitation, les moyens de transport ou l’éducation privée des enfants, poursuit Louise Brosseau. 

Travaillez en équipe

Bien que ces sacrifices soient temporaires, ils amèneront leur lot de réflexions. En effet, ­Louise ­Brosseau recommande de prendre le temps de penser à votre rapport à l’argent et à ces dépenses auxquelles il est difficile de renoncer. Quels besoins cherchez-vous réellement à combler avec ces dépenses ?

Nos décisions budgétaires sont basées sur un système de valeurs. Elles pourraient être différentes de celles de votre partenaire de vie, souligne ­Louise ­Brosseau. Elle suggère aux conjoints de faire des compromis et, pourquoi pas, de faire appel à une tierce partie dans votre analyse. Même son de cloche du côté de ­Julie ­Raîche, de l’IQPF, qui estime que ce regard extérieur permet d’avoir des discussions plus rationnelles.

Louise ­Brosseau voit là une occasion d’éduquer vos enfants sur leur rapport à l’argent. « ­On a une discussion franche et ouverte, et on leur explique le plan de match. Ils apporteront ­peut-être même des solutions, ­croit-elle. Ils vont vous surprendre. »

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