«Les effets des GLP-1 semblent s'étendre non seulement à la satiété alimentaire, mais aussi à l'envie de drogue et à divers autres troubles du comportement (par exemple, les achats compulsifs).» (Photo: 123RF)
On pourrait bientôt ajouter le tabagisme, la consommation d’alcool, le trouble de l’usage du cannabis et même le magasinage compulsif à la liste des conditions que la molécule possiblement la plus connue de la planète depuis quelque temps, le sémaglutide, est en mesure de traiter.
Tout d’abord développés pour le traitement du diabète de type 2, les agonistes du récepteur au «glucagon-like peptide-1» (GLP-1) (comme l’exénatide, le liraglutide, le dulaglutide et le sémaglutide) ont vu leur popularité exploser quand on a constaté qu’ils pouvaient favoriser une perte de poids chez certains patients, notamment en augmentant le sentiment de satiété.
La communauté scientifique détecte maintenant ce qu’on appelle dans le milieu des «signaux» prometteurs pour combattre le tabagisme et le trouble de l’usage du cannabis, réduire la consommation d’alcool, et même aider à contrôler le magasinage compulsif.
«Les effets des GLP-1 semblent s’étendre non seulement à la satiété alimentaire, mais aussi à l’envie de drogue et à divers autres troubles du comportement (par exemple, les achats compulsifs), impliquant le plaisir perçu de la consommation de substances», peut-on ainsi lire dans une étude publiée cet été par le journal Brain Sciences.
Ces différents comportements ont en effet en commun qu’ils activent les mécanismes de récompense du cerveau ― cette douce euphorie occasionnée par la première cigarette du matin ou l’achat d’un nouveau téléviseur ― et ce sont ces mécanismes que le sémaglutide et les autres molécules du même genre pourraient être en mesure d’influencer.
Les preuves scientifiques demeurent pour le moment bien minces, a dit le docteur Didier Jutras-Aswad, un médecin psychiatre du service de psychiatrie des toxicomanies du CHUM, mais il y a quand même des raisons d’être «optimistes».
«Je prêche habituellement la prudence, parce qu’il y a de nombreuses découvertes supposément ‘miraculeuses’ qui, finalement, n’ont rien donné pour la population, a-t-il rappelé. Je pense que [le sémaglutide] peut être source d’espoir, puis en même temps je pense qu’on a beaucoup à faire avant de confirmer que ça puisse réellement avoir les vertus qu’on lui prête.»
Les premiers signaux sont apparus quand des patients à qui on avait prescrit du sémaglutide pour améliorer leur profil métabolique ont ensuite rapporté une diminution de leur consommation d’alcool et de tabac.
Des études ont ensuite révélé que, «dans les modèles animaux, effectivement cette molécule-là semble avoir un effet positif sur des marqueurs de consommation de substances», a dit le docteur Jutras-Aswad.
«Et maintenant, quand on regarde de façon rétrospective, a-t-il ajouté, on remarque que les gens traités avec cette molécule-là et qui consommaient déjà une substance ont tendance à diminuer ou à moins consommer la substance.»
Une petite étude clinique randomisée, réalisée aux États-Unis avec seulement une cinquantaine de patients, a constaté que le sémaglutide pouvait diminuer une consommation excessive d’alcool. «C’est loin d’être une étude suffisamment robuste, mais c’est un signal», a-t-il dit.
D’autres études remontent plus loin en amont et indiquent que les gens traités seront ensuite moins nombreux à développer une consommation problématique d’alcool, a indiqué le docteur Jutras-Aswad.
La molécule pourrait en théorie être utilisée dans le traitement d’autres dépendances, mais il faut rester «extrêmement prudent», a-t-il estimé.
«On a d’autres molécules comme ça, qui ont des mécanismes semblables ou qui ont un peu cet effet-là, puis qui se sont avérées utiles pour certaines dépendances, mais pas pour d’autres», a rappelé le docteur Jutras-Aswad.
«Même quand il y a des mécanismes biologiques qui sont impliqués dans une maladie, parfois même quand on corrige ces mécanismes-là, ça ne veut pas toujours dire que c’est suffisant pour vraiment avoir un impact positif.»
On dispose déjà de traitements efficaces pour aider les patients qui veulent réduire leur consommation d’alcool ou de tabac, a-t-il ajouté. Ces traitements ne sont pas parfaits, ils ne répondent pas aux besoins de tous, mais «on veut que les gens d’abord et avant tout utilisent les traitements qui sont reconnus efficaces avant de prendre des traitements pour lesquels cette démonstration-là n’a pas été faite».
Il y a en effet un risque, puisque le sémaglutide et ses cousins sont disponibles sur le marché, que des gens parviennent à s’en procurer pour s’auto-traiter, a prévenu le docteur Jutras-Aswad.
«On a plein d’historiques de ça, a-t-il rappelé. Des gens s’auto-traitent pour des conditions, le traitement en question ne sera pas utile, et évidemment c’est sans compter les effets secondaires qui peuvent être nuisibles.»
Par Jean-Benoit Legault