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Le potentiel de CP, Rogers et Electronic Arts

Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑mai 2023

Le potentiel de CP, Rogers et Electronic Arts

«Le ratio cours-bénéfices n’est pas une bonne mesure d’évaluation puisque lorsque les entreprises baissent en Bourse, souvent leurs profits sont déprimés, ce qui enfle ce multiple», affirme Hugo Lavallée. (Photo: courtoisie)

À PORTEFEUILLE OUVERT. Hugo Lavallée, gestionnaire du Fonds Fidelity Canada Plus, se décrit comme un «investisseur anticonformiste». Il répond aux questions de Les Affaires sur sa stratégie d’investissement.

 

Comment votre approche à contre-courant vous différencie-t-elle ?

C’est un penchant naturel pour moi de ne pas me conformer au consensus. En placement, ça veut dire de chercher des occasions loin des foules. Ça veut aussi dire de rester constamment sur le qui-vive pour réagir aux événements, que ce soit un choc macroéconomique ou les ratés d’une entreprise. On ne sait jamais quand et où l’occasion se présentera, d’où l’importance de bien connaître les entreprises qu’on suit pour pouvoir les acheter au bon moment. Par exemple, nous avons acheté les détaillants Dollarama (DOL, 83,92 $) et Five Below (FIVE, 196,77$US) en 2020 pendant la pandémie et nous les détenons toujours. La COVID-19 nous a aussi donné l’occasion d’acheter le groupe de carrossiers Boyd Group Services (BYD, 228,99 $), que je regrettais de ne pas avoir en portefeuille depuis dix ans. Les problèmes d’approvisionnement en pièces et de main-d’oeuvre se révéleront transitoires pour cette entreprise bien gérée.

 

Recherchez-vous des aubaines classiques ?

Le ratio cours/bénéfices n’est pas une bonne mesure d’évaluation puisque lorsque les entreprises baissent en Bourse, souvent, leurs profits sont déprimés, ce qui enfle ce multiple. Je préfère comparer le cours/bénéfice actuel aux profits records atteints dans le passé. Je tente ensuite d’établir si les bénéfices de pointe provenaient de conditions uniques ou non. Puis, j’essaie de jauger les chances que les bénéfices retournent à leur point culminant. Si les chances sont bonnes, un multiple de 12 fois ce bénéfice potentiel, par exemple, peut être intéressant. Ça demande beaucoup d’analyse.

 

Quel secteur éveille votre anticonformisme ?

L’industrie du jeu vidéo m’intéresse beaucoup parce qu’elle est passée d’une période exceptionnellement rentable, pendant la pandémie, à une période trouble. Les revenus n’ont plus l’élan qu’ils avaient maintenant que les consommateurs se divertissent autrement. En même temps, le travail hybride qui persiste ne fonctionne fondamentalement pas pour cette industrie créative qui exige beaucoup de collaboration. Les retards se multiplient pour le lancement de nouveaux jeux. Il y a donc beaucoup à faire pour redresser la situation au cours des prochaines années alors que l’évalua-tion des titres est attrayante. Ce genre de situation me plaît beaucoup puisque les solutions existent et reposent principalement sur les décisions des dirigeants et pas sur la conjoncture. Les éditeurs de jeux, dont Electronic Arts (EA, 126,72$US) et Ubisoft (UBSFT, 5,74 $US), représentent de 5 % à 6 % du portefeuille à la suite de divers achats depuis 90 jours.

 

 

Canadien Pacifique est votre principal placement. Pourquoi ?

Il a fallu patienter un bon moment, mais Canadien Pacifique (CP, 107,72 $) a enfin reçu le feu vert des autorités américaines pour finaliser l’achat de Kansas City Southern. Le chemin de fer a du pain sur la planche pour réaliser les synergies annuelles promises (de 800 millions de dollars [M$]) et tirer profit du plus vaste réseau ferroviaire. J’aime ce genre de situation puisque le potentiel à capter repose principalement sur un catalyseur interne, assez indépendant de la conjoncture.

 

Le même raisonnement s’applique à Rogers, votre deuxième titre en importance ?

Nous avons détenu et revendu Rogers Communications (RCI.B, 66,25 $) à diverses reprises ces dernières années. Son dernier achat remonte à l’automne 2020. Rogers a maintenant devant elle l’occasion de saisir tout le potentiel de l’intégration de Shaw Communications pour des années à venir, en plus de bénéficier de la forte immigration favorable à tout le secteur des télécommunications.

 

Est-ce la stratégie de redressement qui vous attire chez Lightspeed ?

La plateforme de commerce intégrée est peu chère, soit moins de deux fois ses ventes. L’entreprise a aussi 800 M$en liquidités. À court terme, la conjoncture nuit à ses affaires et à celles de ses clients, mais le recentrage de Lightspeed (LSPD, 17,47 $) sur les plus gros clients devrait rapprocher la société de la rentabilité. Il leur fallait faire le bon arbitrage entre le coût d’attirer chaque nouveau petit commerce à la plateforme et la valeur économique des revenus de ce client à plus long terme.

 

Comment Meta Platforms est-elle arrivée en portefeuille ?

Il faut comprendre qu’en Bourse, le statuquo des entreprises est rarement durable et provoque la plupart du temps un pivot. Dans le cas de Meta (META, 235,82 $US), l’érosion des revenus et l’explosion des coûts du métavers étaient devenues insoutenables. Nous avons acheté des actions l’automne dernier sans vraiment savoir ce que la société ferait exactement. Les dirigeants ont finalement craqué et le titre a plus que doublé en six mois, après l’annonce de coupes majeures.