Le fondateur de l’entreprise spécialisée dans les ressources humaines CareerJoy, Alan Kearns.(Photo: La Presse Canadienne)
Au moment d’aller voir son patron pour demander une augmentation de salaire, il peut être tentant d’attaquer de front l’éléphant dans la pièce : la hausse du coût de la vie provoquée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt ayant plombé le budget des ménages.
Mais ce n’est pas ce que les employeurs veulent entendre lorsqu’il est question de rémunération avec leurs employés, selon le fondateur et directeur associé de l’entreprise spécialisée dans les ressources humaines CareerJoy, Alan Kearns.
Les employeurs peuvent s’attendre à des demandes d’augmentation de salaire en raison de tous ces problèmes, à son avis, «mais ce n’est pas non plus leur responsabilité de prendre la situation économique sur leurs épaules».
«Il y a une responsabilité de payer l’employé équitablement, mais ce n’est pas leur responsabilité de s’ajuster en fonction de l’économie», avance-t-il.
Après tout, toutes les entreprises, qu’elles soient petites ou grandes, peuvent être confrontées aux mêmes défis liés à l’inflation, renchérit Stacy Yanchuk Oleksy, qui dirige l’agence de conseil en crédit à but non lucratif albertaine Money Mentors.
«Selon le type d’entreprise, il y a des coûts qui pourraient également augmenter», rappelle-t-elle.
«C’est pour cela qu’un employeur va s’attendre à ce qu’un employé s’informe comme il se doit avant d’aller demander une augmentation de salaire : si l’inflation fait en sorte que l’entreprise a de la difficulté à arriver, ce n’est peut-être pas le moment d’aller demander une augmentation.»
Mais si la situation financière de l’entreprise le permet, demander une augmentation de salaire est une évolution de carrière légitime. Selon Alan Kearns, la clé du succès est de faire en sorte que la performance de l’employé soit au centre de la discussion.
«Une relation de travail, c’est un contrat qui va dans les deux sens», souligne-t-il.
«L’employé fournit un service et l’employeur le paie pour ce service. Avant de demander une augmentation de salaire, il faut donc se poser cette question fondamentale : “Est-ce que je fournis un service qui vaut plus que mon salaire actuel ?”»
En ce sens, un employé ne peut pas se présenter devant son patron et lui dire : «Le prix des bananes a augmenté, donc vous devez me payer plus.»
Se mettre en valeur
S’il y a bien un moment pour se vanter, c’est celui-là.
Alan Kearns recommande donc à un employé qui souhaite obtenir une augmentation de salaire de préparer une liste d’exemples concrets de situations où il a permis à l’entreprise de faire de gains, ou encore d’économiser.
«Vous avez l’occasion de vous asseoir et de parler de vos performances, donc notez quelques réussites et mettez-les de l’avant», suggère-t-il.
Une conversation qui porte sur les résultats est plus pertinente et plus stratégique, selon lui. Et il ne sert à rien de parler du salaire des autres employés ou des augmentations qui ont été accordées à d’autres personnes, croit Alan Kearns.
Les bons employeurs devraient déjà accorder des augmentations de salaire annuelles d’environ 2% à 3% pour suivre l’inflation, estime Stacy Yanchuk Oleksy.
Les grandes organisations en particulier auront probablement une certaine période de l’année où les budgets sont fixés. Il est donc judicieux de demander une augmentation de salaire à l’approche de cette période.
Si un employé veut demander une augmentation de salaire significative, de l’ordre de 10%, il devra cependant présenter une analyse de rentabilisation, à son avis.
«Avez-vous prouvé votre valeur ? Ajoutez-vous ces 10% de valeur à l’organisation ?» soulève Stacy Yanchuk Oleksy.
«Quand on demande quelque chose, on ne veut pas avoir l’air désespéré, mais on ne veut pas non plus faire comme si on nous devait quelque chose. Il faut rester professionnel.»
Pour mieux faire passer la pilule, demander une augmentation de salaire importante peut se faire en proposant de prendre des responsabilités supplémentaires — ce qui serait en réalité davantage comme demander une promotion.
Peu risqué
Le contexte économique fait en sorte qu’il est peut-être difficile pour certaines entreprises d’accorder des augmentations de salaire, mais Stacy Yanchuk Oleksy rappelle qu’il y a d’autres avantages que les employés peuvent négocier, comme les congés, par exemple.
En général, si c’est bien fait, il y a peu de risques à demander une augmentation de salaire. Dans le pire des cas, le patron va dire non — et l’employé aura la possibilité de se demander s’il ne vaut pas mieux pour lui d’aller voir ailleurs.
De toute façon, si l’employé arrive avec des arguments solides quant à sa performance, il sera bien placé pour tester le marché, observe Alan Kearns.
Et dans tous les cas, l’exercice d’introspection lui-même aura été pertinent, puisqu’il aura permis à l’employé de mettre en pratique ses techniques de négociation, estime Stacy Yanchuk Oleksy.
«Avoir une bonne conversation avec son patron, ce n’est jamais perdu. Et cela vaut la peine de parler de vous. Je pense que cela vaut toujours la peine d’en parler. Il faut toujours simplement s’assurer de rester professionnel.»