Une révolution en ligne dans les conseils financiers

Publié le 22/02/2016 à 09:06

Une révolution en ligne dans les conseils financiers

Publié le 22/02/2016 à 09:06

Investisseur technophile âgé dans la trentaine, Raj Suri rechigne à payer les frais élevés des fonds et à s’en remettre à des conseils partiaux. Il se méfie des vendeurs de placements, qui pour lui ne sont guère mieux que des pousse-produits.

« J’avais placé mon argent ailleurs et cela ne me satisfaisait pas vraiment », évoque cet agent immobilier de Mississauga (Ontario). Alors, il a ouvert un compte auprès du service Portfolio IQ de Questrade, qui offre des portefeuilles de fonds négociés en bourse par le truchement de sa plateforme de courtage à escompte.

Le questionnaire en ligne de Portfolio IQ rempli par M. Suri l’a placé dans la catégorie des portefeuilles de croissance, et c’est exactement ce qu’il veut, considérant son échéance de placement à long terme et sa tolérance du risque élevée. En plus, il a réduit ses coûts. « Les frais sont vraiment bas. C’est vraiment transparent. Maintenant, je sais ce que sont les coûts. » Et de surcroît, il reste un élément humain. Quand M. Suri a des questions, il peut envoyer un courriel ou passer un appel à son conseiller à Questrade. Il n’a nul besoin de le voir.

Du simple, de l’accessible, du bon marché et du transparent, c’est ce que veulent de nombreux investisseurs, et qu’ils n’ont pas. À moins d’avoir une somme d’au moins six chiffres à investir, il y a toutes les chances qu’on soit boudé par beaucoup des grandes sociétés canadiennes de courtage, ou réorienté vers une succursale bancaire.

Et voici qu’arrivent les conseillers-robots ou, plus exactement, les conseillers en placements en ligne. Il est désormais possible d’ouvrir un compte de placements, d’y déposer de l’argent, de remplir un questionnaire en ligne et de commencer à investir dans un portefeuille, sans avoir eu nécessairement au préalable un contact personnel, téléphonique ou électronique avec un conseiller enregistré.

La technologie des placements en ligne a abaissé les barrières à l’entrée de l’industrie des conseils financiers, et augmente les choix offerts aux investisseurs cherchant des alternatives aux fournisseurs de produits et de conseils classiques. Les comptes sont généralement de petite taille, 5 000 $ ou moins, et il ne semble pas y avoir de taille minimum.

Les conseillers-robots exercent un attrait particulier pour les enfants du millénaire, première génération à avoir grandi dans un monde numérique de courriels, textos, téléchargements et navigation du Web. Un d’entre eux est Diraj Goel, qui approche de la quarantaine et dirige le service de technologie d’une société de développement de logiciels commerciaux à Vancouver.

Cherchant une formule bon marché de gestion de portefeuille, M. Goel a été impressionné par la facilité et la commodité avec laquelle il a pu ouvrir un compte en ligne avec Wealthsimple. « C’était bien moins compliqué que ce qu’on doit normalement subir en ouvrant un compte auprès d’un conseiller en placements normal. » Il apprécie aussi le facteur humain. « Wealthsimple a très bien assuré le suivi. Elle m’a contacté par courriel. »

La première vague de conseillers-robots au Canada a été initiée par des maisons de courtage non bancaires comme Questrade et Canadian Shareowner, et par de nouvelles sociétés de technologie financière comme Wealthsimple, Invisor et Nest Wealth dans la région de Toronto, et WealthBar et ModernAdvisor à Vancouver. Une demi-douzaine de joueurs sont actifs au Québec.

« Les services financiers sont dysfonctionnels de bien des façons. L’accès aux conseils est un vrai problème », dit M. Michael Katchen, 28 ans, fondateur et directeur général de Wealthsimple. « Même si vous avez accès aux conseils, on vous fait payer une fortune », dit M. Katchen qui, en compagnie de plusieurs collègues, a vendu à profit une nouvelle société de partage et numérisation de photographies avant de se lancer chez les conseillers-robots.

Depuis son lancement en septembre 2014, Wealthsimple a gonflé jusqu’à gérer 400 millions d’actifs : suffisamment pour se permettre des publicités télévisées pendant la diffusion du Super Bowl au Canada. Le succès de la société à ce jour suggère qu’il y a une masse critique d’investisseurs avides de conseils mais cherchant des alternatives moins chères et plus transparentes qui leur offriront probablement de meilleurs services que leurs interlocuteurs passés.

Vers plus de transparence

Malheureusement, il est encore trop fréquent pour certaines firmes en ligne de maintenir les investisseurs dans l’ignorance du prix de leurs conseils. Cela va changer quand la nouvelle réglementation sur la transparence des frais (dans le cadre du train de réformes du Modèle de relation client-conseiller 2, ou MRCC 2) entrera en vigueur en juillet. Les conseillers-robots, en revanche, sont très transparents sur leurs tarifs et n’ont pas peur de publier leurs frais.

La raison en est que leurs tarifs ne sont qu’environ la moitié de ce que font payer les prestataires de conseils traditionnels, et dans certains cas bien moins que cela. Par exemple, Nest Wealth Asset Management, qui opère en Ontario, en Alberta et au Manitoba, fait payer pour ses conseils un forfait qui commence à 20 $ par mois pour des comptes d’un maximum de 75 000 $, plafonné à 80 $ par mois pour des actifs de 150 000 $ ou plus.

Un autre courant de grogne dans lequel les conseillers-robots ont puisé est le mécontentement relatif à la qualité inégale des conseils prodigués. Les investisseurs en quête de conseils ont besoin de rigueur dans le processus d’évaluation de leurs objectifs de placement, de leur tolérance du risque et de leur horizon temporel. C’est ce qu’offrent généralement les conseillers-robots. À défaut de touches personnelles, ils obéissent à des paramètres de risque bien définis. La qualité des conseils traditionnels, malheureusement, peut varier d’excellente à épouvantable, et le processus de placement de rigoureux à aléatoire. La communauté du placement elle-même ne cesse de claironner le besoin de hausser le niveau de compétence des conseillers, et l’émergence des conseillers-robots va intensifier la compétitivité dans ce domaine.

Bien que les conseillers-robots en soient à leurs tout débuts au Canada, l’establishment des services financiers ne perd pas de temps pour se mettre au pli d’une façon ou d’une autre. Wealthsimple, par exemple, présente une ambiance millénariste au beau fixe au moyen d’un site Web très accrocheur dominé par des photos et des vidéos couleurs décrivant des clients sans soucis.

Pourtant, unes des principales parties prenantes de Wealthsimple est le puissant conglomérat de la Financière Power (PWF). Power, dont les filiales comprennent le Groupe Investors, la Great West Compagnie d’assurance vie et la Financière Mackenzie, a annoncé en avril de l’année dernière un accord visant à investir jusqu’à 30 millions $ dans Wealthsimple.

Par la suite, Wealthsimple a effectué la première acquisition importante dans l’espace des conseillers-robots. En décembre de l’année dernière, elle a pris le contrôle du pionnier des conseillers-robots ShareOwner Investments. Cette maison de courtage à escompte a gagné en 2014 le Prix de la Meilleure utilisation de la technologie Morningstar pour son service révolutionnaire de portefeuilles modèles, qui construit des portefeuilles de FNB à bas prix pour les investisseurs autonomes.

Avec le temps, on verra au Canada autant de variations sur le thème des conseillers-robots qu’il y a d’intervenants dans l’industrie. Cliquez par exemple sur le site Web de RoboAdvisors Plus, et l’on vous dirigera vers un service de portefeuilles modèles à prix réduit, activité secondaire de De Thomas Financial Corporation, courtier de fonds mutuels établi dans la région de Toronto.

Sous une forme ou une autre, il faut s’attendre à ce que certaines sociétés de FNB et de fonds communs aient une présence dans le secteur des conseillers-robots, comme Vanguard aux États-Unis. Par exemple, la famille des FNB Horizons cotés à la Bourse de Toronto a engagé les services de PUR Investing, dirigée par l’expert de la construction de portefeuille de FNB Mark Yamada, pour créer une série de six portefeuilles modèles de FNB Horizons. Les avoirs en sont dévoilés sur le site public de Horizons, mais le service de modélisation de portefeuilles pour les conseillers de la firme, qui comprend un questionnaire pour les clients, n’est fourni qu’aux conseillers.

La plus grande partie de la croissance des placements en ligne proviendra de sociétés très connues qui reconnaissent combien la technologie en ligne peut réduire les coûts, améliorer le service et créer de nouvelles occasions commerciales. Parmi ceux qui y ont souscrit dès le début, on trouve BMO Groupe financier, qui a lancé en janvier son service Portefeuille futé BMO par le truchement de sa filiale de courtage de plein exercice BMO Nesbitt Burns. Portefeuille futé BMO oriente ses clients vers des portefeuilles de FNB tout en fournissant de multiples options de soutien, notamment du clavardage en direct, des appels téléphoniques et des courriels.

Joanna Rotenberg, chef de la gestion de patrimoine des particuliers à BMO Groupe financier, souligne l’engagement de la banque en faveur du placement en ligne, et invoque les avantages concurrentiels dont elle dispose. Ces avantages, qu’elle partage avec ses grands rivaux bancaires et d’autres géants des services financiers, comprennent entre autres sa grande échelle, sa vaste clientèle, ses noms de marques bien connus et bien appréciés, et ses activités bien établies de gestion d’actifs, de services conseils et de courtage en ligne.

Les géants de l’industrie vont-ils bazarder les petites sociétés indépendantes de courtage et les conseillers-robots frais émoulus? Il n’en est pas question, dit Edward Kholodenko, président-directeur général de Questrade. Bien au contraire, M. Kholodenko se félicite de cette concurrence, qui dénote une validation des conseils en ligne et de la technologie. « Nous pensons que nous en sommes au tout début. Plus on peut assurer la survie de sociétés de services en ligne, mieux c’est pour tout le monde. Cela permettra au marché de croître à une cadence plus élevée.»

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