Un avenir difficile imposé aux comptes en fiducie

Publié le 18/06/2014 à 14:18

Un avenir difficile imposé aux comptes en fiducie

Publié le 18/06/2014 à 14:18

Créer une fiducie a toujours été un moyen de placer des actifs dans une entité juridique séparée. Les fiducies peuvent être mises en place pour fonctionner pendant la durée de vie d'une personne (fiducie « entre vifs »), ou par le truchement d'un testament après le décès d'une personne (fiducie testamentaire). Une utilisation typique du premier type est de fournir un véhicule pour partager une propriété, comme un chalet familial. L'utilisation la plus répandue d'une fiducie testamentaire est celle d'un fonds protégé qu'établissent les parents pour leurs enfants, de façon à ce que le capital de placement soit protégé et qu'ils perçoivent un revenu jusqu'à ce qu'ils aient atteint un âge donné.

Les fiducies sont aussi utilisées comme moyen de réduire ou de différer l'impôt sur le revenu. Elles sont souvent établies sans date d'expiration déclarée, mais il leur incombe de payer l'impôt sur les gains en capital (sur papier) accumulés après 21 ans. La règle des 21 ans a été introduite en 1972, et les fiducies ont alors été contraintes de signaler leurs gains en capital accumulés en 1993. Certaines fiducies étaient exemptes de cette obligation jusqu'au décès du bénéficiaire final, mais cette exception à la règle a été abrogée à la fin des années 1990. Et à présent, une nouvelle législation est proposée pour éliminer les derniers avantages fiscaux qu'il pourrait y avoir à posséder une fiducie.

De par les règles actuelles, tout comme un contribuable individuel, une fiducie testamentaire paie des impôts selon des taux progressifs. Mais à compter de 2016, toutes les fiducies existantes ou nouvelles, testamentaire ou entre vifs, devront payer des impôts au taux marginal d'imposition le plus élevé, qui dans certaines provinces avoisine 50 %. Cela veut dire que tous les revenus, intérêts, dividendes ou gains en capital réalisés qu'a pu procurer la fiducie au cours d'une année donnée seront imposés au taux le plus élevé. (Une exception est une fiducie testamentaire qui a un bénéficiaire admissible au crédit d'impôt fédéral pour personnes handicapées. Ces fiducies continueront à être imposées à des taux progressifs.)

Les nouvelles règles donnent lieu à la création d'une « succession uniforme au taux maximum », fiducie créée par un testament qui jouira de taux d'impôt sur le revenu progressifs pendant les trois années qui suivent la date d'un décès, après quoi elle sera assujettie à une imposition au taux le plus élevé. Les règles proposées exigeront par ailleurs de toutes les fiducies d'avoir des fins d'exercice calquées sur les années civiles et de payer l'impôt par versements trimestriels. Ces changements ont placé les fiducies testamentaires sur un pied d'égalité avec les fiducies entre vifs, qui étaient déjà sujettes à ces restrictions. De plus, l'exemption fiscale de 40 000 $ dont disposaient les fiducies par rapport à l'impôt minimum de remplacement sera supprimée.

Bien que les changements en question suppriment la plupart des avantages fiscaux dont jouissaient certaines fiducies auparavant, elles constitueront à être un instrument de planification utilisé, a indiqué François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale à Placements Mackenzie, lors d'un séminaire récent à Montréal. « Est-ce la fin des fiducies testamentaires? Absolument pas, a-t-il dit. Elles demeureront un instrument de planification successorale précieux et fondamental. »

Même avec la perte du traitement de taux d'impôt sur le revenu progressif, M. Bernier indique que les fiducies testamentaires sont toujours très importantes dans les situations où de l'argent doit être investi, et des revenus distribués, au bénéfice de mineurs et de jeunes adultes, de personnes handicapées (« ou de bénéficiaires privilégiés »), de dépenseurs compulsifs et de toxicomanes. Les fiducies continueront à être des instruments utiles pour organiser des actifs dans des familles reconstituées, ainsi que pour des objectifs traditionnels comme la préservation des actifs d'une génération à l'autre et la philanthropie.

M. Bernier offre le sommaire suivant des cas où les fiducies peuvent être utiles :

Les enfants mineurs : Les héritiers qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité (18 ou 19 ans selon la province), n'ont pas la capacité juridique de faire des transactions financières. Une fiducie testamentaire peut être utilisée pour détenir un héritage et être dissoute lorsque l'enfant atteint sa majorité, ou plus tard. Il est de plus en plus populaire pour les fiducies testamentaires de limiter les actifs aux héritiers de moins de 25 ans, ou même de moins de 30 ans. Une fiducie peut être mise en place pour procurer un accès exceptionnel à des fonds qui y sont détenus à des fins comme la rénovation du domicile d'un gardien pour accommoder la venue d'un enfant.

S'il n'existe pas de fiducie pour un héritier qui est mineur, un curateur public détiendra les actifs, et sera rémunéré par des frais de gestion. L'accès aux actifs ne sera généralement pas autorisé sans l'ordonnance d'une cour de justice. L'héritier en assume la propriété lorsqu'il atteint sa majorité.

Jeunes adultes : Il n'est pas inhabituel pour un héritier âgé de 18 à, disons, 30 ans, de n'être pas financièrement responsable, et donc de risquer de gaspiller un héritage. Comme pour les fiducies créées pour des mineurs, le capital et même le revenu peuvent être détenus par une fiducie jusqu'à un âge déterminé, avec certaines exceptions déclarées comme le financement d'études ou d'un acompte sur une habitation.

Les personnes handicapées : Il se peut que certains individus n'aient pas la capacité de gérer de l'argent, et une fiducie testamentaire créée pour détenir un héritage peut couvrir leurs frais de subsistance. Ces fiducies sont totalement discrétionnaires et, outre le gîte, le couvert et l'habillement, elles sont habituellement utilisées pour payer des services et des appareils liés à leur invalidité, à des améliorations résidentielles, à l'obtention d'un véhicule à moteur spécial, à la prestation de services d'éducation et de formation, ou à l'établissement et la cotisation à un régime enregistré d'épargne-invalidité. Comme nous l'avons vu plus haut, à supposer que le bénéficiaire soit admissible au crédit d'impôt pour personne handicapée, ces fiducies peuvent payer l'impôt sur le revenu selon des taux progressifs.

Les paniers percés et les toxicomanes : Une fiducie testamentaire, d'habitude totalement discrétionnaire, peut être créée pour détenir l'héritage de la personne en question. La fiducie peut fournir un revenu en effectuant des paiements a courts intervalles, ou pour acheter une rente familiale. On peut avoir recours à des montants forfaitaires pour acheter une habitation ou d'autres actifs dont le bénéficiaire aura l'usage. Le revenu distribué par la fiducie au bénéficiaire devra être déclaré par ce dernier et imposé à ses taux d'impôt sur le revenu progressifs plutôt qu'au taux d'imposition plus élevé de la fiducie.

Les créanciers : Une fiducie peut protéger un héritage contre les créanciers d'un bénéficiaire. D'habitude totalement discrétionnaires, les distributions provenant de la fiducie ne seraient normalement utilisées que pour couvrir les frais de subsistance personnels du créancier, et d'acheter une habitation ou d'autres actifs dont il aura l'usage. Le revenu en fiducie distribué à un créancier est imposé à ses taux progressifs d'impôt sur le revenu.

Les familles reconstituées : Une fiducie testamentaire peut être particulièrement efficace comme soutien financier à un nouveau conjoint pour la vie, sans donner à cette personne accès à votre capital. Le capital détenu dans la fiducie demeure en place jusqu'au décès du nouveau conjoint, auquel stade les actifs sont transférés aux enfants (soit directement, soit en fiducie). La fiducie pourrait être créée pour donner aux curateurs la discrétion d'utiliser une partie du capital au profit du nouveau conjoint dans des circonstances spéciales comme une urgence médicale.

M. Bernier dit que l'utilisation de versions constituées en sociétés de fonds communs peut alléger l'imposition de la fiducie au taux le plus élevé, parce que ces produits réduisent le nombre d'événements imposables (en termes à la fois de distributions et de dispositions), et sont fiscalement efficients en termes de gains en capital à long terme. Une autre option, bien que potentiellement complexe, est de transférer des actifs fiduciaires « en nature » (et non pas en argent comptant) à des bénéficiaires, ce qui peut circonvenir la règle de disposition présumée de 21 ans.

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