Trop risquée, la Bourse?

Publié le 01/05/2009 à 00:00

Trop risquée, la Bourse?

Publié le 01/05/2009 à 00:00

Les rendements piétinent, les gestionnaires sont nuls et le risque ne paie plus. La Bourse convient-elle encore aux gens ordinaires ?

Frantz Pierre-Louis ne comprend plus rien quand il regarde son écran d'ordinateur. " Parfois, je songe à acheter un titre, mais ça change tout le temps. Ça monte un jour, puis ça tombe de 10 % le lendemain ", dit cet ingénieur industriel, investisseur autonome depuis plus de 20 ans.

Frantz Pierre-Louis est un survivant du chaos boursier. Il n'a perdu que 10 % de son portefeuille d'actions, alors que la moyenne des indices a plongé d'environ 40 % depuis six mois. Son truc : il maintient en permanence un ordre de stop de vente après 10 % de pertes. " Plusieurs de mes collègues ont regardé le marché descendre, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Eux, ils passent une très mauvaise année. "

Pour bon nombre, on parle plutôt d'une mauvaise décennie. Pire, d'une aventure désastreuse avec la Bourse depuis qu'ils y investissent. Depuis dix ans, les investisseurs boursiers ont subi deux dégelées. Sur un horizon de 20 ans, un bon vieux certificat de placement garanti aurait produit un aussi bon rendement, sans risque. Ajoutez à cela les fraudes de toutes sortes, les banquiers qui s'octroient des primes et les gestionnaires incapables de battre les indices, et on a l'impression désagréable que ce sont toujours les mêmes qui s'enrichissent. Et c'est rarement le petit investisseur. D'où la question inévitable : faut-il encore investir dans le marché boursier ?

La certitude qu'à long terme, la Bourse vous enrichira à coup sûr en prend pour son rhume, convient Michel Nadeau, professeur à HEC Montréal. " Sur 20 ans, les obligations ont rapporté 8,7 % au Canada, alors que les actions ont rapporté 8,2 %, dividendes compris ", dit l'ancien numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et voilà pour la théorie du buy and hold, qui a fait la fortune du milliardaire Warren Buffett. " Si vous ajoutez les frais de gestion perçus sur les fonds d'actions, vous obtenez une performance encore moindre. Il faut s'interroger sur la valeur additionnelle que devraient apporter des actions ", dit-il.

Cette valeur est toujours présente, croit Bruno Lamarche, conseiller en placement à la Banque Nationale. Il s'agit simplement de prendre un peu de recul. " Cela vaut encore la peine de placer son argent à la Bourse, à condition de pouvoir tolérer cette volatilité. " Rappelez-vous que ces fortes corrections boursières sont d'une régularité constante. " Des corrections ont lieu presque chaque décennie. Celle que nous traversons en ce moment est forte, mais le marché va rebondir. Les gens qui sont restés investis après une correction boursière ont toujours réussi à bien rentabiliser leur placement. "

Effectivement, il y a eu pire. " Les gens ne connaissent pas bien l'histoire, dit Paul Dontigny, gestionnaire de portefeuille et fondateur de la firme d'investissements PDJ. En 1999 et en 2000, la volatilité était encore plus importante. "

De toute façon, on n'a pas vraiment d'autre choix que d'investir à la Bourse, croit Michel Nadeau. Si on veut bâtir un fonds de retraite, il faut détenir une bonne portion d'actions. " Les certificats de dépôt comportent un risque moins élevé, mais leur rendement est faible. Rien ne peut se substituer aux actions. "

Si votre portefeuille était pondéré moitié-moitié entre des actions et des titres à rendement fixe, il y a de fortes chances que la portion actions soit maintenant d'environ 35 %. Il reste à savoir si vous devriez ramener votre portefeuille à sa pondération initiale (50-50 dans cet exemple). " Oui, répond Michel Nadeau. Même si la performance de la Bourse a été désastreuse et que les premiers mois de 2009 le sont tout autant, c'est une raison de plus pour acheter. "

Patience

Paul Dontigny en est moins convaincu. Selon lui, rien ne permet de conclure que le marché soit prêt à rebondir. " Plusieurs font valoir que le prix en Bourse du S&P 500 est redescendu au niveau de 1997 et qu'il ne peut alors que remonter. Pourtant, les profits du S&P 500 des douze derniers mois sont beaucoup plus bas que ceux des 12 derniers mois en 1997. Cela veut dire qu'en ce moment, les actions sont plus chères qu'en 1997 ", dit celui qui n'a pas investi un sou dans les actions depuis 1999 De plus, poursuit-il, les individus, les entreprises et les gouvernements sont beaucoup plus endettés qu'à cette époque. Autres problèmes : les marchés financiers sont encore embourbés dans des problèmes d'actifs douteux, tandis que beaucoup d'entreprises qui sont déjà aux prises avec des baisses de revenu devront renflouer leur caisse de retraite, elle aussi mise à mal par les marchés boursiers.

"L'investisseur doit se demander si les choses pourraient empirer. Moi, je pense qu'il y a un risque que le marché soit encore surévalué. "

Le mot d'ordre dans les circonstances : prudence. Il faut protéger son portefeuille, dit Frantz Pierre-Louis. " J'ai 40 % d'obligations dans mon portefeuille, et rien au monde ne me le fera changer. " Les obligations stabilisent les fluctuations de votre portefeuille et en réduisent la volatilité. Seul problème : tout le monde s'arrache les obligations gouvernementales. Elles deviennent donc plus chères, ce qui nuit à leur rendement déjà peu élevé.

" Je recommande des obligations du Québec et du Canada ", dit Paul Dontigny, qui dit détenir 60 % de son portefeuille en liquidités, et 40 % en obligations gouvernementales de sept ans et moins. " Ça ne rapporte pas beaucoup, mais le but est de s'assurer d'avoir des liquidités quand le marché remontera. La pire chose à faire en ce moment serait de se réfugier dans un dépôt à terme de cinq ans ", dit-il. Vos fonds seraient gelés et vous pourriez manquer la reprise. Les obligations gouvernementales peuvent se vendre à tout moment sur le marché. Cette liquidité permet de se préparer à acheter, sans avoir à subir le stress de détenir une position risquée.

Toutefois, prenez votre temps, conseille Jean-Paul Giacometti, vice-président de Claret, une firme d'investissement. " Personne ne sait où se trouve le creux de la vague ", dit-il. Il rappelle qu'en 2002, après l'éclatement de la bulle techno, la Bourse avait atteint un plancher en septembre, pour le défoncer six mois plus tard.

Au moment d'acheter, surveillez trois choses, dit Jean-Paul Giacometti : " Les entreprises qui ont des niveaux d'évaluation bas, soit un ratio cours-bénéfice peu élevé. Surtout, elles ne doivent pas avoir de dettes. Quand les choses vont mal, les dettes jouent contre vous. Ensuite, si l'entreprise verse un dividende, alors vous détenez là un bon titre. "

" Dans sa dernière lettre aux actionnaires, Warren Buffett écrit qu'en lisant les rapports d'entreprises, la seule chose qu'il comprend, c'est qu'il n'a aucune idée de ce qu'il y a dans ces entreprises-là, dit Paul Dontigny. Si le plus grand spécialiste de l'analyse fondamentale n'y voit rien, comment voulez-vous que le public en général puisse se faire une idée de la valeur de la Banque Royale, par exemple ? " Investir dans ce contexte, ce n'est plus de l'investissement, c'est de la spéculation, dit-il.

" Les gens vont se remettre à acheter, c'est sûr ", dit Frantz Pierre-Louis. Toutefois, après ce qu'il a vu ces derniers mois, il préfère laisser à quelqu'un d'autre le soin d'investir de nouveau en Bourse. Pas question pour le moment de bouger. " J'ai une théorie d'investissement très simple, celle de la coquerelle : quand j'ai peur, je me cache. Je vais attendre que des gens comme Warren Buffett achètent ; ensuite, je les suivrai. "

PAS CHÈRE, LA BOURSE ?

Le ratio cours/bénéfice du S&P 500 (basé sur les 12 derniers mois finissant le 31 mars 2009) était de 18,8 au 31 mars 1997, alors qu'il est de 50 au 31 mars 2009, selon Paul Dontigny. Les actions en 2009 coûtent donc encore cher par rapport à 1997, même si l'indice est redescendu au même niveau.

Source : STANDARD & POOR'S INDEX SERVICES

RENDEMENT DE CERTAINES OBLIGATIONS

Rendement sur 4 ans (au 3 mars 2009)

Canada : 1,2 %

Ontario : 2,1 %

Ville de Gatineau : 2,75 %

Université McGill : 2,75 %

Banque BMO : 3,1 %

Source : Bruno Lamarre, Financière Banque Nationale

DES ENTREPRISES QUI RÉPONDENT AUX CRITÈRES D'ACHAT DE JEAN-PAUL GIACOMETTI

Au Canada : Fiducie de revenu Parkland (PKI-U) (7,80 $ CA) ; Jean Coutu (PJC/a) (8 $ CA) ; Indigo (IDG) (10,80 $ CA) (ce titre n'a pas de dividende) ; Dorel (DII/b) (17 $ CA). Aux États-Unis : Zimmer Holdings (ZMH) (36 $ US), (ce titre n'a pas de dividende) ; Cardinal Health (CAH) (32 $ US). International : À New York, Luxottica (LUX) (14,25 $ US), propriétaire de Lens Crafter, Sunglass Hut, etc.

aplus@transcontinental.ca

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