Succession: comment préparer l'entourage?


Édition de Novembre 2017

Succession: comment préparer l'entourage?


Édition de Novembre 2017

Un testament ne suffit pas à mettre votre famille à l'abri d'une chicane de succession.

Après avoir signé son testament chez le notaire, la comptable Suzanne Douville a décidé de jouer franc jeu : comme elle lègue une partie de sa fortune à des œuvres de charité, elle a montré le document à son conjoint et à ses trois enfants adultes. Vu son dévouement à la cause des enfants, personne n'a été surpris de constater que l'organisme Le Phare Enfants et Familles, la Fondation CHU Sainte-Justine et un projet africain y figuraient à titre de bénéficiaires.

L'annonce a-t-elle provoqué des grincements de dents ? Au contraire, explique cette jeune sexagénaire dans un échange de courriels alors qu'elle achevait un mandat de coopération au Sénégal. «Ils m'encouragent à tous points de vue. Nous organisons même ensemble une fête annuelle pour amasser de l'argent pour un orphelinat béninois.» D'ailleurs, comme ses séjours en Afrique sont effectués à titre bénévole, elle entame déjà une partie de l'héritage de ses enfants et de ses petits-enfants, ajoute-t-elle. Avec leur bénédiction !

Ce choix de Suzanne Douville, c'est l'exception plutôt que la règle : nombreux sont les héritiers qui tombent des nues à l'ouverture du testament d'un proche décédé, dit la notaire Josée Bourdeau, de l'étude Bibeau, Desaliers, Lamarre. L'effet de surprise provoque souvent des flammèches entre les héritiers.

«Avec l'émotion entourant le décès, les vieilles rancœurs refont surface et les familles se déchirent. Quand un des héritiers nous appelle, c'est qu'il ne sait plus vers qui se tourner, alors que si le défunt avait fait une bonne planification successorale dès le départ, la majorité de ces cas auraient pu être évités.»

Le marteau de la discorde

Les testaments mal rédigés ou qui prêtent à interprétation deviennent de véritables bougies d'allumage dans les conflits familiaux, explique la notaire. Les proches se crêpent le chignon pour déterminer à qui reviennent les biens, qu'il s'agisse d'une bague de mariage ou de banals objets. Josée Bourdeau raconte le cas de trois frères se querellant pour le marteau de leur défunt père. «L'un d'eux souhaitait l'obtenir parce qu'il avait souvent aidé son père à exécuter des travaux manuels. Par principe, les deux autres refusaient de le lui laisser, même si l'outil n'avait pas la même valeur sentimentale à leurs yeux.»

Le plus souvent, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, remarque l'avocate Élisabeth Pinard, associée chez Lavery et spécialiste des litiges successoraux. «C'est incroyable la boue que les membres d'une même fratrie peuvent se tirer lorsqu'il y a un litige sur la succession», dit-elle. Ces conflits sont «en grande croissance», selon elle, car les héritiers des baby-boomers comptent souvent - à tort - sur l'héritage de leurs parents pour colmater les brèches dans leurs finances personnelles.

Résultat : ces attentes parfois démesurées peuvent donner lieu à un choc brutal lors de l'ouverture du testament, ajoute Pierre-Olivier Cloutier, conseiller en sécurité financière et directeur régional chez Groupe Investors. Dans «le tiers ou la moitié des cas», le testateur favorise un ou plusieurs héritiers, alors que tous s'attendaient à se partager le butin de façon égale. «Dans leur planification successorale, plusieurs clients appliquent le principe d'équité plutôt que celui d'égalité. Pour toutes sortes de raisons, ils jugent qu'une personne a des besoins plus élevés qu'une autre, et c'est une décision équitable à leurs yeux. Mais ça risque de causer des conflits au décès s'ils n'expliquent pas leurs intentions de leur vivant.»

Faire appel aux pros

Comment éviter que vos proches ne s'entre-déchirent sur votre tombe ? Avant d'être affaibli par l'âge ou la maladie, planifiez rigoureusement votre succession avec un juriste sans négliger d'exposer le contexte familial, suggèrent Élisabeth Pinard et Josée Bourdeau. «La discussion doit être franche et ouverte, même si c'est émotif», dit Me Pinard. C'est encore plus vrai dans le cas des familles recomposées.

L'avocate suggère aussi d'obtenir un document médical prouvant que vous êtes apte à rédiger votre testament : il pourrait servir à protéger certains de vos proches dans l'éventualité où un héritier déchu (ou qui n'aurait pas touché suffisamment à son goût) contesterait la validité du testament en prétextant la santé mentale déficiente du défunt.

Si vous êtes le moindrement fortuné, que votre situation financière est complexe ou que vous êtes propriétaire d'une entreprise, vous avez tout avantage à vous entourer aussi d'autres spécialistes, comme un fiscaliste et un conseiller financier. «Il y a beaucoup d'impôt à payer lors d'un décès, poursuit Pierre-Olivier Cloutier. Une planification financière et fiscale rigoureuse limitera l'argent versé au fisc et décuplera l'héritage, ce qui préviendra des tensions parmi les héritiers.»

«On conseille parfois aux entrepreneurs de transférer leur entreprise avant le décès afin d'éviter les conflits, ajoute Me Bourdeau. Ainsi, si l'un des enfants en hérite mais pas les autres, on pourra décider avec eux de la façon de les compenser afin que chacun reçoive une juste part alors que le testateur est vivant.»

En parler ou pas ?

Selon Pierre-Olivier Cloutier, la prévention des conflits après le décès passe par la communication. «C'est inévitable : vos héritiers connaîtront un jour ou l'autre le contenu de votre testament. On encourage nos clients à gérer ça de leur vivant en expliquant leurs choix. Ça peut se faire individuellement ou lors d'un conseil de famille.» Si vous excluez totalement cette option, vous pouvez alors préparer une vidéo que vous joindrez au testament et dans laquelle vos expliquez vos choix et vos intentions, suggère-t-il. «C'est une preuve tangible qui pourra faire prendre conscience aux héritiers que les choix ne sont pas ceux du liquidateur mais bien les vôtres.»

Plusieurs raisons peuvent pousser un testateur à favoriser certains héritiers plutôt que d'autres, disent les spécialistes : un enfant malade, une personne qui prend davantage soin de nous, le désir de faire un legs à des organismes dont la mission nous tient à cœur, comme Suzanne Douville. Quand il prend cette décision, le testateur est généralement en mesure de l'expliquer de façon rationnelle, remarque Me Bourdeau, et plus porté à s'en ouvrir à sa famille que si ses choix sont dictés par le favoritisme.

«Discuter ou pas de ses intentions relève du choix personnel. Si vous décidez de ne pas le faire, faites attention toutefois à bien adapter le testament afin d'atténuer les risques de surprise et de colère au moment du décès.» Si vous souhaitez jouer la transparence, prenez garde à ne pas créer d'attentes ou à faire de promesses, poursuit -elle, car «un testament, ça se change».

Si l'harmonie règne dans votre famille, informer vos proches de vos intentions peut se révéler pertinent, soutient Élisabeth Pinard. «Mais, ce faisant, vous vous exposez à des pressions indues (comme du chantage pour obtenir une plus grande part de l'héritage) ou même de la stigmatisation. Ça aussi, ça peut créer des conflits, et de votre vivant !» Elle met particulièrement les testateurs en garde contre les conjoints des enfants, qui sont souvent «ceux qui poussent le plus» pour faire pencher la balance de leur côté.

Qu'on choisisse ou non d'exprimer nos dernières volontés de notre vivant, le liquidateur, lui, devrait être informé du rôle qui l'attend, indiquent les spécialistes. Mais en le choisissant, veillez à ne pas envenimer des relations déjà tendues, conseille la notaire Josée Bourdeau. Elle donne l'exemple d'une famille recomposée où les conjoints avaient chacun nommé leurs fils respectifs à titre de coliquidateurs. Sauf que les deux demi-frères par alliance ne s'entendaient pas ! «Ce n'est pas une bonne idée, sachant que le rôle du liquidateur est justement de prendre des décisions...»

Si, malgré tous vos efforts, votre legs testamentaire sème la zizanie dans le clan familial, vos héritiers pourront toujours se rabattre sur la médiation successorale auprès d'un notaire. Cette pratique méconnue, qui s'apparente à la médiation familiale, permet de contourner les tribunaux et d'ainsi économiser temps, énergie et argent, dit Josée Bourdeau. «On règle environ 75 % des conflits par la médiation successorale. Souvent, ils proviennent d'une incompréhension ou d'un malentendu. Certains se règlent très rapidement.» Dans d'autres cas, c'est plus douloureux. La notaire se souvient notamment des membres d'une famille qui se partageaientw une à une les photos de leur défunte mère étalées dans la salle de conférence de son étude... «Un cas extrême», assure-t-elle. Tout de même : pensez à faire tirer plusieurs épreuves des vôtres.

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