Stella-Jones est prête à réaliser de nouvelles acquisitions


Édition du 14 Avril 2021

Stella-Jones est prête à réaliser de nouvelles acquisitions


Édition du 14 Avril 2021

Par Dominique Beauchamp

(Photo: 123RF)

Les conditions sont enfin réunies pour que le fabricant de poteaux et de traverses Stella-Jones reprenne le chemin des acquisitions, affirme son PDG, Éric Vachon, en entrevue à Les Affaires. Le dirigeant, qui nous présente sa stratégie, espère réaliser une transaction d’ici la fin de l’année.

Ragaillardi par une année record, le PDG de Stella-Jones (SJ, 51,32 $), Éric Vachon, affirme qu’il est prêt à réaliser ses premières acquisitions depuis qu’il a pris la barre du fabricant de poteaux et de traverses il y a 18 mois.

Le plan de match prévoit des achats potentiels de 370 millions de dollars (M$) sur 36 mois, mais le dirigeant espère «livrer une ou deux transactions d’ici la fin de l’année», a-t-il confié en entrevue avec Les Affaires. «J’ai des discussions avec quelques candidates qui vont bon train. Ce sont souvent des entreprises familiales que les fondateurs sont susceptibles de vouloir vendre. Leurs installations devront surtout bien s’intégrer à notre réseau actuel de 40 usines, car le bois coûte cher à transporter», a expliqué le président et chef de la direction.

Les conditions n’étaient pas réunies avant cette année pour passer à l’action, a laissé entendre celui qui a remplacé Brian McManus à la tête de la société après avoir travaillé 12 ans à ses côtés. «En pleine pandémie, il n’est pas évident d’aller visiter des installations pour nous assurer de leur qualité», ajoute l’ex-chef de la direction financière.

Stella-Jones, réputée pour être une consolida-trice disciplinée, lorgne des fabricants américains qui réalisent des revenus de 30 M$US à 90 M$US chacun. Si Éric Vachon concrétisait les intentions du plan stratégique, les nouveaux achats ajouteraient 14 % au chiffre d’affaires actuel de 2,5 milliards de dollars (G$).

Le PDG admet qu’il serait prêt à contracter plus de dettes pour mettre la main sur une occasion plus stratégique. Pour le moment, le bilan a belle allure tandis que la dette équivaut à 1,9 fois le bénéfice d’exploitation. Ce ratio se situe confortablement en deçà de la borne supérieure de 2,25 à 2,5 fois que vise le dirigeant. Il serait toutefois disposé à laisser la dette monter jusqu’à un ratio de trois fois pour une plus grosse prise stratégique. Cela voudrait dire qu’elle pourrait débourser jusqu’à 435 M$.

 

Zone de confort retrouvée

La société de Saint-Laurent a les moyens d’agir après avoir dégagé des flux de trésorerie exceptionnels en 2020. Le bond inespéré de 41 % des ventes de bois d’oeuvre aux entrepreneurs en construction et aux détaillants en déco-rénovation y est pour quelque chose.

Éric Vachon se dit aussi «particulièrement satisfait du rétablissement des marges d’exploitation», qui sont passées comme promises de 11,5 % à 15,3 % depuis 2018, une amélioration qu’il attribue aux volumes et aux prix de vente plus élevés, à l’utilisation accrue de la capacité des usines et à la plus grande proportion de produits à valeur ajoutée dans les ventes.

Les perspectives pour 2021 se sont aussi solidifiées même si la demande pour le bois résidentiel devrait se modérer après la pointe de popularité des rénovations durant la pandémie l’an dernier.

Malgré tout, Stella-Jones devrait continuer à bien tirer son épingle du jeu dans le bois résidentiel parce que «nous avons gagné des parts de marché au Canada, ce qui nous positionne bien. Nos clients aiment que notre approvisionnement fiable en bois leur permette de répondre à la forte demande», se réjouit Éric Vachon. Les fournisseurs d’électricité remplaceront plus de poteaux pour rattraper le retard causé par les restrictions sanitaires de 2020 qui ont ralenti les équipes de travailleurs.

La demande provient aussi de nouveaux produits. Certains clients exigent des poteaux plus hauts et plus larges qu’avant. Un nouveau poteau muni d’une enveloppe résistante au feu connaît aussi un «bon succès»en Californie et sera bientôt offert au Canada. À l’inverse, cependant, la demande pour les traverses de la part des transporteurs ferroviaires se stabilisera parce que ceux-ci ont profité du ralentissement de 2020 pour entretenir leurs voies.

Stella-Jones a d’ailleurs fourni un meilleur aperçu que prévu pour 2021:le bénéfice d’exploitation prévu de 385 M$à 410 M$est de 5% supérieur à celui qu’anticipaient les ana-lystes. Cet optimisme se traduit également par la récente hausse de 20% du dividende et par le rachat prévu de 6,8 % des actions, note Benoit Laprade, de Banque Scotia. Maintenant que l’action a repris du mieux en Bourse, les acquisitions constituent une «excellente utilisation du capital», ajoute Éric Vachon. Le titre s’échange à un multiple de 10 fois le bénéfice d’exploitation alors que la société paie un multiple de 6 à 7 fois pour ses cibles, précise le comptable de formation.

La reprise des acquisitions et les perspectives encourageantes pour 2021 pourraient être une combinaison gagnante pour les actionnaires, juge Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux. Il croit qu’il y a de bonnes chances que l’évaluation du titre remonte.

Son collègue Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale, ne partage pas cet optimisme. L’analyste, qui reconnaît avoir «raté l’effet du boom de la rénovation»sur le titre, juge que l’évaluation actuelle est déjà juste parce que le cours du bois a probablement atteint son pic.

 

Le Sud-Est américain dans la mire

Stella-Jones consolide l’industrie nordaméricaine des poteaux et des traverses depuis 18 ans, mais il reste encore des acteurs régionaux à acheter, indique le PDG. Le marché du Sud-Est américain revêt le plus d’intérêt parce que le pin jaune pousse dans cette région où l’entreprise a pris pied en 2012. Éric Vachon assure qu’il ne ressent pas de pression de la part du milieu financier pour conclure une «acquisition à tout prix»pour que le bénéfice d’exploitation croisse après le pic de la rénovation résidentielle. Il souhaite néanmoins réaliser «un bon achat au bon prix»afin d’appuyer la croissance et surtout créer de la valeur pour les actionnaires.

Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux, estime d’ailleurs que de nouvelles acquisitions agiraient comme un catalyseur pour le titre, mais il craint du même souffle que leur influence soit contrebalancée par «le retour à la normale des ventes de bois résidentiel». Sans acquisition, le bénéfice d’exploitation de 411 millions de dollars que prévoit Mona Nazir, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, pour 2022, serait à peine 3,5 % plus élevé qu’en 2021.

Prudent, le patron ne s’avance pas davantage, mais la plupart des analystes prévoient l’achat d’un fabricant de poteaux d’ici la fin de l’année. La société a aussi à l’oeil une filiale de traverses qui appartient encore à un transporteur ferroviaire, depuis une décennie, mentionne Mona Nazir sans l’identifier.

 

D’autres achats connexes

À moyen et à long terme, Hamir Patel, de Marchés mondiaux CIBC, croit que l’adoption des automobiles électriques et l’installation de la fibre optique stimuleront la demande pour les poteaux. Questionné à ce sujet, Éric Vachon répond que les clients n’abordent pas ce sujet pour l’instant. «Quand la demande surviendra, on sera là pour y répondre», se contente-t-il de dire. Une fois que Stella-Jones aura consolidé le marché des poteaux et des traverses, la société envisage pour la première fois d’élargir ses horizons et ainsi prolonger son parcours de croissance. À la demande du conseil d’administration, Éric Vachon analyse diverses activités connexes qui mettraient à profit le réseau d’usines, l’approvisionnement en bois, le savoir-faire en traitement du bois et les relations clients. «On ne parle pas de diversification. Ça resterait proche de ce qu’on sait faire, dans le même esprit que lors de l’achat de McFarland Cascade qui avait ajouté le bois résidentiel à nos activités de base, il y a neuf ans», évoque le chef de la direction.

Il y a encore de «belles occasions devant nous», assure le PDG à ceux qui croient qu’après la consolidation des poteaux et des traverses, Stella-Jones puisera dans ses flux de trésorerie pour verser de plus gros dividendes dont le rendement pourrait s’élever de 3 % à 5 %. «Dans l’arbre de décisions, ce scénario n’est pas à court terme», dit-il.

 

Pourquoi l’action a le même cours qu’en 2015?

Bien que l’action de Stella-Jones frôle un sommet annuel, son cours est au même point qu’en 2015 et il reste encore sous le record de 53,18 $atteint cette année-là. Comment est-ce possible puisque la société a accru ses revenus de 64 % et son bénéfice d’exploitation de 75 % depuis ? Après un court silence, Éric Vachon explique qu’une série d’événements ont entraîné ce passage à vide en Bourse. Les deux associés fondateurs, Tom Bruce Jones et Gianni Chiarva, ont vendu le solde de leurs actions en juillet 2018, à un cours de 13 % inférieur à celui du marché, obligeant le marché à absorber presque 900 millions de dollars d’actions.

Moins d’un an plus tard, l’architecte de la stratégie de consolidation et de 23 acquisitions, Brian McManus, a annoncé qu’il quittait la barre de l’entreprise malgré le prolongement de trois ans du plan de rémunération incitative et l’achat personnel de 2 M$d’actions des fondateurs.

Cette surprise que certains analystes ont comparée à un «choc»avait soulevé des questions sur les plans d’avenir de la société, reconnaît Éric Vachon. «La stratégie d’acquisitions avait aussi donné au titre un profil de croissance élevée dans un secteur assez stable. L’engouement avait alors poussé l’évaluation à la hausse», raconte-t-il.

Au sommet de 53,18 $en décembre 2015, l’action s’échangeait à 23,9 fois le bénéfice de 2,22 $par action réalisée en 2016. L’appréciation impressionnante de 3 100 % du titre entre 2000 et 2012 avait d’ailleurs été citée en exemple par Philippe Le Blanc, de Cote 100, dans un billet de blogue sur lesaffaires.com. Le gestionnaire de portefeuille faisait alors valoir qu’un placement performant n’avait pas besoin de se retrouver dans une industrie révolutionnaire.

Après le fort rebond du creux boursier de mars 2020, l’évaluation de Stella-Jones a retrouvé un multiple de 14,9 fois le bénéfice prévu dans 12 mois. Quand on demande à Éric Vachon quelle personnalité les investisseurs devraient attribuer à la société, il répond:un chef de file dans une niche résiliente offrant un parcours de croissance modérée accompagné d’une bonne remise de capital aux actionnaires.

Mark Rutherford, de Mawer Investment Management, voit la société du même oeil. «En fin de compte, Stella-Jones est un bon créateur de richesse. C’est une entreprise bien gérée, dont l’action est attrayante compte tenu de la demande structurelle pour ses produits qui doivent être remplacés après un certain temps», soutient l’analyste de Mawer, le troisième actionnaire de Stella-Jones.

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