Résistez au penchant local

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Édition de Novembre 2017

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Édition de Novembre 2017

[Illustration: Sébastien Thibault]

Nous avons clairement un penchant local lorsque vient le temps d'investir. Pourtant, la diversification internationale peut réduire considérablement le risque d'un portefeuille. Cela est particulièrement vrai pour les Canadiens.

Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. Cette règle élémentaire en matière de placement s'applique tout spécialement au marché canadien. Contrairement à l'économie américaine, la nôtre est beaucoup moins diversifiée. Preuve éloquente : les secteurs financier, énergétique ainsi que les matières premières représentent à eux seuls les deux tiers de la capitalisation boursière au pays.

Cette concentration sectorielle contamine même les titres individuels. Par exemple, au début des années 2000, l'action de Nortel a constitué plus de 30 % de l'indice de la Bourse de Toronto. L'entreprise pharmaceutique Valeant a également pesé lourd dans le portefeuille des investisseurs en 2015 à cause d'une capitalisation boursière qui dépassait celle de la Banque Royale. Le titre a depuis fondu comme neige au soleil.

Selon une étude* de Placements Vanguard Canada, le marché des actions canadiennes ne représente que 3,4 % de la capitalisation boursière mondiale (au 31 décembre 2014). Or, nous investissons près de 60 % de notre épargne en actions dans le marché national, soit 17 fois plus ! Ce fort penchant local nous expose, d'après Vanguard, aux risques liés aux entreprises canadiennes qui sont surpondérées dans certains secteurs et sous-pondérées dans d'autres tels que les technologies de l'information, les soins de santé et les biens de consommation de base.

Ainsi, la Bourse canadienne affiche une volatilité annuelle de ses rendements plus élevée que le marché mondial excluant le Canada, et ce, sans procurer un rendement supérieur. C'est le cas de la plupart des marchés domestiques examinés. En d'autres mots, «les portefeuilles entièrement composés d'actions d'un seul pays peuvent dégager des rendements trop faibles pour le niveau de risque assumé», soulignent les chercheurs de Vanguard. L'analyse couvre la période située entre le 31 décembre 1969 et le 31 mars 2014 et les rendements reflètent ceux des indices MSCI respectifs selon le pays et l'indice MSCI monde.

Mentionnons qu'en réduisant la volatilité de son portefeuille de placements, on s'assure de préserver plus longtemps son capital, un objectif primordial, notamment à l'approche ou au moment de la retraite. «Si la diversification internationale n'élimine pas l'incertitude à propos des rendements futurs, elle peut la réduire de beaucoup. Il est moins probable de perdre de l'argent sur de longues périodes avec un portefeuille mondial comparativement à un portefeuille uniquement constitué d'actions canadiennes», affirme Raymond Kerzérho, directeur de la recherche à PWL Capital.

Comprendre notre biais domestique

Plusieurs facteurs expliquent ce penchant local communément appelé biais domestique. «Cela provient notamment de notre préférence pour ce qui est familier. On choisit des entreprises que l'on connaît. Les recherches montrent également que les investisseurs tendent à être plus optimistes à propos de leur économie que de celle des autres pays. Autre raison : on pense qu'en investissant dans une entreprise multinationale d'origine canadienne, on atteindra une diversification mondiale suffisante. Or, ce n'est pas aussi vrai qu'on le croit. La performance de ces entreprises sera souvent très corrélée avec celle du marché domestique», explique Todd Schlanger, stratège principal Placements, du bureau de Vanguard à Toronto.

Autre facteur qui favorise l'achat d'actions chez nous : le crédit d'impôt pour dividendes de sociétés canadiennes imposables. Dans le cas d'une société étrangère qui verse un dividende à un résident canadien, celui-ci sera plutôt imposé comme un revenu ordinaire. De plus, le pays d'origine de l'entreprise, par exemple les États-Unis, peut retenir des impôts à la source. Il existe parfois des ententes qui permettent de réclamer un crédit d'impôt étranger dans le but d'éliminer ou de réduire les effets de cette double imposition. En fonction de la catégorie d'actifs et du pays d'origine de l'entreprise ou de l'émetteur, il peut donc y avoir des incidences fiscales diverses.

Le biais domestique affecte également la portion obligataire du portefeuille. À l'approche de la retraite ou en mode décaissement, on voudra s'assurer d'avoir suffisamment de sources de revenus en dollars canadiens afin d'apparier ces déboursés. C'est pourquoi nous préférons les obligations qui procurent des revenus en dollars canadiens.

«N'oublions pas que les obligations détenues dans notre portefeuille comportent un risque de défaut de paiement. La diversification est donc un élément central, car si on perd un montant d'argent important sur ces placements, on aura peu de chances de se reprendre, les obligations n'ayant pas le potentiel haussier que possèdent les actions. Alors, à moins d'acheter seulement des obligations gouvernementales de grande qualité, on voudra détenir des centaines de titres provenant d'émetteurs différents», souligne Raymond Kerzérho. De même, puisque les taux des obligations sont encore très bas au Canada, on peut, en investissant à l'étranger, profiter de la forme de la courbe de rendement qui sera différente d'un pays à l'autre. Celle-ci reflète notamment les prévisions d'inflation et de croissance économique.

Investir à l'étranger n'est évidemment pas sans risque, en particulier quand on place son épargne dans des pays politiquement fragiles et où la devise peut se faire malmener (voir encadré). «Certains clients ne sont pas à l'aise à l'idée d'avoir plus de la moitié de leurs actions dans des titres mondiaux. Ils constatent avec regret qu'un marché boursier haussier une certaine année peut concéder une grande part de ce rendement en raison de fluctuations défavorables de la devise, remarque Dan Hallett, vice-président de HighView Financial Group. Pourtant, à long terme, l'effet combiné d'avoir plusieurs devises dans le portefeuille sera positif, mais les investisseurs vont souvent juger la performance de leur portefeuille sur un horizon assez court», ajoute-t-il.

Enfin, les coûts de transaction élevés et la liquidité parfois moindre des investissements étrangers ont pu nourrir cette aversion envers ces titres. Aujourd'hui, des solutions de placement comme les fonds négociés en Bourse (FNB) permettent aux particuliers d'accéder à des produits liquides et diversifiés pour aussi peu que quelques dizaines de points de base par année.

Quelle part investir à l'étranger ?

Y a-t-il alors une proportion optimale de titres étrangers à avoir dans son portefeuille ? «Pour toutes les raisons évoquées précédemment, on voudra trouver le bon équilibre entre le marché domestique et international. «D'après nos analyses, pour un Canadien, il est censé détenir, pour la portion actions du portefeuille : 30 % de titres domestiques et 70 % de titres internationaux. Quant au pourcentage à revenu fixe, nous privilégions une plus grande part de titres canadiens, soit 60 % de titres locaux et 40 % à l'international», précise Todd Schlanger. La situation spécifique d'un individu peut bien sûr faire jouer ces combinaisons.

Selon le président de CFA Montréal, Frederick Chenel, l'abolition des limites de contenu étranger, notamment dans le REER, a favorisé les investissements dans les actions mondiales et a engendré une vague en faveur des marchés émergents. «La tendance vers une plus grande diversification internationale se poursuivra dans les prochaines années. Les investisseurs sont intéressés par des marchés de plus en plus granulaires, comme les marchés frontières (aussi appelés marchés naissants)», remarque celui qui est également vice-président chez Fiera Capital.

Les stratégies d'investissement se sont d'ailleurs démocratisées et donnent la possibilité au particulier de mieux diversifier son portefeuille. «On a aujourd'hui accès à des placements autrefois réservés aux caisses de retraite tels que des fonds d'infrastructures, des fonds immobiliers et des placements privés», ajoute-t-il.

La diversification par pays ou par grande région géographique (Europe, Asie, Amériques) permet donc de profiter de la croissance économique et de courbes de taux d'intérêt qui diffèrent d'un État à l'autre. Cela sous-entend également le choix des catégories d'actifs qui composeront notre portefeuille et de notre philosophie de placement. Opterons-nous pour une gestion passive en répliquant des indices boursiers ou serons-nous plus actifs en sélectionnant des titres individuels ? Il est évidemment possible de combiner différentes stratégies de diversification.

[Illustration: Sébastien Thibault]

ON PROTÈGE OU PAS LE RISQUE DE DEVISE ?

La diversification à l'étranger amène toute la question de la couverture du risque de change. D'abord, la réponse sera bien différente si on est Canadien plutôt qu'Américain. En effet, le dollar US tend à s'apprécier quand le monde financier traverse une crise, jouant ainsi un rôle de monnaie refuge. Dans une telle situation, notre huard perdra plusieurs plumes. Notre économie concentrée est donc vulnérable en temps de turbulences boursières comme en 2008 ou lors de la chute des prix des matières premières en 2014-2015.

Cela dit, la plupart des experts s'entendent pour ne pas protéger le risque de devise des investisseurs canadiens. «Les placements étrangers vont effectivement offrir une protection naturelle lors d'une correction des marchés ou de périodes de grande volatilité boursière. Mes placements aux États-Unis, par exemple, devraient prendre de la valeur en raison de la devise américaine qui devrait s'apprécier», confirme Frederick Chenel.

Ce raisonnement tient la route quand il est question de la portion actions du portefeuille. Il faut toutefois nuancer ces propos lorsqu'il s'agit de couvrir le risque de devise de notre portefeuille obligataire. «L'objectif des obligations étrangères est de réduire la volatilité du portefeuille dans son ensemble. Si vous ne couvrez pas le risque de ces titres, vous allez rater l'objectif», souligne Raymond Kerzérho. Effectivement, la volatilité d'un portefeuille obligataire mondial non couvert provient essentiellement des fluctuations des devises plutôt que des titres sous-jacents. «Tous nos portefeuilles à revenu fixe étrangers sont protégés contre les fluctuations de devises afin de préserver le rôle protecteur de ces titres», ajoute Todd Schlanger.

* Brian J. Scott, CFA ; James Balsamo ; Kelly N. McShane ; Christos Tasopoulos, «The global case for strategic asset allocation and an examination of home bias», Vanguard Research, février 2017.

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