Pas pépères, ces obligations

Publié le 01/06/2009 à 00:00

Pas pépères, ces obligations

Publié le 01/06/2009 à 00:00

À un moment où on ne sait plus à quel saint se vouer pour obtenir des rendements, les obligations d'entreprises, vu leurs taux d'intérêt élevés, semblent tout droit tombées du ciel. Attention : risquées.

Au début de 2009, le légendaire Warren Buffett a acheté pour 300 millions de dollars américains d'obligations de Harley-Davidson, qui affichent un taux d'intérêt annuel de 15 % sur cinq ans. Qu'est-ce qu'on fait de nos petites obligations municipales, provinciales ou fédérales qui végètent dans les 4 % ?

N'allez pas trop vite ! Bien des choses distinguent l'obligation émise par une entreprise de celle d'un gouvernement. En finance, au moins une règle semble immuable : plus c'est payant, plus c'est risqué. Le rendement mirobolant de 15 % s'explique en bonne partie par le contexte de crise financière, en particulier l'étranglement du crédit aux entreprises. Le crédit étant plus difficile à obtenir, ces dernières doivent accepter de payer un taux d'intérêt plus élevé que celui d'une obligation gouvernemen-tale. Les rendements élevés sont également dus à la "prime" (aussi appelée "écart de rendement") accolée à ce genre de placement dont le risque est plus élevé que celui d'une obligation gouvernementale.

"La crise financière des derniers mois a touché le secteur des sociétés, plus particulièrement les titres liés au secteur financier, comme les banques et les compagnies d'assurance, dit Guy Liébart, président de Gestion Sodagep. L'écart de rendement entre une obligation du gouvernement fédéral et une obligation de société indique le risque associé à cet investissement."

Malgré les promesses de rendement élevé des obligations d'entreprises, il faut être très prudent avec ce type de placement. "C'est un marché qui peut devenir très complexe et il est facile de mettre les pieds dans les plats", prévient Stéphane Morin, comptable agréé et conseiller chez Demers, Valeurs mobilières. Guy Liébart abonde dans le même sens. "Il ne faut pas se laisser séduire par les hauts rendements sans savoir précisément ce dans quoi on investit, insiste-t-il. Qui dit haut rendement dit risque plus élevé ou produit très particulier auxquels sont attachées bien des conditions particulières."

Avoir la cote

En premier lieu, il faut comprendre qu'acheter des obligations, c'est devenir un créancier. Vous prêtez votre argent au gouvernement, à une société d'État ou encore à une entreprise. Vous voulez donc récupérer votre mise au moment de l'échéance et empocher des intérêts d'ici là. La solvabilité de l'émetteur est donc essentielle.

D'ailleurs, le mot "obligation" prête un peu à confusion. Les gouvernements nous ont habitués à considérer l'obligation comme un placement dont le capital est garanti. C'est vrai dans la mesure où ils ont les moyens de maintenir le paiement des intérêts, le coupon, et de nous rembourser le principal.

Dans le cas des entreprises, personne n'offre une telle garantie. "Il s'agit du premier risque à considérer dans l'évaluation d'une obligation", dit Carl Simard, président de Medici, gestion de portefeuille. Dans le jargon de la finance, on parle de risque de crédit, ou risque de défaut. Il s'agit tout simplement d'évaluer la solidité financière d'une entreprise et donc sa capacité à verser les intérêts de façon régulière (deux fois par an), ainsi qu'à rembourser le principal au moment de l'échéance.

Des agences de cotation comme Standard & Poors, Moody's, Fitch et Dominion Bond Rating System (DBRS) le font de façon systématique. Elles publient un bulletin accompagné d'une cote et d'une mention sur les perspectives (négatives, stables, positives). On peut consulter les cotes des obligations sur les sites Web de ces agences. "Idéalement, note Carl Simard, il faut se fier à trois cotations."

"Une obligation de société qui a une note de BB et moins n'est pas considérée comme un investissement acceptable pour la plupart des gestionnaires institutionnels, à moins de gérer un fonds ou une partie du portefeuille consacré aux obligations à haut rendement", explique Guy Liébart. En général, les cotes BBB- et plus (BBB, BBB+ et toute la série de A, AA, et AAA) représentent des obligations de qualité dont les risques sont relativement faibles.

Cependant, la cote n'est pas tout. Les obligations ont une durée dans le temps, une date d'échéance. "C'est le deuxième risque à considérer", affirme Carl Simard. Plus l'échéance est éloignée dans le temps, plus les risques que la situation de l'entreprise se détériore sont élevés. "Plus elle est proche, ajoute le gestionnaire, meil-leures sont les probabilités d'encaisser le principal et les intérêts." Certaines obligations arriveront à échéance dans plus de 10 ans. Comment savoir si l'entreprise, qui est solide aujourd'hui, ne connaîtra pas des difficultés plus tard ?

L'entreprise ne fera pas forcément faillite et vous pourriez récupérer votre mise, y compris les intérêts. Toutefois, la valeur marchande de votre obligation fluctuera au cours des ans. La durée de l'obligation peut causer un problème de liquidités. "Si l'investisseur a besoin de son argent très vite, souligne Benoît Durocher, vice-président chez Addenda, il aura peut-être un problème. L'écart entre l'offre et la demande pour une obligation donnée peut être très significatif." Si votre obligation est peu attrayante, les acheteurs offriront parfois bien moins que sa valeur initiale. Vous vendrez, mais en y laissant des plumes.

Pendant un changement de conjoncture économique, le marché secondaire nuira aux obligations d'entreprises. "Le rendement des obligations de sociétés a été épouvantable en 2008", remarque Guy Liébart. Ainsi, selon ce gestionnaire, l'ensemble des obligations de sociétés a alors enregistré un rendement de 0,23 %, par rapport à 9,03 % pour les titres des gouvernements. Pour les obligations de un à cinq ans, le score est de 5,25 %, par rapport à 10,16 % en faveur des gouvernements. L'écart est encore plus important pour les échéances de cinq à 10 ans (- 1,21 %, par rapport à 11,66 %) et de plus de 10 ans (- 11,70 %, par rapport à 6,16 %).

Cependant, ces fluctuations du marché secondaire ont peu d'impact si vous con-servez l'obligation jusqu'à son échéance, une stratégie que nos experts préconisent pour les petits investisseurs. L'émetteur remboursera alors le principal en entier, s'il n'a pas fait faillite. Dans cette éventualité, le détenteur d'obligations passe avant les actionnaires (actions or-dinaires et privilégiées) dans la liste des créanciers, mais après les banques et les fournisseurs.

Quelle place dans un portefeuille ?

Bien qu'elles soient plus risquées que leurs homologues des gouvernements, les obligations d'entreprises peuvent tout de même prendre place dans votre portefeuille. Idéalement, dans un placement enregistré (REER et CELI, par exemple), car l'obligation paie des intérêts qui sont entièrement imposables. "Ce type de placement peut quand même convenir aux personnes qui veulent tirer un revenu de leur portefeuille", note Carl Simard.

Ces obligations s'insèrent dans la partie revenu fixe du portefeuille. Stéphane Morin rappelle toutefois que l'objectif premier des titres à revenu fixe est de protéger le capital, puis de donner un rendement. "Ce serait une erreur de sacrifier à la sécurité pour obtenir 1 ou 2 % de plus", croit-il. Pour sa part, Guy Liébart estime que les obligations d'entreprises ne devraient jamais représenter plus de 10 à 15 % des titres à revenu fixe. "Il faut acheter uniquement des titres de très grande qualité, qui ont une cote de A et plus", insiste-t-il.

"Vu le contexte qui prévalait à la fin de mars 2009, ajoute Stéphane Morin, je reste très prudent. Nous ne savons pas encore quelles entreprises connaîtront de sérieuses difficultés." La seule protection contre les risques de défaut reste la diversification. Il faut donc des titres de plusieurs sociétés. Or, les obligations ne sont disponibles qu'en tranche de 1 000 dollars et il faut prévoir l'achat d'une dizaine de ces cou-pures, soit 10 000 dollars, pour mettre la main sur un titre à peu de frais. La diversification nécessitera donc un capital important et un portefeuille global de quelques centaines de milliers de dollars, de façon à ne pas trop exposer l'investisseur. L'achat de fonds demeure donc la solution la plus valable pour le petit investisseur.

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