Les cartes sportives, un bon investissement?

Offert par Les Affaires


Édition du 12 Mai 2021

Les cartes sportives, un bon investissement?

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Édition du 12 Mai 2021

Par Denis Lalonde

Georges Laraque, ancien joueur de la LNH et copropriétaire de la boutique Ultime Sports Collection: «J’allais vendre [mes cartes sportives] au magasin pour me payer les bâtons ou les patins dont j’avais besoin.» (Photo: Martin Flamand)

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’industrie des cartes sportives a connu une véritable explosion, stimulée entre autres par la médiatisation de ventes d’items à des prix record. 

Une carte du légendaire joueur des Yankees Mickey Mantle de la collection Topps de 1952 a battu un record en janvier dernier, en étant vendue pour un montant de 5,2 millions de dollars américains (M$ US). Quelques semaines plus tard, une carte unique de 2018 de l’étoile montante de la NBA, Luka Doncic, s’est vendue 4,6 M$ US. 

En décembre, une carte recrue de Wayne Gretzky de la collection O-Pee-Chee de 1979-1980 a battu un record pour une carte de hockey lors d’une vente aux enchères, étant vendue pour un montant de près de 1,3 M$ US. 

Il ne s’agit ici que de quelques exemples parmi bien d’autres qui illustrent que 2020 a été faste pour les vendeurs de cartes de collection, malgré un début d’année chaotique en raison de la pandémie de COVID-19. 

« Il ne faut pas oublier qu’au début de la pandémie, la valeur des cartes a beaucoup baissé en raison de l’incertitude », soutient Anthony Doyon, copropriétaire des boutiques Imaginaire, dont les établissements se situent à Québec, Lévis, Sherbrooke, Trois-Rivières et Saint-Bruno-de-Montarville. 

« Beaucoup de régions ont été soumises au confinement avec la fermeture des commerces non essentiels, rappelle-t-il. Toutes les ligues de sport professionnelles ont cessé leurs activités et beaucoup de gens se sont retrouvés à se demander quoi faire pour passer le temps. Vers la fin du mois d’avril 2020, quand tout le monde s’est rendu compte que la Terre n’allait pas arrêter de tourner, beaucoup de gens ont choisi d’investir dans les cartes sportives, ce qui a eu pour effet d’aller chercher une nouvelle génération de collectionneurs. » 

Rob Bigler, directeur général d’eBay Canada, ajoute que beaucoup de gens ont perdu leur emploi et ont cherché à obtenir des revenus avec les meilleures cartes qu’ils conservaient précieusement depuis de nombreuses années. « À ce moment, l’option la plus facile était de les placer sur des plateformes en ligne comme eBay, ce qui a contribué à créer un inventaire beaucoup plus intéressant », dit-il. 

eBay Canada affirme que la valeur de toutes les cartes de collection vendues sur son site l’an dernier a progressé de 110 % par rapport à 2019. Les cartes sportives ne sont pas les seules à être en vogue depuis un an. Les cinq catégories les plus populaires au pays ont été, dans l’ordre, le hockey, les Pokémon, le baseball, Magic : L’Assemblée et le basketball. L’entreprise dit avoir vendu 1,5 million de cartes de plus en 2020 qu’en 2019, toutes catégories confondues. 

L’ancien joueur de la LNH, Georges Laraque, copropriétaire de la boutique de cartes sportives et d’objets de collection Ultime Sports Collection, à Laval, parle d’un autre facteur qui a pu contribuer au boom dans l’industrie. « Depuis le début de la pandémie, les bars et les bars de danseuses, dont certains servent au blanchiment d’argent, sont fermés. En attendant la réouverture, certains membres du crime organisé ont fait le choix de miser sur des cartes de grande valeur en payant comptant, avant de les revendre de façon légitime », raconte-t-il. 

Du côté du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le service des relations médias dit avoir effectué plusieurs vérifications en interne pour obtenir plus d’informations à ce sujet. « Malheureusement, à l’heure actuelle, il ne s’agirait pas d’une tendance ou d’un stratagème ayant été porté à l’attention du SPVM », nous a-t-on répondu par courriel.

 

Une question de stratégie

Si tous ces facteurs peuvent contribuer de près ou de loin à l’engouement pour l’industrie, cela ne veut pas nécessairement dire que les cartes sportives constituent un bon investissement, mais plusieurs moyens permettent de réaliser des profits tout en s’adonnant à ce loisir. « Beaucoup de gens collectionnent juste pour le plaisir, mais ça peut être un passe-temps très lucratif si tu fais ça de façon intelligente », affirme Georges Laraque. 

Les cartes à faible tirage de joueurs étoiles peuvent valoir une fortune, mais la plupart des gens préfèrent miser sur les cartes recrues de joueurs promis à un bel avenir, soit celles de leur première année dans les rangs professionnels. 

M. Laraque raconte que dans sa jeunesse et son adolescence, ses connaissances du monde des cartes sportives lui ont permis de renouveler son équipement de hockey au fil des ans. « J’achetais la revue « Beckett », qui publie chaque mois la valeur de toutes les collections de cartes. C’était alors la bible des collectionneurs. Je connaissais les prix et je demandais à mes amis de vérifier s’ils avaient de vieilles cartes à la maison, que je leur échangeais contre des cartes récentes et de moindre valeur. J’allais ensuite les vendre au magasin pour me payer les bâtons ou les patins dont j’avais besoin », raconte-t-il. 

Une stratégie qui lui a permis de gravir les échelons jusque dans la LNH, où il a amassé 53 buts, 100 mentions d’aide et 1126 minutes de pénalité en 695 matchs entre 1997 et 2010, devenant l’un des pugilistes les plus redoutés de sa génération. 

Aujourd’hui, toutefois, le « Beckett » n’est plus une référence pour les collectionneurs. « Le marché bouge trop vite et le magazine mensuel ne peut pas suivre la cadence. Pour avoir une bonne idée de la valeur des cartes, les collectionneurs doivent se tourner vers eBay et aller vérifier les ventes terminées », soutient Daniel Rock, président d’ACA Certification, une entreprise de La Prairie qui offre des services de gradation de cartes, d’authentification de signatures et d’encadrements personnalisés. 

Une façon simple pour faire vérifier l’état d’une carte est d’avoir recours à un service de gradation, qui protégera l’item évalué dans un boîtier scellé. Pour qu’une carte conserve un maximum de valeur, il faut l’évaluer selon quatre critères : l’état des coins, des bordures, de la surface et du centrage. Une carte parfaite obtient la cote de 10/10. Il est loin d’être acquis que toutes les cartes sont parfaites, même lorsqu’elles sortent de leur paquet avant d’être placées directement dans un sachet de plastique (« sleeve ») et dans un protecteur en plastique (« top-loader »). 

« La carte de Gretzky qui s’est vendue plus de 1 M$ est l’une des deux seules qui est gradée PSA 10. Dans les semaines qui ont suivi la vente, beaucoup de gens sont venus me voir avec la même carte en pensant qu’ils étaient millionnaires. Il m’a fallu faire diminuer leurs attentes, puisqu’elles n’étaient pas parfaites ou qu’il s’agissait de copies. C’est le volet “plate” de mon travail », confie Daniel Rock. 

Ce dernier estime que la demande pour la gradation de cartes a explosé de plus de 1000 % depuis un an. « C’est certain que pour la valeur de revente à l’échelle internationale, les deux géants mondiaux du secteur, Beckett Grading Services et Professional Sports Authenticator (PSA), auront toujours une longueur d’avance sur nous, mais au Québec et à l’extérieur de la province, nous avons acquis une belle notoriété grâce à la sévérité et à la qualité des gradations », dit-il. 

Des propos corroborés par Anthony Doyon : « Si vous voulez vendre sur des plateformes comme eBay, les seules cartes qui se négocieront à leur pleine valeur seront celles qui auront été gradées par Beckett et PSA. Les autres entreprises de gradation ne sont pas assez connues mondialement. » 

Imaginaire est l’entreprise qui a offert 10 000 dollars pour faire l’acquisition d’une édition « High Gloss » limitée à 10 exemplaires de la carte recrue d’Alexis Lafrenière, premier choix total du dernier repêchage de la LNH. L’entreprise fera tirer la carte en octobre parmi 11 finalistes qui auront acheté des produits Upper Deck dans l’une des boutiques de la chaîne ou sur son site web.

 

Savoir quand vendre

Le plus difficile pour les collectionneurs est de laisser les émotions au vestiaire et de savoir quand vendre pour rentabiliser leur investissement. 

Georges Laraque rencontre beaucoup de collectionneurs pour évaluer leurs cartes et acheter ce qui l’intéresse. Il constate que beaucoup de personnes âgées qui ont accumulé de vieilles cartes refusent toujours de les vendre, pensant qu’elles vont continuer de gagner en valeur. « C’est une erreur de trop attendre, parce que les joueurs des années 1950, 1960 et 1970 vont finir par tomber dans l’oubli et la valeur de leurs cartes va diminuer. Attendre 10 ou 20 ans de plus ne servira à rien », prévient-il. 

L’ex-hockeyeur ajoute que les meilleurs moments pour vendre une carte surviennent quand un joueur étoile bat un record, prend sa retraite, entre au Temple de la renommée ou… décède. 

« Quand Tiger Woods a eu son accident d’auto, les prix de ses cartes ont grimpé en flèche. Quand l’ex-joueur étoile de la NBA Kobe Bryant est mort tragiquement dans un accident d’hélicoptère, le même phénomène est survenu, tout comme après la mort de l’ancien joueur de soccer Diego Maradona. Beaucoup de gens veulent alors se rattacher à l’athlète et vont vouloir acheter une carte recrue pour avoir un souvenir de lui », explique-t-il. 

Éric Brunelle, professeur titulaire au Département de management et directeur du Pôle sports à HEC Montréal, estime que le marché est très élevé en ce moment, un peu comme au début des années 1990. « Tôt ou tard, l’effervescence finira par s’estomper. Les cartes de collection sont des achats à haut risque et souvent très émotifs. C’est une question d’offre et de demande. La valeur de la carte n’est pas très élevée si on tient compte du carton sur lequel elle est imprimée. C’est ce qui est dessus qui lui donne de la valeur », dit-il. 

Lorsque la pandémie sera chose du passé et que l’économie reviendra à la normale, le marché devrait redevenir un peu plus à l’avantage des acheteurs, selon lui.

***

Comment évaluer une carte?

Pour qu’une carte conserve un maximum de valeur, le mieux est de la faire évaluer par une entreprise de gradation. Comment différencier une reproduction d’une carte authentique ? Le monde des cartes de collection n’est pas à l’abri de la contrefaçon, qui touche surtout les items de grande valeur. Il peut toutefois être difficile pour les néophytes de distinguer le vrai du faux. La carte recrue de Wayne Gretzky est un parfait exemple de carte qui a été contrefaite à plusieurs reprises et les pros peuvent le détecter en un clin d’oeil. «Il y a plusieurs détails à regarder. En premier lieu, la qualité de l’impression est de loin inférieure sur les cartes contrefaites, c’est facile à voir. De plus, sur la carte recrue de Gretzky, les cartes authentiques ont toutes un point jaune sur l’épaule gauche qui n’apparaît pas sur les reproductions», explique Daniel Rock, président d’ACA Certification. Daniel Rock ajoute que le patin gauche du joueur le plus prolifique de tous les temps ne doit pas toucher à la bordure pour que la carte puisse être authentique. Tout peut aussi être une question de prix. Si la carte est vendue à une fraction de son prix réel, on tente probablement de vous refiler une reproduction qui n’a aucune valeur de revente.

Les comportements à éviter pour réaliser un bon rendement

Dans le monde des collectionneurs, les experts misent avant tout sur des valeurs sûres. Pour le commun des mortels, qui n’ont pas les poches aussi profondes, Georges Laraque a quelques conseils qui permettront d’éviter de perdre de l’argent à long terme.

Beaucoup de collectionneurs vivent pour acheter des boîtes de cartes et les ouvrir. À long terme, toutefois, il s’agit d’une stratégie perdante, selon lui. «De temps en temps, tu vas trouver de bonnes cartes, mais à long terme, les acheteurs vont perdre de l’argent. Le mieux est parfois de simplement conserver les boîtes scellées. Si les collections contiennent de bonnes cartes recrues, les boîtes vont prendre de la valeur avec le temps», dit-il. En consultant eBay, on constate que des boîtes de la collection Hockey d’Upper Deck Series 1 de 2005-2006 pouvant potentiellement contenir une carte recrue de Sidney Crosby ont été vendues jusqu’à 2000 dollars récemment, alors qu’elles coûtaient une centaine de dollars au moment de leur sortie.

Un nouveau phénomène s’est emparé du monde des collectionneurs depuis quelque temps, celui des breaks de boîtes, qui consiste à ouvrir une boîte en ligne devant quelques collectionneurs qui ont payé pour recevoir toutes les cartes d’une ou deux équipes au hasard.

Par exemple, une personne qui détient une boîte payée 120 dollars pourrait vendre 31 places (pour chacune des équipes de la LNH) à 5 dollars, ce qui lui permettra de récolter 155 dollars. Au moment d’ouvrir la boîte, chaque participant recevra toutes les cartes de l’équipe qui lui a été attribuée.

«À long terme, avec cette stratégie, en calculant toutes les fois où ils n’auront pas eu de grosse carte, les acheteurs perdront de l’argent», estime l’ancien joueur des Oilers d’Edmonton, des Penguins de Pittsburgh, des Coyotes de Phoenix et du Canadien de Montréal. M. Laraque recommande aussi d’éviter d’acheter des cartes de joueurs dont la popularité est au sommet. Comme à la Bourse, les cartes de ces joueurs risquent de revenir à des prix plus raisonnables lorsque les collectionneurs seront passés à autre chose. «Par exemple, si on parle de la carte recrue d’Alexis Lafrenière no 201 d’Upper Deck, les gens ont sauté dessus au début et elle se vendait à plus de 500 $. Je disais d’attendre parce que, quand tout le monde veut une carte, elle se vend trop cher. L’engouement était trop grand. Là, comme le prix de la carte a chuté entre 150 et 200 $, certains achètent en se disant que ça va se réajuster. Je ne suis pas un fan de prendre des risques comme ça avec des recrues. J’aime mieux des valeurs sûres», dit-il.

 

Donner ses cartes en héritage, une erreur

Les gens qui ont collectionné toute leur vie sans vendre vont parfois préférer léguer leurs collections en héritage. Toutefois, Georges Laraque estime que les héritiers en question n’auront pas le même attachement émotionnel envers les produits et vont souvent s’en départir au rabais.

S’ils deviennent moins intéressés en vieillissant, les collectionneurs feront toujours mieux de vendre leurs cartes eux-mêmes.

 

Les jetons non fongibles, un phénomène qui ne touche pas encore le hockey

Si le marché des collectionneurs repose en grande partie sur la vente de cartes physiques, l’univers pourrait bientôt être bouleversé par l’apparition des jetons non fongibles (aussi connus sous l’acronyme anglais NFT). L’Association nationale de basketball (NBA) a été la première à faire le saut dans la vente de jetons non fongibles, des actifs numériques inspirés des cryptomonnaies et utilisant la technologie de la chaîne de blocs. Un jeton montrant le joueur étoile LeBron James réaliser un panier smashé (dunk) a même été vendu 208 000 $US en février et le nombre d’adeptes ne cesse d’augmenter. Au baseball, Topps a lancé le 20 avril les versions NFT de ses cartes de joueurs, alors que du côté de la Ligue nationale de hockey (LNH), seuls quelques joueurs, comme Matthew Tkachuk et Auston Matthews, ont lancé leurs collections de jetons.

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