Les actions valeur ont la cote


Édition de Juin 2022

Les actions valeur ont la cote


Édition de Juin 2022

(Photo: 123RF)

CLASSE D'ACTIFS. À la traîne depuis des années, le style de gestion valeur pourrait tirer son épingle du jeu. Voici pourquoi.

Depuis une décennie, l’approche axée sur la croissance a rapporté gros. Au 31 mars 2022, l’indice iShares S&P500 Croissance affichait un rendement annuel moyen de +16,8 %, relativement à +11,9 % pour l’indice iShares S&P500 Valeur. Depuis cinq ans, cet écart est encore plus important, affichant un rendement annuel moyen de +19,9 % pour l’indice croissance, comparativement à +11,1 % pour l’indice valeur.

Pourtant, les actions de type croissance ont généré des rendements moins étincelants récemment. La remontée des taux d’intérêt y est-elle pour quelque chose ? Plusieurs analystes le pensent. Puisque le prix d’un titre en Bourse est le reflet des bénéfices futurs de l’entreprise, il faut donc actualiser ces flux monétaires à un taux d’intérêt plus élevé, ce qui diminue la valeur de ces sociétés aujourd’hui. L’augmentation des taux d’intérêt pourrait saper le potentiel de profit de ces actions.

Par ailleurs, le ratio cours/bénéfice prévisionnel de l’indice américain MSCI Croissance est actuellement de 27,6 et il était autour de 34-35 à son sommet (entrevue accordée le 20 avril). «Avec la remontée des taux d’intérêt, on constate une compression de ce multiple. Il pourrait encore se dégonfler, sachant que la médiane sur cinq ans est d’environ 22», observe Hugo Ste-Marie, directeur de la stratégie de portefeuille et de l’analyse quantitative à Banque Scotia Marchés mondiaux.

Un investisseur de type valeur recherche des sociétés qui ont sous-performé et dont le cours boursier se négocie en dessous de sa valeur intrinsèque. «On espère que l’escompte va s’amenuiser et que le titre sera réévalué à la hausse à l’avenir», souligne Hugo Ste-Marie. On entend, par valeur intrinsèque, la valeur de l’actif tangible d’une société (usine, stocks) et celle de son actif intangible (brevets, marques, expertise). Un titre boursier peut avoir à la fois une valeur intrinsèque élevée et un bon potentiel de croissance. «Les titres ou secteurs valeur d’aujourd’hui peuvent également changer de catégorie au fil du temps», rappelle le stratège de la Banque Scotia. Pensons à l’éclatement de la bulle Internet au tournant du millénaire. Au lendemain du krach boursier, plusieurs de ces entreprises technologiques sont devenues des titres valeur.

Comment déterminer si un titre est suffisamment dévalué et qu’il mérite l’attention des investisseurs ? Les gestionnaires ont chacun leur grille d’analyse et plusieurs ratios seront examinés. Le plus courant sera le cours boursier/valeur comptable. C’est celui qui est utilisé par les chercheurs afin de déterminer s’il existe une prime liée aux titres valeur (voir encadré). En gros, on veut dénicher des sociétés peu chères et dont les ratios cours/bénéfice et cours/valeur comptable sont bas par rapport à ceux de l’industrie ou du marché.

On pourrait également observer le rendement du dividende, le ratio cours/bénéfices prévisionnels fondé sur les estimations des 12 prochains mois de même que le ratio de Shiller qui utilise un bénéfice net par action ajusté à l’indice des prix à la consommation sur une période de 10 ans. Cette dernière donnée permet de déterminer si une société est surévaluée ou sous-évaluée en comparant son prix actuel par rapport à un historique ajusté pour l’inflation. «On va par la suite classer les titres selon chacun de ces facteurs et dresser une liste du top 30 au Canada ou top 50 aux États-Unis de titres valeur qu’on pourrait favoriser», précise Hugo Ste-Marie.

En tête de liste, le secteur énergétique se démarque. Pensons aux sociétés pétrolières et gazières, les services énergétiques et publics ainsi que les pipelines. Ensuite, on retrouve le secteur des ressources naturelles qui se compose d’industries manufacturières et minières axées sur les produits de base comme les métaux, minéraux et produits chimiques. Les titres des services financiers se distinguent également avec des pointages valeur plus élevés.

 

Attention à l’approche unique

Ceux qui détiennent seulement des titres de croissance s’en mordent les doigts depuis quelques mois. Est-ce le temps de délaisser complètement ce style afin de miser sur des titres dévalorisés ? «Pas nécessairement. Tout est une question de calibrage dans notre portefeuille. On veut être bien diversifié», rappelle Hugo Ste-Marie. On pourrait tenir compte du contexte économique. La hausse des taux obligataires met de la pression sur le prix des titres croissance qui se négocient encore à de hauts multiples (ratio cours/bénéfice), d’après lui. «En détenant un portefeuille contenant uniquement des actions valeur, on doit comprendre qu’on pourrait avoir un rendement inférieur au marché», met en garde Raymond Kerzérho, directeur de la recherche à PWL Capital.

«La croissance est une composante de la valeur d’une entreprise. On ne souhaite pas nécessairement acheter une entreprise dévalorisée. On recherche plutôt des titres de qualité à prix raisonnable avec des modèles d’affaires rentables, des avantages concurrentiels ou des barrières à l’entrée élevées», souligne Philippe Le Blanc, chef des placements à COTE 100.

Aujourd’hui, les titres valeurs qui se démarquent sont bien souvent dans le secteur énergétique et des produits de consommation de base. «Même si l’activité économique devait ralentir, la demande dans ces secteurs devrait demeurer robuste en raison de la transition verte», ajoute l’analyste de la Banque Scotia. Pensons aux batteries des véhicules électriques qui nécessitent l’extraction de cuivre, notamment. Les investissements en infrastructures vont demeurer importants et requièrent plusieurs métaux de base. L’offre est par ailleurs limitée par le sous-investissement passé dans les secteurs minier, pétrolier et gazier. Le contexte géopolitique lié à la guerre en Ukraine ajoute aussi une prime sur le prix de l’énergie, sans oublier les prix du blé et des engrais qui poussent à la hausse les prix de l’alimentation.

Sélectionner des titres valeur requiert une expertise et du temps. Si on ne veut pas le faire soi-même ou avoir recours à un gestionnaire actif, il est possible d’acheter des fonds négociés en Bourse qui vont pister un indice d’actions valeur. Aux États-Unis, on trouve par exemple le iShares Russell de moyennes capitalisations valeur (IWS, 111,23 $US), ratio de frais de gestion (RFG) de 0,23 %) ou le Vanguard de petites capitalisations valeur (VBR, 162,92 $US, RFG 0,07 %). Au Canada, le iShares Valeur réplique le rendement de l’indice Dow Jones Canada Select Value (XCV, 34,93 $, RFG 0,55 %). On pourrait aussi tenir compte des concentrations sectorielles des grands indices en favorisant le marché canadien relativement au marché américain puisqu’il est concentré davantage dans les secteurs de l’énergie, des services financiers et des ressources naturelles, tous des thèmes valeur présentement. 

 

 

Existe-t-il une prime valeur?

Les sociétés de placement tentent depuis toujours de démontrer que certaines stratégies peuvent se démarquer. La gestion de type valeur n’y échappe pas. On cherche à déterminer si ces actions jugées peu chères affichent historiquement un rendement excédentaire et que cette surperformance se maintient dans le futur.

«La majorité des études universitaires concluent à une prime valeur», constate Raymond Kerzérho, directeur de la recherche à PWL Capital. Ce dernier se réfère à plusieurs analyses de Fama et French sur les titres valeur américains. Même durant la période de 1992 à 2019, où cette prime a été malmenée, on constate des rendements excédentaires. Les chercheurs ont qualifié cette période d’événement aléatoire. Fama et French concluent également en 2017 qu’une prime valeur existe sur les marchés européens, au Japon et dans la région de l’Asie-Pacifique (données de 1990 à 2015).

Jusqu’à l’an dernier, les titres valeur ont été bon marché. «Je ne serais pas surpris si les ratios d’évaluation des actions de valeur et de croissance revenaient à leur norme historique», remarque Raymond Kerzérho. L’expansion des ratios a été alimentée, selon ce dernier, par une préférence généralisée des investisseurs pour les titres de croissance. Les actions de valeur sont souvent des titres délaissés et jugés plus risqués. Mais la théorie dit que sur une très longue période, on va observer des rendements excédentaires.

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