La crise dans la mire de l'investissement responsable

Publié le 12/12/2008 à 00:00

La crise dans la mire de l'investissement responsable

Publié le 12/12/2008 à 00:00

Par LĂ©onie Laflamme Savoie
C'est un tout petit détail qui a semé la puce à l'oreille de Matthew J. Kiernan, chef de la direction d'Innovest, une firme spécialisée dans l'analyse de compagnies en investissement éthique.

« Nous nous sommes rendus compte qu'aux États-Unis, on pouvait prêter jusqu'à 700 000$ sans mise de fonds à des travailleurs mexicains gagnant onze dollars de l'heure en prévoyant être remboursés au bout de deux ans, raconte-t-il. Pour nous, c'était du prêt prédateur et nous avons poussé notre analyse plus loin. Nous nous sommes demandé si le revenu des familles était proportionnellement croissant et, bien sûr, ce n'était pas le cas. »

« C'est un facteur social qui a capté notre attention et ce ne sont pas des facteurs auxquels s'intéressent les analystes de Wall Street, ajoute-t-il. Ils ne posent pas de questions sociales lorsqu'ils investissent dans un produit financier. »

Certains observateurs estiment d'ailleurs que ce sont les critères qu'utilisent les sociétés d'investissement responsable auraient pu protéger le monde de la crise financière s'ils avaient été plus largement utilisés, comme expliquent Chantal Line Carpentier et Michel Marcoux, auteurs de Comment investir dans les fonds éthiques.

« Une bonne gouvernance d'entreprise inclut la création de valeurs fondées sur de nouveaux impératifs qui ne relève pas seulement de la morale, mais d'une recherche de valeur non tangible (non reflétée dans le prix des actions). À force de toujours maximiser les rendements trimestre par trimestre, les institutions financières ont créé des instruments non durables. Avec une meilleure gouvernance et une meilleure prise en compte des risques, la crise financière et les pertes financières qui y sont liées n'auraient pas eu lieu. »

Malgré tous les malheurs de l'industrie financière, la crise pourrait toutefois avoir du bon. En effet, le secteur de l'investissement serait actuellement à la croisée des chemins quant à son orientation future : « Wall Street et Bay Street n'ont jamais été aussi humbles, souligne Matthew J. Kiernan. Et surtout, ils n'ont jamais été aussi ouverts à nos idées. »

Le Canada en queue de peloton

Quant à la place que le Canada occupe dans le monde de l'investissement responsable, il n'y a pas de quoi célébrer selon Matthew J. Kiernan. En effet, le Canada dans son ensemble se retrouverait derrière non seulement l'Europe, mais également les États-Unis. C'est une question de culture d'entreprise selon Kiernan.

« Il y a un mythe, parmi les investisseurs institutionnels notamment, qui veut qu'investir de façon responsable n'amène pas de profits, avance-t-il. On peut être aussi vert qu'on le veut dans notre vie privée, mais lorsqu'on gère l'argent des autres on tend à être plus prudent. Il n'en reste pas moins qu'il n'y a aucune preuve empirique que l'investissement responsable soit moins rentable. »

Au contraire, les entreprises choisies par les fonds d'investissement responsable, par exemple, sont triées sur le volet selon des caractéristiques bien spécifiques établies selon des filtres positifs (bonnes pratiques environnementales, efficacité énergétique) ou négatifs (des secteurs d'appartenance comme la production d'armes ou des entreprises entretenant de mauvaises relations avec leurs communautés).

« Ces entreprises très bien gérées et sur une longue période il n'y pas de risques à dire qu'elles vont bien performer, voire performer mieux que leurs pairs, expose Hélène Gagné, directrice de la commercialisation, vice-présidence Fonds de placement au Mouvement Desjardins. Mais d'autres dimensions entrent en jeu pour expliquer le rendement : le style gestion, la répartition des actifs, le type d'actif... Il devient difficile d'isoler un seul critère pour évaluer le succès d'un fonds. »

« Dans les derniers mois tellement les marchés ont été tellement volatils et la situation est difficile à cerner, ajoute-t-elle. Il y a de bonnes entreprises qui subissent des baisses malgré tout. Tout ce que je peux certifier, c'est que ces fonds ne se comporteront pas moins bien que des produits traditionnels. »

Un retard à rattraper

Le retard canadien pourrait toutefois fondre comme neige au soleil puisque la demande en investissement responsable serait actuellement en plein essor dans le secteur financier. L'offre serait également en expansion avec l'arrivée de nombreux produits sur le marché, notamment pour le commerce de détail, dans les institutions financières. Desjardins, une des institutions pionnières dans l'investissement responsable, offre d'ailleurs deux fonds spécialisés : le Fonds Desjardins Environnement et le Fonds Desjardins Éthique Équilibré canadien.

« Les spécialistes le disent, le Canada est, de façon générale du côté des particuliers et de l'institutionnel, effectivement en retard, soutient Hélène Gagné. À présent, on sent une mouvance vers le développement de ce marché, tant au niveau institutionnel que celui du détail. Nous sommes équipés pour rattraper le retard assez rapidement. »

Mais pour Matthew J. Kiernan, ce retard est peut-être davantage attribuable au fait que certains investisseurs institutionnels canadiens ne souhaitent peut-être pas se poser les questions inhérentes à l'investissement responsable.

« Est-ce que la Caisse ou Teachers' veulent avoir à se positionner sur, par exemple, le sujet du Darfour et dire si c'est un conflit juste ou non? J'en doute », précise-t-il.

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