D.B. - L'investissement responsable est-il condamné à n'être qu'un choix dicté par la peur d'une autre crise économique ?
F.R. - Je ne le vois pas ainsi. L'investissement responsable n'est pas un choix que l'on fait contre quelque chose. On y adhère pour créer une société meilleure qui se donne des buts plus grands que le rendement et le profit. Nous voulons une société où les gens peuvent prendre leur retraite l'esprit tranquille. Où l'air que nous respirons est sain. Où la nature ne se résume pas à un lieu d'extraction. L'investissement responsable permet une vision plus holistique de la société.
D.B. - Il y aura toujours des investisseurs qui visent le court terme...
F.R. - C'est justement le noeud du problème. Le marché est occupé par des investisseurs qui visent le long terme et d'autres, le court terme. Il n'y a qu'un seul marché, mais deux philosophies d'investissement. Cela entraîne forcément des distorsions.
D.B. - Quel argument jugez-vous le plus convaincant pour réformer les marchés financiers et investir de façon responsable ?
F.R. - Les gens, tout simplement. Il faut incarner le marché, lui mettre un visage humain. Chômage, inégalités, génération perdue... partout sur la planète des femmes et des hommes accusent encore les contrecoups de la vision court-termiste qui a mené à la crise financière.
D.B. - À quel contre-argument vous exposez-vous le plus souvent ?
F.R. - On me dit que les enjeux sociaux et environnementaux relèvent de l'univers politique et non de celui de l'investissement. Les gestionnaires de caisses de retraite estiment que leur mandat consiste à atteindre le rendement requis pour payer les rentes des membres et que le reste appartient au gouvernement.
D.B. - Les arguments en faveur de l'investissement responsable sont plutôt sensés. Pourquoi tous les investisseurs ne sont-ils pas plus nombreux à y adhérer ?
F.R. - Le principal obstacle à l'investissement responsable est le système de rémunération basé sur le court terme.