Fonds d'actions : approche valeur ou approche croissance?

Offert par Les affaires plus


Édition de Mars 2016

Fonds d'actions : approche valeur ou approche croissance?

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Tous les investisseurs dans les actions souhaitent maximiser leur rendement. Et dans ce domaine, deux grands styles de gestion active s'opposent : l'approche valeur et l'approche croissance. Laquelle choisir ?

En achetant un fonds commun d'actions, on accède à des services de gestion de portefeuille de professionnels qualifiés. La stratégie qu'on adoptera sera fonction notamment du niveau de risque souhaité. Mais soyons réaliste, parmi les quelques milliers de fonds offerts au Canada, bien peu affichent des rendements exceptionnels, quoi qu'en dise le gourou Warren Buffett, pour ne pas le nommer...

«Avant de se lancer, il faudra donc déterminer le bon fonds, le bon gestionnaire, et ne pas oublier que les rendements passés ne sont pas garants des performances futures», affirme Pascal Duquette, un vieux routier de la gestion de portefeuille et de l'analyse financière. Après avoir travaillé chez Canadien National et chez Natcan, il est aujourd'hui à la tête de la Fondation HEC Montréal. Il gère lui-même son épargne et ses placements.

Historiquement, les approches valeur et croissance auraient été développées pour relancer les ventes de produits financiers. «On voulait présenter plusieurs options aux investisseurs qui désiraient obtenir des rendements supérieurs aux indices boursiers», explique Pascal Duquette, «Lorsqu'on est patient, tant les titres de valeur que les titres de croissance permettent de battre les marchés», croit-il. Mais pour cela, il faut trouver un gestionnaire qui aura le temps et les compétences nécessaires pour trouver les perles rares.

«Tous les gestionnaires recherchent des actions dont la valeur intrinsèque est supérieure au prix du marché», précise Pascal Duquette. On entend par valeur intrinsèque, la valeur de l'actif tangible d'une société (usine, stocks) et celle de son actif intangible (brevets, marque, expertise). Cela dit, un titre boursier peut avoir à la fois une valeur intrinsèque et un bon potentiel de croissance.

Et suivant la phase du cycle économique, certains titres performeront mieux que d'autres. En règle générale, les actions de type valeur se démarqueront lorsque les marchés boursiers se font malmener, tandis que dans un marché haussier, ce sont plutôt les titres de croissance qui prendront le relais.

Cependant, puisque rien n'est jamais tout à fait blanc ni tout à fait noir, certaines actions pourraient également changer de catégorie au fil du temps. «Souvenons-nous du cas de BlackBerry (anciennement RIM) ou de Nortel. Longtemps perçues comme des titres de croissance, ces entreprises sont apparues sur l'écran radar des gestionnaires de type valeur lorsque leur prix a dégringolé. Ces sociétés ont semblé peu chères, alors qu'elles étaient presque en faillite. C'est ce qu'on appelle une valeur piège (value trap)», explique Pascal Duquette.

Des titres peu chers

Le père de l'investissement valeur, Benjamin Graham, résume ainsi la philosophie des partisans de ce style de gestion : si vous payez trop cher son action, une excellente entreprise n'est pas nécessairement un excellent investissement. Tout est dit, ou presque.

Dans les faits, on cherche à dénicher des sociétés peu chères dont les ratios cours/bénéfice ou cours/valeur comptable sont bas par rapport à ceux de l'industrie ou à ceux du marché.

«Le gestionnaire qui a un biais valeur misera donc sur un renversement de la situation vers la moyenne. Si les choses vont mal, je ne paierai pas grand-chose pour détenir cette action», explique François Bourdon, chef des solutions de placements chez Fiera Capital.

«Pour faire une analogie avec le hockey, c'est un joueur que tu paies seulement un million de dollars par an et qui va compter une quinzaine de buts», résume Pascal Duquette.

Qu'en pense le gestionnaire vedette de la société Fidelity, Daniel Dupont ? Ce dernier gère de Montréal un actif de plusieurs milliards de dollars, notamment le Fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada. Il est reconnu pour l'approche valeur de sa stratégie de placement.

«Investir dans des entreprises d'excellente qualité tout en payant un prix très faible, ce n'est pas simple», concède Daniel Dupont. Il y a quelques années, quand les taux baissaient continuellement, on a craint un scénario à la japonaise. Un tel contexte avait pesé très négativement sur la profitabilité des compagnies d'assurance vie. «À cette époque, nous avons acquis des positions dans Industrielle Alliance et Manuvie. Avant cela, je n'avais aucune position dans ce secteur», précise-t-il.

Actuellement, Daniel Dupont n'est pas très favorable au secteur financier canadien. «J'en détiens beaucoup moins que l'indice, car il n'y a pas de croisement entre des multiples bas et des sociétés de qualité. On est dans une partie du cycle où tout va encore bien et les mauvais prêts sont faits, mais on ne les a simplement pas encore découverts», croit-il.

Bien qu'il n'essaie jamais de prédire où va l'économie, le gestionnaire souhaite investir dans une entreprise lorsque l'impact des facteurs macroéconomiques est disproportionné par rapport à l'évaluation des titres. La chute du prix du pétrole lui a donc permis récemment d'augmenter ses positions dans ce secteur de 2 % à 9 % de l'actif total de son portefeuille de grandes capitalisations au Canada.

«Il faut être patient et penser à long terme. Je détiens certaines positions pendant plusieurs années. Cela signifie que je n'aurai peut-être jamais dans mon portefeuille une entreprise que j'aime, comme Couche-Tard, même si c'est à mon avis une société très bien gérée. D'un autre côté, elle est chère et elle a un haut ratio d'endettement», dit-il.

Un des principaux risques d'une stratégie valeur ? «Que les mauvaises nouvelles escomptées dans le prix de l'action se révèlent encore plus mauvaises dans les faits», note Pascal Duquette.

Miser sur la croissance des bénéfices

Quant aux gestionnaires qui ont une approche croissance, ils s'attarderont plutôt aux perspectives de bénéfices, qu'ils espèrent bien sûr prometteuses. «On examinera des sociétés qui ont une croissance forte des profits et des ventes, par exemple. On s'attend également à ce que l'entreprise exécute son plan d'affaires comme prévu», explique François Bourdon.

«Dans ce style de gestion, les attentes sont élevées. Le risque consiste à payer 10 millions de dollars pour un joueur de hockey dont tout le monde prévoit qu'il devrait compter 50 buts par an, alors qu'il performe moins bien», illustre Pascal Duquette.

Chez Fiera Capital, l'équipe qui gère la stratégie croissance des actions canadiennes privilégie une approche dynamique, où les rencontres avec les dirigeants des entreprises tiennent une place importante. Jean-François Gagnon et son groupe cherchent notamment à déterminer les catalyseurs de croissance d'une société. Pour y parvenir, il leur faut bien comprendre le modèle d'affaires et la concurrence.

Il cite l'exemple de Gildan, qui s'est approprié une part de marché majeure dans le segment de la distribution de t-shirts et qui développe maintenant celui de la vente au détail. «Pour réussir, Gildan mise sur les moteurs de ses succès précédents. Elle réduit ses coûts en améliorant son efficacité opérationnelle, ce qui lui permet d'offrir de meilleurs prix et ainsi de vendre ses produits à des géants du détail tels que Walmart et Target afin d'augmenter sa croissance interne», explique le gestionnaire de portefeuille.

La prime valeur, source de débats

Maintenant, la question qui tue : laquelle de ces deux approches offre la meilleure performance ? Sur de très longues périodes, plusieurs études montrent que les rendements des fonds d'actions de style croissance sont en moyenne inférieurs à ceux de l'approche valeur. La source de cette prime de rendement (ou de risque) a donné lieu à de nombreux débats au fil des ans. Pour certains, elle découle de risques économiques des titres, alors que pour d'autres, elle est plutôt liée à l'aversion au risque des investisseurs. Notons tout de même qu'une stratégie de type croissance peut surperformer l'approche valeur, mais durant de plus courtes périodes.

Selon Daniel Dupont, le style de gestion croissance procure un sentiment de sécurité, parce que les investisseurs achètent des titres qui obtiennent de bons résultats financiers. Cet engouement crée un «momentum», et les titres coûteux le deviennent encore plus. Plusieurs gestionnaires de portefeuille vont préférer cette approche, car ils performeront bien dans un marché haussier. Ils auront une performance qui ne déviera pas trop des indices boursiers. Et dans ce milieu, une longue carrière repose souvent sur des résultats qui ne différent pas trop à la baisse des marchés.

La croissance à prix raisonnable

Il existe enfin un style de gestion de type hybride prisé de bien des investisseurs, parce qu'il ressemble à l'approche du célèbre Warren Buffett. Ces portefeuillistes rechercheront des titres de croissance, mais ne voudront pas payer n'importe quel prix. Il s'agit du style GARP ou growth at a reasonable price.

Le gestionnaire voudra sélectionner des entreprises qui ont un avantage particulier sur la concurrence. «Ces titres dégageront un rendement excédentaire (rente économique) en raison de barrières à l'entrée importantes, d'une marque forte, d'un brevet ou de technologies de pointe», explique Pascal Duquette, un partisan de cette méthode d'investissement.

Des sociétés comme Apple et Coke en sont des exemples assez évidents. Dans le cas d'Essilor, l'entreprise française conçoit et commercialise des verres correcteurs et des équipements d'optique en plus de posséder plusieurs brevets. Quant à Stericycle, elle récupère et traite les déchets médicaux, un secteur très réglementé où la concurrence est relativement faible. «Quand je trouve une telle entreprise, je veux la détenir le plus longtemps possible», dit-il.

«Une telle approche exige beaucoup de temps et de travail. Il faut également comprendre qu'on ne détiendra pas des centaines de sociétés, mais plutôt une vingtaine qu'on connaîtra très bien», note Pascal Duquette.

Qui sont les investisseurs valeur et croissance?

Une base de données suédoise unique au monde a permis à trois chercheurs de dresser un profil socio-économique des investisseurs valeur et des investisseurs croissance. Parmi les trois auteurs de l'étude «Who are the Value and Growth Investors?*» on retrouve le professeur de l'Université McGill, Sebastien Betermier.

Ainsi, de 1999 à 2007, le fisc suédois a recueilli des données financières très précises sur chacun des résidents du pays, y compris la composition de leurs portefeuilles de placement. En y accédant de manière confidentielle, ces chercheurs ont pu associer un style d'investissement en fonction des caractéristiques sociales et financières de ces ménages. Autrement dit, les investisseurs qui détenaient des titres de type valeur avaient souvent un patrimoine financier et immobilier plus important. Ils utilisaient moins le levier financier en plus d'être moins endettés et de toucher un salaire relativement stable. On constate également que plus de femmes favorisent ces titres dépréciés. Les travailleurs de la fonction publique qui ont une certaine garantie privilégient aussi l'approche valeur.

Parmi ceux qui préfèrent les titres de croissance, on retrouve des entrepreneurs, des individus qui ont un assez haut niveau de scolarité, et plus d'hommes. L'étude constate enfin qu'en vieillissant, les Suédois adopteront un style d'investissement plus orienté vers des titres de valeur.

Selon Sebastien Betermier, le cas suédois se compare à celui des États-Unis et du Canada, puisque la prime de risque (ou rendement) de l'approche valeur est du même ordre dans ces trois pays. De plus, la distribution de la fortune en Suède est assez semblable à celle des États-Unis : dans les deux pays, 20 % de la population détient 80 % du capital.

* La recherche est en attente de publication, notamment dans la revue universitaire The Journal of Finance.

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