Comment investir dans les microcaps


Édition du 20 Mai 2017

Comment investir dans les microcaps


Édition du 20 Mai 2017

Par Stéphane Rolland

Bienvenue au «Far West» boursier. Comme les cow-boys de la ruée vers l'or, certains investisseurs nourrissent l'espoir de faire fortune en prospectant l'univers des microcapitalisations. Attachez-vous à votre monture, non seulement les risques de chute sont importants, mais vous pourriez croiser des bandits sur votre route.

L'image western pour décrire les petites entreprises qui ont une valeur boursière de 50 à 300 millions de dollars (M$) nous vient de Philippe Bergeron-Bélanger, cofondateur du blogue et club d'investisseurs Espace MicroCaps. «C'est un peu comme l'époque du Far West, illustre l'investisseur autonome de 30 ans. Il y a beaucoup d'entreprises et peu de recherche. Les gens sont laissés à eux-mêmes. Il y a de grands risques de tomber sur des entreprises qui sont dangereuses pour votre portefeuille.»

L'emprise du shérif sur ce vaste territoire varie selon le marché où l'on se trouve. Aux États-Unis, les microcaps s'échangent sur les marchés de gré à gré, où les règles de divulgation sont moins strictes que celles des grands parquets. Au Canada, le marché est plus ordonné. Les sociétés inscrites à la Bourse de croissance TSX doivent composer avec le même cadre réglementaire que les grandes sociétés cotées à la Bourse de Toronto. Il existe également un marché de gré à gré au Canada où la divulgation est moins encadrée.

Des entreprises ayant une capitalisation boursière qui varie de 50 à 300 M$, on en compte 390 à la Bourse de croissance TSX et à la Bourse de Toronto, selon les données fournies par le Groupe TMX, lorsqu'on exclut les fonds négociés en Bourse et les sociétés d'investissement à capital fixe.

La genèse des rendements

Ce qui fait la beauté de ce paysage, c'est qu'il est inexploré, s'enthousiasme M. Bergeron-Bélanger, qui n'investit que dans les entreprises cotées sur le marché boursier canadien. Les commentaires d'analystes sur les microcaps sont quasi inexistants, les banques d'investissement ne cherchent pas à les attirer et les investisseurs institutionnels les ignorent, car elles sont trop petites pour leur portefeuille. «Comment pourrais-je faire mieux que la centaine d'analystes qui suivent Apple (AAPL) ? se demande l'investisseur. Avec les microcaps, je peux tirer mon épingle du jeu, car il y a moins de concurrence pour trouver de bonnes idées.»

Cette tranquillité fait le bonheur de Chris Guthrie, président d'Hillsdale Investment Management, à Toronto. Puisqu'il est moins suivi, le marché des microcaps est «inefficace», explique-t-il. Les évaluations ne prennent pas toujours en compte le potentiel de certaines entreprises prometteuses, ce qui procure d'alléchantes aubaines. «Les nouvelles circulent plus lentement, raconte le gestionnaire de portefeuille. Quand on a une bonne idée, on a le temps de renforcer notre position avant que les gens se rendent compte de ce que l'on sait.»

C'est lorsque le déclic se fait dans la foule que les cours de ces petites entreprises peuvent exploser. «C'est un marché qui carbure au momentum, poursuit M. Guthrie. Les investisseurs aiment les entreprises qui montent. Une fois qu'elles commencent à progresser, les gens se précipitent dessus. Les triples, les quintuples ou les décuples, c'est de là qu'ils viennent.»

À ce jeu, les veinards qui se sont enrichis plus vite que leur ombre font rêver le commun des mortels. M. Bergeron-Bélanger fait partie de ces actionnaires qui ont eu la main heureuse. Lorsqu'il a fait ses premiers investissements en juin 2013, il s'était donné l'objectif d'amener la valeur de son CELI à un montant de 1 M$ en 2023. Il est presque à mi-chemin avec une valeur de 400 000 $. Il a ainsi multiplié ses cotisations par huit.

Ce dénouement heureux éclipse des probabilités défavorables. En fait, un investisseur aurait 5 % de chances de réaliser un rendement supérieur à 300 % en achetant une microcap canadienne, selon une étude réalisée en 2009 par Cécile Carpentier et Jean-Marc Suret, deux professeurs de l'Université Laval. La probabilité d'obtenir un rendement de 50 % à 300 % est de l'ordre de 16 %. Dans 57 % des cas, le rendement serait négatif. Les deux auteurs en viennent à la conclusion qu'investir dans les microcapitalisations «a beaucoup de similitudes avec la loterie».

Partir de zéro

Bien que l'univers des microcaps accueille son lot de spéculateurs, qui jouent à la Bourse comme on tente sa chance à la machine à sous, les investisseurs et les professionnels à qui nous avons parlé, eux, ne laissent pas le hasard guider leur main. Chacun suit méticuleusement sa stratégie d'investissement.

L'investisseur autonome qui voudra tester son approche devra cependant être prêt à y mettre le temps nécessaire, prévient M. Bergeron-Bélanger. Parce qu'il n'y a pas de commentaires d'analystes ou de couverture médiatique, vous devrez faire tout le travail vous-même. «Je contacte les directeurs d'entreprises, raconte-t-il. Souvent, ils sont très heureux de prendre mon appel et de répondre aux questions puisque leurs entreprises ne sont pas très connues. Je fais des recherches sur l'industrie. Je parle à des clients et à des fournisseurs. Bref, je fais tout le travail qu'aurait fait un analyste qui suit une grande société.»

Don Walker, gestionnaire de portefeuille d'Investissements Norrep, abonde dans le même sens. Gérer le fonds Catégorie entrepreneur Norrep est un «travail de col bleu», car il doit «retrousser ses manches et aller sur le terrain», lance-t-il à la blague. «Bien connaître la direction est encore plus important que lorsque vous investissez dans une grande société, explique-t-il. Les grandes banques canadiennes, par exemple, vont bouger en tandem et sont influencées par des éléments sectoriels. La direction des petites sociétés a un impact énorme sur le destin de celles-ci.»

Lorsqu'il prospecte la Bourse, M. Walker cherche des entreprises qui ont fait leurs preuves depuis «longtemps». Il veut des sociétés qui oeuvrent dans un secteur de niche, qui gèrent intelligemment leur capital et dont le domaine a une barrière à l'entrée. Cette approche permettrait de réduire le risque comparativement à l'achat d'une minière ou d'une biotech au stade du démarrage, cite-t-il en exemple. «Avec les entreprises en démarrage, il n'y a encore rien. Vous allez faire beaucoup d'argent ou tout perdre. Le plus souvent, vous perdrez tout.»

Les microcaps sont très sensibles aux effets de mode, constate Ralph Lindenblatt, gestionnaire de portefeuille du fonds de microcaps de Placements Franklin Templeton. Se concentrer sur les fondamentaux permet d'éviter de s'embarquer dans une «bulle», croit le gestionnaire, qui dit aimer les sociétés qui performent dans tous les cycles, qui ont de bons flux de trésorerie et qui sont autosuffisantes sur le plan financier. «Il y a eu un engouement pour les technos, pour les sociétés énergétiques, pour les rumeurs de fusions-acquisitions. Ça va avec les thèmes à la mode. On le voit en ce moment avec les fintechs et les titres de marijuana. Pendant ce temps, le reste du marché est ignoré.»

Quant à M. Guthrie, il préfère que ses idées ne soient pas en vogue, mais il n'exclut pas d'emblée les histoires dans l'air du temps. C'est ce qu'il a fait pour le cannabis. De tous les titres sur le marché, il en a trouvé deux attrayants. Au moment de l'entrevue, en avril, il détenait toujours Aphria (APH.V). Avec une capitalisation de 790 M$, le titre a toutefois passé le seuil de la microcapitalisation et est devenu une petite capitalisation. «Dans une nouvelle industrie, on ne va pas participer seulement parce que c'est populaire, nuance-t-il. Il faut trouver des entreprises qui font de l'argent ou qui vont en faire. Il faut repérer la bonne, avec le bon plan et la bonne gouvernance.»

Dans sa stratégie, qui compte près de 60 facteurs, M. Guthrie recourt aussi aux thèses macroéconomiques. «Certains gestionnaires n'aiment pas les entreprises cycliques, raconte-t-il. Ils vont vous dire qu'ils cherchent des sociétés qui seront toujours bonnes. Moi, je crois qu'il est possible d'acheter une mauvaise société à très bon prix et de la revendre plus cher. Nous sommes plus flexibles.»

Dernièrement, M. Guthrie a connu du succès avec les firmes industrielles canadiennes qui exportent aux États-Unis, car elles sont favorisées par la faiblesse du dollar canadien. «Les minières ont aussi profité de la montée des prix de l'or, du zinc et du cuivre, explique-t-il. On voit ça une fois par période de cinq ans. C'est comme le phénix qui renaît de ses cendres. C'est bon un an ou deux, puis on revend. Au Canada, on n'a pas d'autre choix que de suivre les cycles.» Le secteur minier est d'ailleurs le plus important du marché des microcapitalisations avec 39 % des sociétés inscrites auprès du Groupe TMX.

Un marché peu liquide

Investir comporte inévitablement des risques. La faible liquidité dans le marché des microcaps ajoute un risque supplémentaire. Comme il y a moins d'investisseurs, les échanges de titres se font avec moins de fluidité. Lorsqu'il prend une position dans un nouveau titre, M. Guthrie raconte qu'il lui faut jusqu'à «parfois deux mois» pour renforcer sa position.

Lorsque vient le moment de vendre, tout peut se corser. Il peut être plus difficile de passer à autre chose quand vous détenez une microcap. Il est possible qu'un titre indésirable parasite votre portefeuille quelques jours, voire quelques semaines. «Dans tous les cas, il me faut un mois ou deux pour acheter une entreprise, explique M. Guthrie. Lorsqu'on fait un bon coup, on peut vendre notre position plus rapidement, car la société est devenue plus grande. Lorsqu'on n'obtient pas le succès espéré, ça peut prendre autant de temps de vendre que d'acheter.»

La plus faible liquidité représente un «défi», mais celui-ci reste gérable, ajoute M. Lindenblatt. Le gestionnaire de portefeuille se remémore tout de même quelques transactions exceptionnelles, qui évoquent cette particularité. «Je me souviens d'une société où il nous avait fallu un an pour vendre une position relativement modeste, raconte-t-il. Nous avons aussi un titre où il n'y a que de 10 000 à 20 000 titres échangés chaque année. Il s'agit toutefois de cas extrêmes.»

Le manque de liquidités fait des microcaps une cible de choix pour les fraudeurs. L'Autorité des marchés financiers (AMF) met d'ailleurs en garde les investisseurs contre un stratagème utilisé par des gens mal intentionnés pour s'enrichir sur le dos des épargnants. Un groupe d'individus crée une «coquille vide» dans laquelle ses membres ont d'importantes participations. Ils font la promotion du titre afin de faire monter son prix, puis le vendent une fois que les rumeurs circulent. C'est ce que les Américains appellent le pump and dump, qu'on pourrait traduire par «gonfler et jeter». «Dans certains cas, on a même publié de faux communiqués de presse pour créer un effet d'entraînement, explique Sylvain Théberge, le porte-parole du gendarme boursier québécois. Le titre monte artificiellement. Les gens vendent et font un profit important, ne laissant presque rien aux autres.»

Dans d'autres cas, les façons de faire ne sont pas nécessairement illégales, mais certaines entreprises vont en Bourse sans plan d'affaires crédible, constate M. Bergeron-Bélanger. Il cite l'exemple d'une société du secteur de la marijuana qui a fait son premier appel public à l'épargne sans avoir les permis pour produire la drogue à des fins médicales. «Chaque année, je vois des entreprises qui suivent une thématique et qui deviennent publiques sans aucune vente», déplore-t-il.

L'investisseur autonome se méfie également des sociétés qui consacrent «trop» d'attention aux activités promotionnelles. Il cite l'exemple d'entreprises qui publient régulièrement des communiqués, sans information pertinente, ou qui paient chèrement des firmes de relations externes pour promouvoir leur société. «Il y a un minimum à faire pour assumer son statut public, mais on doit se demander quel est l'intérêt pour les dirigeants de communiquer autant. Je préfère les entreprises silencieuses.»

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