5 réflexions sur l'ouverture du marché obligataire chinois

Publié le 03/07/2017 à 12:22

5 réflexions sur l'ouverture du marché obligataire chinois

Publié le 03/07/2017 à 12:22

La Chine a déverrouillé lundi son gigantesque marché obligataire pour offrir aux investisseurs étrangers un large accès à la dette libellée en yuans: un nouvel effort de libéralisation de la part de Pékin, soucieux d'attirer des capitaux extérieurs.

Le mécanisme Bond Connect, inauguré lundi à Hong Kong, permet désormais aux investisseurs du monde entier d'acheter plus aisément, via l'ex-colonie britannique, des obligations en yuans émises en Chine continentale par des autorités ou des entreprises.

Le dispositif entend faciliter l'accès au troisième marché obligataire du monde, évalué à 10.000 milliards de dollars, mais dont les investisseurs étrangers ne contrôlent qu'à peine 1,5%. Qu’en penser?

1. Quel est l'intérêt d'acheter de la dette chinoise pour un investisseur étranger?

Le premier intérêt est que ce placement offre une rémunération attractive.

«Le taux d'emprunt est plus élevé qu'en Europe ou aux États-Unis», observe Guy Stear, responsable mondial de la recherche obligataire chez Société Générale CIB.

Au jour du lancement, le taux d'intérêt à 10 ans pour une obligation de l'Etat chinois (qui est dans la catégorie des titres les mieux notés par les agences de notation) était d'environ 3,6%, contre 0,48% pour la même échéance en Allemagne et 2,35% pour les États-Unis.

C'est aussi une façon de prendre date et d'apprendre à apprivoiser ce marché qui représente 10.000 milliards de dollars, soit le 3e plus important au niveau mondial.

2. Quels sont les principaux risques?

«Comprendre le marché sera le principal défi pour un investisseur étranger», estime Justin Chan, codirecteur marchés pour l'Asie, chez HSBC, en évoquant de nombreuses différences dans les standards comptables ou la méthodologie de notation.

L’évolution de la monnaie chinoise peut également être un problème si elle venait à dévisser, ainsi que les inconnues autour de la solidité financières des gouvernements locaux ou de certaines entreprises, même si Pékin les surveille de près.

Pour Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute, «il y a des risques liés au manque transparence» pour certains acteurs «avec notamment des systèmes de notations très opaques et artificiels, car les taux de défaut des entreprises sont artificiellement bas, avec des entreprises qui ne font pas défaut quand elles auraient pourtant besoin de le faire».

Un autre risque, selon M. Stear, pourrait être que «le programme s'arrête et qu'il devienne difficile d'en sortir, mais ce risque semble limité pour le moment».

3. Quel est l'intérêt pour le gouvernement chinois?

Par cette mesure le gouvernement poursuit sa vaste entreprise de libéralisation de ses marchés financiers au moment même où les Etats-Unis semblent enclins à se refermer sur eux-mêmes sous l'impulsion de Donald Trump.

Derrière l'«enjeu géopolitique» et l'affirmation de la place du pays sur la scène mondiale, cela permet aussi au gouvernement chinois de «diversifier ses sources de financement, ce qui est toujours sain», souligne Vincent Juvyns, un stratégiste de JPMorgan AM.

Et le pays «peut également espérer améliorer ses coûts de financement», ajoute-t-il.

4. Ruée des investisseurs ou excès de prudence?

«Pour sa première journée d'activité, les transactions se sont élevées à 7 milliards de yuans soit un peu plus d'un milliard de dollars, ce qui n'est pas grand chose par rapport à une séance sur le marché en euro ou en dollar. Mais pour un premier jour c'est normal», détaille M. Stear.

«Il y a beaucoup de questions et d'intérêt de la part des investisseurs», mais «il nous faudra six mois pour savoir si c'est un succès ou pas», estime M. Chan.

Selon lui, le marché obligataire chinois «est trop gros pour être ignoré. Nous pouvons donc nous attendre à un décollage progressif».

5. Est-ce que cette étape peut changer la face du marché obligataire mondial?

«Il ne faut pas surestimer l'impact du pas fait aujourd'hui, car c'est une étape d'ordre technique, mais c'est une avancée importante vers des changements majeurs» et tout particulièrement vers l'entrée du marché obligataire chinois dans les indices internationaux, analyse Mme Mateos y Lago.

Faire partie des indices provoque quasi-mécaniquement un afflux d'acheteurs.

C'est «l'élément qui changerait le plus la donne», juge aussi M. Chan.

Selon Mme Mateos y Lago, c'est envisageable «à l'échelle de quelques années», alors «un flot énorme de capitaux pourrait se déplacer des marchés mondiaux vers la Chine» et au vu du dynamisme économique du pays «il est alors possible d'imaginer que le marché de la dette en yuans dépasse un jour ceux en euros et en dollars».

 

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?