Sept consignes pour survivre aux hausses des taux d’intérêt


Édition de Mars 2022

Sept consignes pour survivre aux hausses des taux d’intérêt


Édition de Mars 2022

Par Claudine Hébert

(Photo: 123RF)

FINANCES PERSONNELLES. Chaque fois que les banques centrales font planer le spectre d’une éventuelle hausse de leur taux directeur, la planète tremble. Voici un guide pour traverser la tourmente.

 

1. Soyez au fait de la situation

Qu’importe les indices, les graphiques des dernières années sont presque unanimes. Les taux d’intérêt et le marché boursier ont tendance à évoluer dans des directions opposées.

«Ce ne sont toutefois pas les premières hausses de taux directeur qui ébranlent habituellement le portefeuille des investisseurs», soulève Frédérik Demers, directeur des solutions d’investissement multiactif à BMO Gestion mondiale d’actifs. Les marchés ont tendance à dérailler lorsque les banques centrales resserrent juste un peu trop la vis, explique cet analyste en investissements.

Le Dow Jones avait justement plongé de 832 points le 10 octobre 2018, en raison des craintes entourant une possible huitième hausse du taux directeur de la banque centrale américaine (Fed), rappelle l’équipe d’Investopedia, un site américain d’information boursière créé en 1999. «Or, ce même Dow Jones a brutalement chuté de plus de 2000 points les 9 et 12 mars 2020 après que la Fed eut abaissé son taux directeur d’un demi-point, à près de zéro», font remarquer ces analystes.

Cela dit, les prochains mois s’annoncent difficiles pour les marchés, avertit Jeremy Siegel, professeur émérite de finance de la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie. «Lorsqu’on entre dans un marché baissier, il n’y a pas de bons ou de mauvais titres. Tous vont inévitablement descendre», soutient cet expert qui affiche plus de 50 années d’expérience en finance. Régulièrement invité à commenter les marchés boursiers au réseau CNBC, ce dernier appréhende d’ailleurs sept, voire huit hausses consécutives du taux directeur de la Fed d’ici la fin de l’année.

 

2. Investissez moins dans la technologie et plus dans les titres à dividendes

«Les sociétés technologiques, dont les bénéfices sont anticipés plusieurs années à l’avance, risquent de subir les foudres du marché avec les éventuelles hausses de taux directeur», avise Marc L’Écuyer, vice-président et gestionnaire de portefeuille principal à Cote 100. Le comportement des titres de Meta (FB, 215,02$ US), Rivian (RIVN, 65,44$ US) et Lightspeed (LSPD, 39,05 $), qui ont perdu plus de 30 % de leur valeur depuis le début de l’année, en sont justement des exemples.

En revanche, les titres qui présentent des historiques de dividendes constants, tels Banque Royale (RY, 145,14 $), Intact Financial (IFC, 184,45 $), Enbridge (ENB, 52,91 $) ou le Canadien National (CNR, 161,06 $), ont l’habitude de briller au moment des hausses de taux directeur, dit-il. Cette stratégie de placement, explique-t-il, constitue généralement une protection contre l’inflation en plus d’offrir un meilleur rendement que les obligations.

 

3. Surveillez les titres financiers

«Un des secteurs qui a la réputation de bien se comporter lorsque survient une hausse de taux d’intérêt, c’est celui du milieu financier», affirme Frédérik Demers. Les hausses du taux directeur permettent aux institutions financières, aux sociétés de courtage, de prêts hypothécaires et d’assurance de facturer davantage aux emprunteurs. La plupart des titres financiers canadiens ont justement présenté des gains de 6 % à 8 % en janvier dernier.

Marc L’Écuyer suggère également de surveiller les titres des sociétés internationales, des services publics, des soins de santé, des biens de consommation de base et les fiducies de placement immobilier, sans oublier les titres du secteur de l’énergie. En raison de la situation géopolitique Russie-Ukraine et la reprise des voyages, le prix du baril de pétrole a bondi de près de 19 % en janvier, note-t-il.

 

4. Réévaluez vos placements à long terme

Historiquement, les hausses de taux d’intérêt et les titres à revenu fixe à long terme ne font pas bon ménage. «Les titres obligataires risquent d’être malmenés au cours des prochains mois», poursuit Marc L’Écuyer. «Ces titres perdent généralement de la valeur en période de hausse de taux, car le rendement du placement détenu doit être équivalent au rendement des nouveaux titres semblables qui sont émis avec un taux d’intérêt plus élevé. De plus, les rendements actuels sont inférieurs au taux d’inflation», fait-il valoir.

Ceux qui souhaitent tout de même opter pour ce type de placement ont intérêt à favoriser des fonds obligataires à court terme (un à deux ans) afin de mieux réagir aux mouvements du marché. Ces titres à revenu fixe sont généralement moins risqués lorsque les taux d’intérêt sont à la hausse. En revanche, leur potentiel de revenu sera moindre.

 

5. Révisez votre taux hypothécaire

Tous les propriétaires qui remboursent leurs hypothèques à un taux variable seront affectés par les prochaines hausses. «Ce qui est actuellement le cas pour la moitié des détenteurs d’hypothèques au Canada», signale Frédérik Demers. Du jamais vu au pays, précise-t-il. En date du troisième semestre 2021, la taille du prêt hypothécaire moyen au Canada était de 372 000 $.

En tenant compte que chaque hausse de 25 points de base représente une douzaine de dollars de plus par tranche de 100 000 $ d’hypothèque, on peut supposer que le fardeau supplémentaire moyen pour les disciples de l’hypothèque à taux variable sera d’environ 45 $ par mois par hausse, calcule l’expert de BMO. «Si le taux directeur de la Banque centrale du Canada passe de 0,25 % à 1,75 % d’ici la fin de l’année, ce fardeau additionnel représentera entre 250 $ et 300 $ de plus par mois pour le ménage moyen», prévient-il.

L’autre moitié des propriétaires sera, quant à elle, touchée au fil de son renouvellement qui se produira au cours des cinq prochaines années, poursuit Frédérik Demers. «Dans bien des cas, dit-il, les mensualités vont demeurer les mêmes. Plusieurs institutions financières ajusteront la répartition du remboursement du capital et du versement en intérêt.» Ce qui prolongera sans doute de trois à cinq ans la période de remboursement du bien immobilier. Pour cette raison, l’économiste de BMO ne croit pas que les propriétaires subiront un électrochoc lors de la hausse pressentie pour le printemps. «En fait, estime-t-il, le taux directeur sera sensiblement au même point qu’il était il y a cinq ans.»

 

6. Établissez vos priorités budgétaires

Qui dit augmentation du taux directeur dit aussi augmentation systématique du taux de la marge de crédit personnelle et celui des cartes de crédit à taux variables. Chaque augmentation d’un quart de point représentera un ajout de 1,20 $ par tranche de 10 000 $ par mois.

Cependant, ce ne sont pas tant les éventuelles hausses de taux directeur que l’inflation qui écorche ces jours-ci les finances des particuliers.

«En effet, difficile de prédire l’ampleur et la durée de ce nouveau cycle ainsi que son incidence précise sur les ménages», ajoute Andréanne Tremblay-Simard, professeure adjointe au Département de finance, assurance et immobilier de la Faculté des sciences de l’administration, à l’Université Laval.

Pour se prémunir contre les diverses hausses de prix, elle suggère fortement aux ménages de revoir leurs priorités budgétaires. «Les comptes, le prix à la pompe, le panier d’épicerie, le loyer… tout augmente. Mieux vaut départager les dépenses discrétionnaires de celles qui sont réellement essentielles», conseille-t-elle. Mais attention! Tout comme les régimes, les budgets trop austères sont appelés à échouer. «L’objectif est donc de trouver un juste équilibre pour continuer d’épargner», recommande la professeure.

 

7. Considérez deux fois plutôt qu’une l’achat d’un véhicule

Les arrêts de production en usine — conséquence de la pandémie et d’un manque de pièces — ont fait bondir le prix des véhicules neufs en 2021. Selon la firme J.D. Power, le prix des véhicules neufs a grimpé de 20 % au cours de la dernière année. Cette hausse est encore plus brutale en matière de véhicules d’occasion. Foi du Canadian Black Book, la valeur marchande des modèles usagés a explosé de 25 % en un an. Du jamais vu dans l’industrie automobile.

L’inflation et les éventuelles hausses de taux directeur n’amélioreront pas non plus la situation. Les frais de financement avaient déjà commencé à monter en 2021, soutient une analyse du marché mondial de l’automobile présentée par Banque Scotia en janvier dernier. De plus, faute d’inventaire, les manufacturiers ont, eux aussi, considérablement réduit leurs campagnes de financement offertes à 0 % et 0,9 % depuis déjà 2020.

«La patience demeure votre meilleur allié», insiste le chroniqueur automobile Benoit Charette. À l’instar de plusieurs analystes, il conseille de reporter de une à deux années l’achat d’un véhicule, si c’est possible. «En fait, il est préférable d’attendre que les stocks, et surtout les prix, reviennent à une certaine normalité», dit-il. Ceux dont la location de véhicule arrive en fin de bail ont toutefois un solide avantage en main. «Ces consommateurs bénéficient d’une valeur résiduelle inscrite à leur contrat bien en deçà de l’actuelle valeur marchande de leur véhicule. Une différence pouvant frôler les 30 %. Ces consommateurs ont donc avantage à racheter leur véhicule ou encore à utiliser cette équité pour acheter un autre modèle», conclut le chroniqueur automobile.

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