Vers un boom du locatif?

Offert par Les affaires plus


Édition de Novembre 2015

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Édition de Novembre 2015

Louer, c'est jeter son argent par les fenêtres ? Foutaise, rétorquent de nombreux locataires. Dans le contexte actuel, disent-ils, les avantages de la location surpassent ceux de l'achat d'une copropriété. Après deux décennies de «condomanie», assistons-nous au retour de la location ?

De 2007 à 2015, Susan Reinharz a été propriétaire d'une spacieuse copropriété au bord du canal Lachine. Lors de son acquisition à l'état neuf, elle croyait faire une bonne affaire. Or, le rêve a viré au cauchemar. Augmentation continuelle des frais de condo, vices cachés dans la fondation, poursuite contre le constructeur, hausses des taxes foncières ; les problèmes se sont accumulés à un rythme d'enfer. «Je me sentais de plus en plus étranglée par les dépenses», témoigne-t-elle.

En tant que présidente du syndicat de copropriétaires, Susan Reinharz se rend compte que la situation ne fera qu'empirer dans les années à venir, en raison de multiples déficiences dans la construction. Déterminée, cette semi-retraitée de 68 ans décide de vendre. «Mon but : en finir une fois pour toutes avec la copropriété», dit-elle. Après la vente de son unité, sans le rendement escompté, elle a emménagé en mai dernier dans une tour locative neuve qui vient d'émerger dans le quartier Griffintown, à 10 minutes du Centre Bell.

Depuis, elle file le parfait bonheur dans son logement de 65 mètres carrés, avec vue sur la piscine extérieure. «Je me sens libérée ! Ici, tout est compris : électroménagers, électricité, chauffage, eau chaude et Internet. Je n'ai pas à craindre de nouvelles cotisations spéciales, la finition est aussi belle que dans les condos neufs, je profite d'un service de sécurité de 24 h et un gym ouvrira bientôt au rez-de-chaussée. Que demander de plus ?» déclare-t-elle. Qui plus est, ce mode de vie sans souci lui revient beaucoup moins cher. «J'économise 15 000 dollars par an», dit-elle avec enthousiasme.

Tout comme cette sexagénaire, de plus en plus de gens désenchantés de la vie en copropriété, excédés par les prix excessifs de l'immobilier, ou encore en quête d'un mode de vie sans responsabilités, affirment que plus que jamais, le bonheur se trouve dans le locatif. Au diable le beau discours des courtiers hypothécaires, des promoteurs et des agents immobiliers, cette nouvelle horde de locataires croit dur comme fer que louer plutôt qu'acheter un appartement est un bien meilleur investissement. Surprise, de plus en plus de planificateurs financiers leur donnent raison. Exit la propriété, vive la location !

«Avant, on disait que louer un appartement, c'était jeter son argent par les fenêtres. Aujourd'hui, c'est tout le contraire : acheter un condo, c'est jeter son argent par les fenêtres», soutient Sylvain B. Tremblay, vice-président, Gestion privée, chez Optimum Gestion de placement. La raison : les perspectives de rendement des copropriétés pour les prochaines années, voire la prochaine décennie, sont faibles, peut-être même nulles. «Mais les coûts pour vivre dans une copropriété, eux, ne cessent d'augmenter, comme les frais d'assurance et d'entretien. À mon avis, on entre dans un cycle où les appartements locatifs deviendront une option plus séduisante», ajoute Sylvain B. Tremblay.

Et il n'est pas seul à le croire. Serge Goulet, président de Devimco, un acteur important de la construction résidentielle à Montréal à qui on doit la renaissance du quartier Griffintown, croit lui aussi à un retour en force du locatif. «Alors que dans le marché du condo, le rythme des ventes ralentit considérablement, on sent une forte demande d'appartements neufs avec services. De plus en plus de gens désirent louer, mais rejettent les vieux appartements désuets qui surabondent sur le marché», explique-t-il.

Serge Goulet, aussi promoteur du quartier Dix30, n'entend pas rater la vague. Il achève tout juste la construction de la phase I de l'Hexagone, un complexe de 257 appartements locatifs dans Griffintown, planifie déjà la phase II, et entreprend l'érection d'une autre tour locative dans l'ouest du centre-ville de Montréal, englobé dans son complexe d'habitation O'Nessy. «Je prévois construire plus de 1 000 appartements locatifs dans un proche avenir, tant en ville que dans la première couronne», dit-il avec la détermination qu'on lui connaît.

Preuve de l'engouement pour le locatif : le taux d'inoccupation dans le segment des condos locatifs, la concurrence directe des appartements locatifs neufs, plafonne à près de 3 % depuis deux ans dans la grande région de Montréal, alors que plus de 4 000 unités se sont ajoutées en 2014 seulement, indique un rapport de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). «Ça montre que la demande de ce type de logements est forte», constate David L'Heureux, analyste de marché à la SCHL.

Un autre facteur stimule la construction de complexes locatifs : l'appétit des caisses de retraite pour des investissements aux revenus stables et sûrs, qui offrent un rendement supérieur à celui des obligations. «Les fonds veulent diversifier leurs placements et les tours locatives répondent à leurs attentes», explique Pier-Luc Lafontaine, conseiller principal chez Groupe Investors. Serge Goulet s'inscrit dans ce mouvement. Il prévoit vendre ses immeubles locatifs à des fonds institutionnels dans un horizon de cinq ans, «quand ils auront atteint leur plein potentiel», dit l'homme d'affaires.

En plus de Devimco, d'autres promoteurs veulent maintenant signer des baux plutôt que des actes de vente. Dans le centre-ville de Montréal, le Groupe Canvar construit actuellement une tour mixte de 37 étages, dont les 12 premiers étages seront occupés par un hôtel, et les étages supérieurs, par des appartements locatifs. «Dans la région de Québec, on sent un véritable boom dans les appartements locatifs haut de gamme», constate Elisabeth Koulouris, analyste de marché à la SCHL.

Contrairement aux «blocs» à appartements moches et sans âme des années 1970, la plupart des complexes d'aujourd'hui n'ont rien à envier aux condos dits de luxe. Par exemple, le Groupe Huot, un important promoteur immobilier de Québec, construit actuellement L'Altitude à Saint-Augustin-de-Desmaures, un projet de 171 appartements au design contemporain érigé dans un boisé préservé à 45 %, avec stationnement souterrain, service de voiturier, centre de conditionnement physique et vue sur le Saint-Laurent, le lac Saint-Augustin et les Laurentides.

«Mes appartements sont aussi luxueux que les condos de luxe que construisent mes voisins», affirme avec conviction Stephan Huot, président du Groupe Huot. Comme dans la plupart des projets locatifs neufs, ici, on vise clairement les baby-boomers, qui désirent la tranquillité d'esprit de la location, sans rien sacrifier au confort. «L'important pour eux, c'est de ne pas voir le mot "résidence pour personnes âgées" inscrit sur la façade !» dit Stephan Huot en riant.

Après la vie de propriétaire, la vie de locataire. Voilà une tendance de plus en plus en vogue chez les baby-boomers. Anciennement propriétaire d'une grande maison à Saint-Michel-de-Bellechasse, près de Lévis, Sylvie Ruel, une rédactrice de 63 ans, n'a pas voulu garder la maison ni l'aménager en copropriété à la suite du décès de son mari en 2005. «Les propriétaires ont tendance à l'oublier, mais c'est lourd d'avoir une maison. Je me souviens de toutes les fins de semaine où l'on consacrait tout notre temps à son entretien. Pas bricoleuse pour deux sous, je ne me voyais pas payer constamment pour faire faire des travaux», dit-elle.

Ses amies lui recommandent l'achat d'un condo, affirmant qu'il s'agit d'un bon investissement. Or, elle n'y croit pas du tout. «J'aime mieux profiter du capital que j'ai obtenu à la vente de ma maison pour voyager que le cadenasser dans le bois et la brique. Une maison, ça rend captif», dit-elle. Dix ans plus tard, elle ne regrette pas son choix. «Je vis dans un spacieux haut de duplex qui a du cachet à revendre. Au prix de mon loyer (960 $, chauffage inclus), je ne pourrais avoir l'équivalent en tant que copropriétaire», dit Sylvie Ruel.

Et elle a probablement raison, soutient Pier-Luc Lafontaine, de Groupe Investors. «Devenir propriétaire au prix d'un loyer, c'est impossible. En plus des versements hypothécaires, on doit mettre dans la balance la taxe de bienvenue, les frais de notaire, les coûts de l'entretien, les frais de copropriété, les taxes foncières et scolaires et, éventuellement, les frais de revente. Ce sont des montants qu'on ne récupère pas», dit-il. Autre facteur à considérer : en investissant dans un condo, on ne peut pas placer son capital ailleurs, par exemple sur les marchés boursiers. «Dans le contexte actuel, acheter un condo pour du court terme n'a pas de sens», soutient Pier-Luc Lafontaine, preuves à l'appui (voir l'encadré «Louer ou acheter»).

En effet, les experts sont unanimes : des rendements de 10 % par an comme au début des années 2000, on ne reverra pas ça de sitôt. Kevin Hughes, économiste régional à la SCHL, constate que la question de la rentabilité des condos est sur toutes les lèvres. «La conjoncture, en raison d'un marché nettement favorable aux acheteurs, exerce une pression à la baisse sur les prix. On pense que nous en avons encore pour plusieurs années avant que les stocks de condos ne reviennent à un état d'équilibre», dit-il. Pour Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins, l'essor du condo est chose du passé. «On pense que la hausse des valeurs, à long terme, ne dépassera pas le taux de l'inflation», dit cette analyste.

La location présente aussi beaucoup d'avantages. «Les baby-boomers qui vendent leur maison devenue trop grande peuvent placer leur capital et puiser uniquement dans les intérêts pour payer leur loyer», affirme Stephan Huot. Autre atout : la flexibilité. «Rompre un bail est beaucoup plus facile que de trouver un acheteur pour une copropriété de luxe», ajoute le constructeur et gestionnaire immobilier. Les copropriétaires qui ont vendu dans les dernières années en savent quelque chose. Nombreux sont ceux qui ont dû vendre à perte.

Par contre, une épée de Damoclès pend au-dessus de la tête des locataires qui louent un condo ou un appartement d'un petit investisseur : la reprise de logement. Sylvie Ruel en a fait l'expérience. «J'habitais depuis sept ans dans un fabuleux appartement que j'avais soigneusement décoré. Mon propriétaire l'a trouvé si beau qu'il a décidé de le reprendre pour lui-même. Je ne l'ai pas trouvé drôle», raconte-t-elle avec amertume. D'où l'attrait, dit Sylvain B. Tremblay, des tours locatives qui appartiennent à des fonds. «On ne vous évincera pas pour loger sa belle-mère», avance-t-il.

Si le locatif neuf semble séduire davantage les baby-boomers, en dépit des loyers nettement plus élevés que dans le locatif vieillissant, il séduit aussi de jeunes professionnels. Dans le complexe L'Hexagone, dans Griffintown, ces derniers représentent une bonne partie des locataires. «Ce sont des gens qui gagnent beaucoup d'argent, mais qui n'ont pas encore accumulé une mise de fonds ou qui ne voient tout simplement pas l'intérêt d'accéder à la propriété dans la conjoncture», affirme Martin Killeen, directeur de la location à l'Hexagone. Le locatif, la prochaine vague de fond en immobilier ?

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