Flips immobiliers : attention aux flops!

Publié le 04/05/2016 à 10:30

Flips immobiliers : attention aux flops!

Publié le 04/05/2016 à 10:30

Toucher le pactole en rénovant et en revendant rapidement une propriété acquise à bon prix, c’est possible. Mais l’opération peut coûter cher, car le fisc guette ce type de transactions. Conseils d’experts.

À 25 ans, Dave Powell a une douzaine de flips à son actif. Depuis 2014, cet ingénieur de profession épluche régulièrement les annonces immobilières de la région montréalaise afin de repérer les bonnes affaires. But : acquérir à bon prix un immeuble résidentiel défraîchi – maison unifamiliale ou immeuble locatif – afin de le rénover avant de le remettre rapidement sur le marché avec profit à la clé. Un flip, si vous préférez.

Même si la glorieuse période des années 2000 a cédé la place à un marché résidentiel beaucoup plus calme, ce type d’opérations s’avère toujours rentable, soutient-il. À condition de ne pas être trop gourmand, notamment.

«Un beau produit à bon prix trouve rapidement preneur, dit-il. Je revends toujours une maison pour ce qu’elle vaut et non dans le but de faire de la spéculation, et je respecte les règles fiscales.»

Rénovations majeures

Fiscaliste au sein du cabinet de comptables Amyot Gélinas, Sylvie Therrien voit plusieurs clients attirés par les gains que font miroiter les flips. Or, plusieurs ignorent qu’au terme de l’opération, ils devront possiblement remettre des taxes de ventes (TPS et TVQ) aux autorités fiscales, constate-t-elle.

«Une rénovation majeure entraîne le paiement de taxes calculées sur la valeur marchande de l’immeuble rénové, même si vous n’êtes pas inscrits aux fichiers de taxes. L’opération ne se traduira pas nécessairement par un gain.»

Qu’est-ce qu’une rénovation majeure ? Aux yeux du fisc, il s’agit d’un immeuble résidentiel dont la totalité, ou presque, a été enlevée ou remplacée. Grosso modo, les rénovations doivent viser 90% de l’intérieur de la résidence, selon la superficie ou le nombre de pièces.

Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Si vous changez seulement 70% des éléments intérieurs, mais que vous remplacez la maçonnerie ainsi que la toiture, votre rénovation pourrait être considérée comme majeure. «Il y a beaucoup de zones grises», dit Sylvie Therrien.

Prendre les devants

Vous ne réalisez pas de travaux majeurs ? Revenu Québec pourrait en décider autrement. Pour éviter tout imbroglio, assurez-vous de prendre des photos avant et après la rénovation, conseille la fiscaliste. Veillez à documenter l’opération tout au long du processus, notamment en conservant plans et devis, soumissions, factures.

Une fois le dernier clou enfoncé, si vous n’êtes pas certain que la transformation puisse être considérée comme majeure, n’hésitez pas à consulter des experts en fiscalité. Le cas échéant, prenez les devants et déposez une autocotisation auprès de Revenu Québec, suggère Sylvie Therrien. N’estimez pas à la louche la juste valeur marchande de l’immeuble, car les autorités fiscales risquent de revoir votre approximation à la hausse. Faites plutôt évaluer l’immeuble par un évaluateur agréé et joignez son rapport aux formulaires d’autocotisation.

En contrepartie, vous pourrez réclamer le remboursement des taxes payées sur les matériaux de construction et sur la main-d’œuvre.

Les autorités fiscales ont l’œil ouvert, dit Sylvie Therrien. «On constate qu’elles analysent les transactions immobilières en profondeur. Elles entrecroisent plusieurs données, comme les déclarations de revenus, pour faire ressortir des irrégularités.»

L’exemption de gain en capital

Si vous achetez une maison dans le but de la revendre avec profit après l’avoir rénovée, mais que vous y habitez entretemps, vous pourrez probablement bénéficier de l’exemption de gain en capital pour résidence principale.

Encore une fois, attention de ne pas éveiller les soupçons du fisc, prévient le notaire Paul Germain. «Si vous faites ce genre de flip à répétition, vous vous exposez au risque de devoir rembourser l’exemption de gain en capital, même si vous habitez un an ou plus dans votre maison avant de la revendre. Tout est une question d’intention.»

Ou d’intention présumée, selon ce qu’en conclut le fisc. Par exemple, si le but du projet est de faire un profit, il peut considérer l’opération comme commerciale et chercher à vous imposer sur les bénéfices. Et ce, même si votre occupation n’a rien à voir avec l’immobilier. «J’ai vu des clients qui ont reçu des avis de cotisation monstrueux», dit-il.

Une aventure qui peut se solder par une facture qui a de quoi faire flipper.

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