Condos: des fonds de prévoyance mal garnis égale danger!

Publié le 11/07/2016 à 09:12

Condos: des fonds de prévoyance mal garnis égale danger!

Publié le 11/07/2016 à 09:12

Le «p’tit coussin» des copropriétaires québécois est si mince que près de la moitié d’entre eux a du mal à faire face aux travaux de réparations. En attendant une réforme du Code civil, voici comment éviter de creuser sa tombe.

De 7000$ à 10 000 par condominium : c’est la somme que les copropriétaires d’un ensemble de 120 unités de l’Ile-des-Sœurs ont dû sortir de leurs poches, il y a trois ans, afin de pallier à un problème chronique de givre et de condensation. Cette cotisation spéciale, qui s’ajoutait aux frais annuels, s’avérait nécessaire car le fonds de prévoyance était loin de couvrir la somme des travaux requis pour la réparation des fenêtres et du système de ventilation.

L’annonce a provoqué maints grincements de dents, même si plusieurs copropriétaires réclamaient une solution depuis longtemps, raconte Pierre Druelle, membre du conseil d’administration du syndicat de cette copropriété. «Ce n’est pas tout le monde qui pouvait payer une somme aussi importante. En revanche, plusieurs propriétaires ne réalisent pas qu’ils partagent la responsabilité de veiller à la gestion à long terme de l’immeuble, et non seulement de l’intérieur de leurs quatre murs.» 

«Le far west»

Ces copropriétaires sont loin d’être les seuls à composer avec des provisions anémiques. Selon un sondage publié en octobre 2015 par le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), la Fédération des chambres immobilières du Québec et l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec, 41% des administrateurs de propriétés affirmaient que les sommes disponibles dans leur fonds de prévoyance se sont avérées insuffisantes lorsqu’ils en ont eu besoin pour effectuer certains travaux de réparation majeure ou de remplacement aux parties communes de leur immeuble.

«La copropriété, au Québec, c’est le far west», dit l’avocat Yves Joli-Cœur, associé principal chez Grandpré Joli-Cœur et secrétaire général du RCGQ. «Compte tenu du fait que le marché n’est pas favorable aux vendeurs, beaucoup de copropriétaires se retrouvent dans un cul-de-sac, surtout dans les petites copropriétés : si deux copropriétaires sur trois n’ont pas les moyens de faire des travaux, l’autre se retrouve prisonnier de l’immeuble.»

Le Code civil stipule que les administrateurs et ne doivent jamais injecter moins de 5% du budget opérationnel de la copropriété [NDLR : dépenses concernant les parties communes] dans le fonds de prévoyance, poursuit Me Joli-Cœur. Ce qui est loin d’être suffisant, constate Nicole Rousseau, gestionnaire de copropriétés chez Laucandrique. «J’ai du mal à vendre aux administrateurs l’idée que le fonds devrait être financé à 20 ou 25% du budget de l’immeuble afin de faire face aux travaux de remplacement du toit ou des fenêtres au bout de 20 ans, par exemple.»

Environ 80% des immeubles qu’elle gère ont des problèmes récurrents d’insuffisance de fonds, ajoute-t-elle. «Pour ne pas augmenter leurs frais de condo, les copropriétaires négligent de garnir le fonds de prévoyance. Ils n’ont pas conscience de l’importance de l’enjeu.»

L’étude de fonds

En attendant une réforme du Code civil, les copropriétaires avisés peuvent faire réaliser une étude de fonds de prévoyance, qui dresse l’état de santé d’un immeuble ainsi que les investissements qu’il nécessitera sur les 25 prochaines années, explique Me Joli-Cœur. «Cette projection financière est pour l’instant la seule façon de connaître le besoin du bâtiment en termes d’approvisionnement.»

Le RCGQ accrédite les professionnels du bâtiment – architectes, ingénieurs, technologues, etc. –aptes à réaliser une étude de fonds de prévoyance, dit-il. Pour être sûr de ne pas avoir affaire à un charlatan, consultez son site sous l’onglet «Entreprises agréées».

En outre, avant d’acheter une copropriété, renseignez-vous sur l’état du fonds de prévoyance, conseille Nicole Rousseau. «S’il n’est pas élevé, demandez s’il y a eu des retraits importants dans les dernières années pour des travaux majeurs.»

Réforme à venir

En juin 2015, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, affirmait que la question de la copropriété faisait partie de ses priorités et qu’un projet de loi [afin de modifier le Code civil] pourrait être déposé dans la prochaine année. Un an plus tard, son attachée de presse affirme «qu’un travail se fait au ministère» et que la ministre «est consciente de l’enjeu.»

Le statu quo afflige Yves Joli-Cœur, qui milite en faveur d’un resserrement des règles de gestion des copropriétés, comme l’Ontario l’a fait récemment en adoptant la Loi de 2015 sur la protection des propriétaires de condominiums. «Il y a beaucoup de drames humains derrière l’insuffisance des fonds de prévoyance. On ne peut pas se permettre une perte de confiance à l’égard de la copropriété. Et c’est ce qui se passe en ce moment.»

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