Bye-bye loyer?


Édition de Avril 2015

Bye-bye loyer?


Édition de Avril 2015

[Illustration: Dorian Danielsen]

Pas facile en 2015 d'accéder à la propriété. Les prix demeurent ultra-élevés et les perspectives de chutes de valeur continuent d'assombrir l'horizon. Cependant, les taux d'intérêt poursuivent leur descente, et l'abondance de l'offre sur le marché favorise les acheteurs. Est-ce le bon moment pour devenir propriétaire ?

Plutôt que de rouspéter contre le froid et l'absence de neige pendant la période des fêtes, Noémie Marsolais et Karl Rettino-Parazelli ont décidé de digérer leur surconsommation de tourtières en visitant des copropriétés. Direction Rive-Sud de Montréal pour trouver une propriété à la fois près de la future clinique de Noémie, une étudiante en podiatrie de 25 ans qui commencera sa carrière dans quelques semaines, et à distance de marche d'une gare de trains de banlieue, afin que Karl, 25 ans, journaliste au Devoir, puisse se rendre au travail sans prendre la voiture. Quelques visites ont suffi à ce couple de la Rive-Sud pour tomber sur la perle rare : un spacieux appartement de 1 650 pi2, à Saint-Basile-le-Grand, où il sera possible de fonder une famille. Affaire conclue le 2 janvier, au-dessous du prix demandé.

«Ce condo construit en 2009 répondait exactement à nos attentes en termes de décoration et d'espace, alors que les maisons du secteur nécessitaient des rénovations», explique Noémie Marsolais. Bien qu'ils s'endettent de plus de 200 000 dollars, une somme astronomique lorsqu'on est encore dans la vingtaine, pour les deux tourtereaux, il n'existait aucune raison valable de retarder leur achat. «On voulait être proprios plutôt que de jeter notre argent par les fenêtres en restant à loyer», dit Noémie Marsolais, étudiante à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Rêveurs, optimistes, Noémie et Karl ? Dans un marché qui stagne ou même périclite par endroits, avec des prix qui demeurent élevés, devenir propriétaire en 2015 ressemble à une profession de foi. Et pourtant, ceux qui accèdent à la propriété ne perdent pas espoir. Bien au contraire, pour les gens comme Karl et Noémie, l'acquisition d'une propriété reste un rêve que même des perspectives économiques peu reluisantes ne pourraient briser.

Plusieurs embûches se dressent cependant sur le chemin des premiers acheteurs. En premier lieu, le prix des propriétés continue de voltiger dans les hautes sphères, ayant plus que doublé depuis l'an 2000. Désormais, le prix médian d'une maison est de 282 500 dollars (pour l'année 2014) dans la région métropolitaine de Montréal, ce qui représente, à raison d'une mise de fonds de 5 %, des versements mensuels de 1 336 dollars par mois (taux de 3 %, amortissement de 25 ans). Un lourd fardeau financier lorsqu'on commence une carrière, qu'on termine des études avec des dettes et qu'on veut fonder une famille.

En deuxième lieu, Ottawa ayant serré la vis progressivement depuis 2008 afin de calmer le marché immobilier, les acheteurs ne peuvent plus étaler leurs paiements sur une période d'amortissement qui dépasse les 25 ans. Le bannissement de l'amortissement sur 30 ans surtout, survenu en 2012, a beaucoup nui à ceux qui accèdent à la propriété. «Les jeunes se serrent de plus en plus la ceinture pour devenir propriétaires, ce qui les rend plus vulnérables à des chocs», constate Sylvain B. Tremblay, planificateur financier chez Optimum Gestion de placements.

Moins de premiers acheteurs

À cause de l'augmentation de la valeur des maisons, les acquéreurs doivent aussi disposer d'une mise de fonds de plus en plus importante. Dans une société où l'hyperconsommation semble être la principale source de bonheur, amasser un pécule devient, pour de nombreux jeunes, un rêve impossible. À l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ), on constate une érosion des premiers acheteurs. Alors qu'en 2011, ils constituaient 48 % de la clientèle des habitations neuves, en 2013, ce pourcentage a chuté à 37 %, une baisse de 11 % en deux ans.

«Les premiers acheteurs sont de moins en moins au rendez-vous. Pour nous, il ne fait pas de doute que c'est la mise de fonds qui cause ce ralentissement», affirme François-William Simard, directeur des communications de l'APCHQ. L'Association réclame une intervention gouvernementale afin de faire mousser l'accès à la propriété chez les jeunes, comme l'obtention de prêts sans intérêts et des REER intergénérationnels, transférables aux enfants.

Pourtant, est-ce vraiment nécessaire ? La situation des premiers acheteurs est-elle si mauvaise ? Karl et Noémie pensent le contraire, et ne considèrent pas que les propriétés sont hors de prix. Et les indices abondent dans le même sens. La stagnation récente des prix de l'immobilier combinée à l'augmentation des revenus des ménages a eu une incidence positive sur l'Indice d'abordabilité Desjardins, qui se situait à 142,6 au 3e trimestre de 2014, ce qui le place près de sa moyenne historique. «La hausse des prix depuis le début des années 2000 a été largement compensée par une baisse substantielle des taux d'intérêt. Ce qui veut dire qu'il n'est pas plus difficile d'accéder à la propriété aujourd'hui par rapport à la moyenne des 25 dernières années», assure Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins. Une mesure qui exclut cependant la question de la mise de fonds.

Même son de cloche chez Recherche économique RBC, qui conclut que dans la plupart des segments du marché québécois, l'accessibilité à la propriété a atteint à la fin de 2014 son niveau le plus attrayant depuis les quatre dernières années. Les mesures d'accessibilité ont fléchi de 0,8 point dans le segment de la copropriété et de 0,4 point pour les maisons à deux étages - une diminution de la mesure correspond à une amélioration de l'accessibilité. «Ces indices se comparent à la moyenne des 30 dernières années», confirme Robert Hogue, économiste principal, Recherche économique RBC. Mal pris les jeunes, pas tout à fait !

Et la bonne nouvelle, c'est que l'accessibilité pourrait encore s'améliorer en 2015. Contre toute attente, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur de 25 points en janvier. «La banque centrale envoie comme message qu'il n'y aura pas de hausse de taux d'intérêt avant 2016», indique Paul Cardinal, directeur, analyse du marché, à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). Début février, le taux fixe 5 ans atteignait 2,74 %. Du jamais vu. «La chute du prix du pétrole brouille maintenant les cartes», constate Robert Hogue.

Un marché à l'avantage des acheteurs, des taux intérêts des plus bas, une abondance de l'offre, voilà de quoi réjouir nos accédants à la propriété. Et côté prix, pas d'escalade en vue. La FCIQ prévoit en 2015 une hausse timide de 1 % dans l'unifamiliale pour l'ensemble du Québec et une stagnation des prix dans le marché de la copropriété dans les régions de Montréal et de Québec. Quant à la SCHL, elle prévoit une augmentation des prix dans l'immobilier de 1,9 % en 2015 et en 2016 pour l'ensemble du Québec.

Dominique David, une trentenaire de Montréal, a acquis en 2014 une vaste copropriété rénovée et lumineuse dans Villeray, à Montréal, après deux ans de magasinage. Elle a encore du mal à croire qu'elle a pu trouver un logement aussi convenable, à un prix si raisonnable. «Je crois que j'ai bien négocié mon affaire», se réjouit-elle. Mais son appartement de rêve était une copropriété indivise, un mode d'habitation qui n'est pas couvert par les assurances prêts hypothécaires. Il fallait donc apporter 25 % de mise de fonds. «Sans l'aide financière de ma mère, je n'aurai pas pu acquérir une propriété aussi intéressante», avoue cette employée de la CSST.

Une exception, Dominique David ? Non. La contribution des parents à la mise de fonds change la donne dans le marché des premiers acheteurs. «Il y a 10 ans, c'était un phénomène marginal. Aujourd'hui, on le voit tous les jours», constate Denis Doucet, responsable des relations publiques chez Multi-Prêts Hypothèques. Les parents en moyens ne veulent pas attendre leur décès pour donner un coup de pouce financier à leurs enfants. «Cela engendre un nouveau phénomène : des jeunes quittent papa et maman pour emménager directement dans un condo, sans jamais avoir été locataires», raconte avec étonnement le courtier Claude Charron, très actif dans la couronne nord.

Peu de profit à l'horizon

Les acquéreurs du début du siècle ont vu la valeur de leur propriété croître à un rythme jamais vu dans l'histoire. Par contre, peu d'espoir que les nouveaux propriétaires profitent de rendements aussi mirobolants. Des hausses de valeur de 10 % par an, c'est chose du passé. «La faible croissance de la population dans les années à venir freinera la vigueur du marché», prévient David L'Heureux, analyste principal de marché à la SCHL.

Résultat : il devient de plus en plus risqué d'acheter pour du court terme (de deux à cinq ans). «On prévient nos clients : les chances de revendre à profit après quelques années sont actuellement bien minces», affirme Francis Lavoie, courtier immobilier sur la Rive-Sud. Mais ce vent de pessimisme n'alarme en rien Noémie, Karl et Dominique. Tous disent qu'ils n'accèdent pas à la propriété pour faire un coup d'argent. «Tant mieux si ça se produit», dit Dominique David.

À long terme, à cause du vieillissement de la population, les propriétaires en devenir ne doivent pas écarter la possibilité que leur investissement perde de la valeur, soutient Daniel Gill, professeur d'urbanisme à l'Université de Montréal. «On risque de connaître des surplus, notamment dans la maison unifamiliale», affirme ce spécialiste de l'habitation. Cette éventualité, tient-il à ajouter du même souffle, ne devrait pas décourager les jeunes de devenir propriétaires. «Il y a toujours eu un coût à assumer pour se loger, et l'immobilier demeure la meilleure façon de se constituer un patrimoine», affirme Daniel Gill.

Ville ou banlieue, où placer ses pions pour mieux protéger la valeur de son investissement ? Bien que ce débat fasse rage chez les gérants d'estrade, les statistiques ne montrent pas de corrélation entre le lieu géographique dans le Grand Montréal et une meilleure résilience par rapport aux forces du marché. «Les hausses et les baisses de prix suivent la même tendance générale, à quelques mois d'écart. Ville ou banlieue, il n'existe pas un choix meilleur que l'autre», soutient Paul Cardinal, de la FCIQ, un expert dont les prévisions ratent rarement leur cible.

De toute façon, l'idée d'un gain en capital motive peu les acheteurs actuels. Ils choisissent avant tout un milieu de vie. Gabriel Yan, 57 ans, et son épouse, Marie-Ange, une infirmière de 49 ans, parents de trois enfants, envisagent de quitter Saint-Léonard pour s'établir en banlieue, où ils accéderont à la propriété pour la première fois. Ce ne sont pas les prix qui les incitent à quitter l'île, mais la congestion routière et la pollution.

«Avec tous les immeubles d'habitation qui ont poussé depuis une décennie, on ne vit plus dans un quartier tranquille. Trouver une place de stationnement en hiver est un chemin de croix», grogne ce chargé de cours à Polytechnique Montréal. Pour cette famille de cinq, dont l'aîné volera bientôt de ses propres ailes, la solution passe par Laval. «On regarde les maisons détachées du quartier Vimont-Auteuil, là où l'on pourrait retrouver notre tranquillité», rêve ce natif de la Belgique.

Mais avant de franchir la rivière des Prairies, Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste des questions énergétiques, prévient les consommateurs de ne pas sous-estimer le coût d'une deuxième voiture dans le budget, souvent nécessaire lorsqu'on s'éloigne des axes de transport en commun en banlieue. Selon une étude qu'il a réalisée en 2013, les coûts réels d'une voiture varient entre 9 900 et 23 000 dollars par an.

Donc, une famille qui choisit une localisation ne nécessitant pas l'achat d'un deuxième véhicule peut, selon ses calculs, investir 200 000 dollars de plus dans l'acquisition d'une propriété. «En restant sur l'île, ils peuvent se permettre une propriété de 400 000 dollars plutôt que de 200 000 dollars dans la troisième couronne. Voilà une meilleure façon de se constituer un patrimoine plus important», affirme Pierre-Olivier Pineau. La maison moins chère en périphérie vous coûtera-t-elle vraiment moins cher ? Avant de déposer une offre d'achat, faites vos calculs.

À la une

Bourse: nouveaux records pour le Dow Jones et le S&P 500 à Wall Street

Mis à jour à 17:10 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto est en hausse et les marchés américains sont mitigés.

À surveiller: Microsoft, Apple et Dollarama

Que faire avec les titres de Microsoft, Apple et Dollarama? Voici quelques recommandations d’analystes.

Bourse: les gagnants et les perdants du 28 mars

Mis à jour il y a 20 minutes | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.