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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

Bourse: les phrases dangereuses pour les investisseurs

Philippe Leblanc|Publié le 04 février 2022

Bourse: les phrases dangereuses pour les investisseurs

Les condos sont très en vogue en Floride. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. C’est bien connu, une des phrases les plus dangereuses pour l’investisseur est «Cette fois-ci, c’est différent». Il peut coûter très cher de croire que le futur sera complètement différent du passé et d’extrapoler les tendances récentes.

Récemment, j’ai entendu une autre phrase qui me semble tout aussi dangereuse pour un investisseur: «Ça ne peut pas baisser». Incidemment, j’ai entendu ce commentaire au moins deux fois au cours des dernières semaines relativement au marché immobilier de la côte est de la Floride. Ainsi, selon deux interlocuteurs différents, la demande pour les propriétés situées près de la mer sera toujours très forte; donc, les prix des propriétés le long de la côte ne peuvent pas baisser. Pour être franc, mes deux interlocuteurs envisageaient probablement un horizon à long terme. Leur vrai propos aurait dû être celui-ci: «À long terme, les prix ne baisseront pas.» 

Peut-être ont-ils raison. Je suis d’accord pour dire que le marché immobilier floridien, particulièrement en bordure de la mer, fera l’objet d’une grande demande au cours des nombreuses prochaines années. Il y a encore une proportion élevée de la population atteignant l’âge de la retraite, tant au Canada que dans le reste des États-Unis et en Europe, qui voudra se la couler douce sous le soleil de la Floride pendant leur retraite. Il est également normal qu’en Floride, les propriétés vaillent plus cher que des propriétés comparables dans d’autres régions moins attirantes pour une population retraitée venant de l’Ohio, de l’Ontario ou de l’Indiana.

Mais celui qui envisage d’acheter une propriété en Floride, dont le marché immobilier s’est fortement apprécié au cours des deux dernières années de pandémie, devrait à mon avis réfléchir à au moins deux facteurs.

D’une part, les taux d’intérêt ont été très bas depuis quelques années et le sont toujours aujourd’hui. Je constate par exemple qu’un acheteur américain pourrait présentement financer l’achat d’une propriété avec une hypothèque 10 ans à un taux de moins de 3%. Or, la Réserve fédérale américaine de même que la Banque du Canada ont averti qu’elles augmenteraient sensiblement leurs taux directeurs dans les mois à venir et probablement jusqu’en 2023. De plus, le taux d’inflation est particulièrement élevé depuis plusieurs mois et il risque de le demeurer, ce qui pourrait occasionner des hausses de taux encore plus élevées que ce qui est présentement envisagé.

Une hausse appréciable des taux hypothécaires aurait sans doute un effet négatif marqué sur la valeur de l’immobilier. Ne pourrait-elle pas faire baisser sensiblement la valeur des propriétés en Floride?

Je me demande également à quel point la COVID a contribué à la hausse des prix de l’immobilier en Floride. Le télétravail n’a-t-il pas incité nombre de travailleurs à s’installer en Floride? On est en droit de se demander si cette situation est durable. Qu’adviendra-t-il lorsque la pandémie sera derrière nous?

Une autre considération est qu’un investisseur devrait tenir compte des options qui s’offrent à lui avant d’investir dans une propriété floridienne à prix gonflé. En investissement, tout est une question de coût d’opportunité – quels rendements potentiels provenant d’autres options de placements laisse-t-on de côté en investissant dans une propriété floridienne? Le sentiment que les prix de l’immobilier floridien ne peuvent pas baisser à long terme est peut-être valable. Mais est-ce la meilleure option d’investissement pour un investisseur à long terme?

Celui qui se prépare à investir une somme importante dans un condo sur le bord de la mer ne devrait pas seulement se demander si cet investissement lui procurera des rendements positifs à long terme (en tenant compte de toutes les dépenses afférentes); il devrait aussi comparer ces rendements potentiels à ce que lui offrent d’autres options telles que les actions en Bourse, les obligations, d’autres propriétés immobilières, etc.

Je ne suis pas expert du marché immobilier, mais je peux reconnaître les comportements typiques d’une bulle spéculative. Un de ceux-ci est sans contredit le dangereux sentiment que les prix ne puissent pas baisser.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100