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Expert(e) invité(e)

La section F du bail, une dure nécessité?

Jean Sasseville|Publié le 01 février 2023

La section F du bail, une dure nécessité?

La section F permet à un propriétaire d’immeuble neuf, pendant une période de cinq ans, d'imposer des hausses de loyer qui ne sont pas assujetties à la grille du Tribunal administratif du logement. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La section F du bail a fait parler d’elle pour les augmentations de loyer que subissent certains locataires, par exemple des hausses rares, mais fortes, de 50% qui ont été très médiatisées. Avant de proposer une modification, il faut revenir aux raisons de sa création et se demander si son existence est encore fondée.

La section F permet à un propriétaire d’immeuble neuf, pendant une période de cinq ans, de donner à ses locataires une hausse de loyer qui n’est pas assujettie à la grille du Tribunal administratif du logement (TAL).

 

Projet de loi 37

Alors que plusieurs cas de clause F furent médiatisés, Québec solidaire proposa sa suppression, tout comme le Parti Québécois, ainsi que les associations de locataires. Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec préféra toutefois présenter une réduction de la période de cinq ans à trois ans.

«Dans le cadre des auditions sur le projet de loi 37 visant la réduction de cinq à trois ans de la période d’exclusion pour les nouveaux logements, l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) avait mentionné que cela risquait d’entraîner de plus fortes hausses des loyers pour les premières années», soulève Jean-Marc Fournier, PDG de l’IDU.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) est intervenue en commission parlementaire sur le projet de loi 37 au printemps 2022. Elle a expliqué que cette disposition du bail existe depuis plus de 30 ans et que trois principes gouvernent son existence.

Elle devait premièrement permettre, en proposant un incitatif financier, de convaincre des constructeurs de passer de la construction de condo à la construction de logements locatifs alors celle des condos à un modèle d’affaires bien plus intéressant que celui du locatif. Elle atténue de plus la prise de risque du propriétaire de logements locatifs que comporte la construction résidentielle dont les coûts d’exploitation sont inconnus jusqu’à la fin d’une période de stabilisation. Elle permettait enfin d’ajuster le modèle financier entre l’anticipation du promoteur et la réalité du développement urbain autour de la construction: est-ce que l’autoroute promise sera construite? Y aura-t-il densification?

«La CORPIQ en faisait alors un élément incontournable pour stimuler la construction de nouveaux logements par la diminution des risques financiers des promoteurs, souligne Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales de la CORPIQ. Alors que nous sommes dans un contexte de manque criant de logements partout au Québec, réfléchir en profondeur sur la clause F semble plus que jamais nécessaire.»

À la suite des diverses interventions en commission parlementaire, le Parti libéral a proposé de prendre plus de temps pour étudier spécifiquement cette mesure du projet de loi et la décision a été reportée.

«Pour moi, il était clair qu’en accordant deux ans de moins au locateur pour procéder aux ajustements de loyer nécessaires, le choc financier aurait été beaucoup plus brutal pour les locataires. Dans les circonstances, le statu quo était le seul compromis acceptable. Nous serons au rendez-vous pour poursuivre le travail amorcé», a déclaré Marie-Claude Nichols, alors porte-parole de l’opposition officielle en matière d’affaires municipales et d’habitation.

 

Modifier la clause F?

«Nous procéderons à très court terme à une revue des principales règles régissant les relations locataires-locateurs et la clause F en fait partie», mentionne France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation. 

«Plutôt que de changer les règles dans la précipitation et sans en avoir analysé les impacts socio-économiques, l’IDU recommande de considérer d’éventuels changements aux lois seulement après avoir complété un état des lieux sur le déficit d’offre dans tous les types de logements et sur tout le territoire, sur les causes de ce déficit et sur les pistes de solution à prendre en compte», ajoute Jean-Marc Fournier. 

Pour comprendre sa légitimité, il faut revenir aux principes derrière son existence: un investisseur doit pouvoir ajuster les loyers pour permettre la rentabilité de son projet de construction sur le moyen et long terme. Ce n’est qu’à ce prix qu’un tel projet peut voir le jour.

Une solution pour stimuler la construction serait de diluer sur dix ans les hausses au lieu de les laisser sur cinq ans. En même temps, un propriétaire ne pourra pas demander un loyer trop élevé, car cela ne lui permettrait pas de louer son logement. 

«Les élus et les locataires doivent mieux comprendre les justifications derrière la section F du bail. Le modèle financier de construction locative s’écarte progressivement de la viabilité et les projets sont en conséquence de moins en moins possibles, ce que montre la diminution des mises en chantier attendue pour 2023, précise Marc-André Plante. L’augmentation des incitatifs à la construction devra passer soit par l’étendue de période d’application de la clause F ou par des subventions.» 

Si un propriétaire explique clairement dès le début des négociations menant au bail ce qu’est la clause F et sa raison d’être, une partie du problème est résolue. Un locataire doit être bien informé avant de signer son bail. 

Le bail devrait être modifié en conséquence et préciser, avec un court texte dans la section F, expliquant les justifications derrière son existence. 

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.