Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
Jean Sasseville

S'informer avant d'investir en immobilier

Jean Sasseville

Expert(e) invité(e)

Des OSBL en habitation qui ne riment pas avec subvention

Jean Sasseville|Publié le 26 juillet 2023

Des OSBL en habitation qui ne riment pas avec subvention

L’ensemble des coopératives et des OBNL d’habitation au Québec détiennent 85 000 logements qui valent 9,1 G$ et un solde hypothécaire de 3,7 G$. Il y a là une équité potentielle de 5,4 G$ à mettre à profit. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le projet Plancher, vise l’ajout de milliers de logements communautaires en utilisant les actifs immobiliers des OSBL et des coopératives d’habitation comme levier. L’alliance ACHAT, elle, cherche à se développer en utilisant une diversité de leviers innovants avec pas ou peu de subventions. Ce sont deux projets porteurs d’espoir dans le développement de logements par le secteur privé à but non lucratif.

La manière traditionnelle de créer du logement communautaire est nécessaire, avec des subventions élevées. Il est encourageant de voir émerger d’autres modèles qui grugent moins de fonds des gouvernements.

 

ACHAT

Sept entreprises immobilières d’économie sociale (Corporation Mainbourg, Espace La Traversée, Hapopex, Interloge, SHAPEM, SOLIDES et UTILE) ont créé l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (ACHAT).

Pour atteindre rapidement des objectifs de croissance ambitieux, ils partagent certaines de leurs ressources et expertises, ainsi que la pleine exploitation des leviers de financement immobilier publics, privés et philanthropiques.

« Beaucoup de gens parlent aujourd’hui de la contribution du secteur privé à la mission d’abordabilité résidentielle, mais peu savent concrètement comment y arriver. Il faut s’inspirer de ces succès pour mettre à l’échelle de tels résultats, qui offrent notamment des gains en termes d’acceptabilité sociale pour les promoteurs privés à but lucratif, et des gains en termes de financement pour les promoteurs à but non lucratif », mentionne le directeur général d’ACHAT, Sébastien Parent-Durand.

Nous l’avons vu récemment avec SOLIDES, qui a acquis une entreprise immobilière familiale de Drummondville de près de 400 logements sans recourir à des programmes publics de subventions.

La démarche partenariale de Biophilia Développement Durable et Interloge à Saint-Hyacinthe est un exemple récent de collaboration entre privés à but lucratif et non lucratif qui promet de bons résultats, pour un projet de 175 unités de logements développés sur un terrain municipal, dont 30% seront abordables dès la livraison, une proportion qui sera appelée à augmenter avec le temps.

Nous avons ici deux développeurs immobiliers expérimentés qui ont choisi de s’asseoir ensemble à l’étape de la planification (élaboration conjointe des plans et du montage financier, rencontres avec les groupes citoyens et la municipalité), ce qui leur permet de partager les coûts du projet, dont ils seront au final propriétaires et gestionnaires de leurs parties respectives une fois livrés, une fois le mariage temporaire consommé.

Le Groupe Mach à Montréal a un partenariat similaire avec Interloge.

Plancher

Le Centre de transformation du logement communautaire (CTLC) est un organisme sans but lucratif fondé en 2018 par un réseau d’organisations du secteur du logement communautaire.

« Il est nécessaire de soutenir le développement, mais, actuellement, les contraintes et la complexité des programmes font que l’impact du financement public est loin d’être optimal. Le contexte actuel impose la croissance du modèle communautaire pour résoudre la crise. Ce que nous proposons, c’est un modèle permettant aux entreprises d’habitation communautaire d’avoir la même agilité que n’importe quelle autre entreprise d’habitation », souligne le DG du CTLC, Stéphan Corriveau.

C’est dans cette vision que s’inscrit le projet Plancher qui vise à unir les acteurs du logement social et communautaire autour d’un objectif commun : utiliser une partie de leurs actifs immobiliers collectifs (coopératives et OBNL) afin de mettre sur pied un nouveau Fonds d’impact.

Le modèle financier repose sur quatre étapes:

  1. Mobilisation de l’équité collective détenue par le logement communautaire et mobilisation des investissements de partenaires;
  2. Investissement du Fonds Plancher dans des projets immobiliers de logement communautaire;
  3. Remboursement des prêts et paiement des intérêts par les projets immobiliers soutenus;
  4. Redistribution des rendements entre les fournisseurs de logement participants et les investisseurs.

Des engagements de dizaines de millions de dollars d’investissements privés et philanthropiques ont été signés. Des milliers de logements communautaires ont été promis par leurs propriétaires comme garanties. Plusieurs promoteurs communautaires proposent des projets pour sortir du marché spéculatif des milliers de logements. Plusieurs municipalités ont voté des résolutions en faveur de PLANCHER qui appellent explicitement les gouvernements provincial et fédéral à le soutenir.

L’ensemble des coopératives et des OBNL d’habitation au Québec détiennent 85 000 logements qui valent 9,1 G$ et un solde hypothécaire de 3,7 G$. Alors que les gouvernements cherchent de nouvelles sommes à investir en habitation, il y a là une équité potentielle de 5,4 G$ à mettre à profit.

Plusieurs immeubles qui ont bénéficié de subventions ne peuvent pas se servir de cette équité pour emprunter, comme font les investisseurs privés. Les règles gouvernementales ne le permettent pas. L’objectif est de constituer un fonds d’investissement d’un milliard de dollars, 500 M$ venant du communautaire et 500 M$ venant de partenaires financiers.

« Ce que nous demandons c’est de modifier les règles du jeu. Il faut que nous ayons la capacité d’exploiter pleinement nos ressources comme leviers de croissance. L’impact visé est de simplifier et d’accélérer la création de logements abordables. Il reste du travail à faire, mais nous sommes encouragés par l’engagement de plusieurs municipalités à travers le Québec et espérons que Québec et Ottawa sauront répondre positivement à ces propositions portées par les promoteurs, les groupes communautaires et les investisseurs d’impacts », mentionne Stéphan Corriveau.

Des fonds des gouvernements sont requis pour assurer l’abordabilité au jour un. L’implication gouvernementale dans ce domaine ira en baissant pour chaque logement créé à cause de notre modèle à but non lucratif.

 

Partenariats

Ces modèles de partenariats sont appelés à se multiplier, ne serait-ce que si l’on se fie à l’appel des pouvoirs publics, qui ont créé ces dernières années un Règlement pour une métropole mixte (RMM), un Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), ou encore qui confient la gestion de subventions publiques à des partenaires financiers privés comme Desjardins ou le Fonds de solidarité FTQ.

Vingt-cinq pour cent des 1500 logements abordables que Desjardins va offrir d’ici 2025 seront des logements rénovés, qui seront acquis par des OBNL dans le but de pérenniser l’abordabilité des loyers.

Plusieurs investisseurs institutionnels privilégient les immeubles ESG. La prise en compte des critères ESG permet de tenir compte non seulement des enjeux environnementaux, mais aussi des enjeux sociaux et de sa responsabilité en termes de gouvernance dans sa gestion globale. Un partenariat permet à un promoteur du privé de ne pas trop sacrifier sa rentabilité.

Les membres d’ACHAT intègrent de plus en plus le marché immobilier québécois, ce qui fait d’eux des partenaires de choix pour les municipalités, les gouvernements et les développeurs privés à but lucratif qui veulent contribuer à l’abordabilité durable.

L’heure est à la mise en place de modus operandi entre développeurs à but lucratif et non lucratif, qui ont des modèles d’affaires différents à certains égards, mais qui sont tout à fait complémentaires et qui pourraient même se renforcer mutuellement. Après tout, ils font essentiellement la même chose: développer et opérer du logement.

La vision est d’offrir un logement communautaire comme une option intéressante pour la classe moyenne, pas seulement les moins nantis. Peu importe qui construit, le prix du deux par quatre est le même. On a besoin de tous. Je vous ai décrit deux acteurs qui selon moi vont devenir des intervenants majeurs, entre autres par leur recherche de solutions innovatrices.

« L’environnement de développement du logement social et abordable a évolué très rapidement et pose un nombre de défis, mais nous avons la chance de pouvoir compter sur un réseau d’entreprises immobilières d’économie sociale expérimentées, performantes et innovantes, qui saura bien employer les différents leviers construits dans les dernières décennies », conclut Sébastien Parent-Durand.

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.