Impôts : 5 choses que l'investisseur autonome doit savoir


Édition du 09 Mars 2016

Impôts : 5 choses que l'investisseur autonome doit savoir


Édition du 09 Mars 2016

Par Stéphane Rolland

[Photo : Shutterstock]

L'impôt influe sur la performance à la Bourse. Même s'il est conseillé par un bon comptable, tout investisseur autonome devrait connaître quelques notions de fiscalité afin d'élaborer sa stratégie de placement. Voici cinq choses à savoir qui pourraient vous aider à optimiser vos rendements et à éviter de coûteuses erreurs.

Pour éviter les problèmes, n'oubliez pas de déclarer le gain de change

La débâcle du dollar canadien a fait la joie des détenteurs d'actions américaines. Bien des épargnants l'ignorent, mais le fisc exigera sa part du gâteau pour le rendement lié au gain de change. Et comme la pâte a levé à une vitesse sans précédent, les autorités fiscales pourraient surveiller les erreurs de plus près.

Lorsqu'un investisseur vend des actifs étrangers, il doit prendre en compte l'effet des devises sur ses rendements, confirme Justin Cormier, fiscaliste et conseiller en sécurité financière chez SAFJ, cabinet de services financiers, à Laval. Pour ce faire, il doit calculer son gain ou sa perte en capital en utilisant le coût d'acquisition en dollar canadien au moment de l'achat et la valeur du placement en dollars canadiens au moment de la vente.

Cette règle s'applique même si l'investisseur n'a pas reconverti ses dollars américains en dollars canadiens, poursuit Ricardo Antuña, conseiller sénior, fiducie et service-conseil, Banque Nationale Gestion privée 1859. «Si vous avez vendu Google [Nasdaq, GOOG] dans un compte libellé en dollars américains pour acheter immédiatement des actions de Facebook [Nasdaq, FB] sans conversion de devises, vous devez tout de même calculer le gain sur le taux de change», explique-t-il.

Avec un dollar canadien qui a effacé près du quart de sa valeur en 2014 et 2015, l'effet de la conversion des devises est considérable. Par exemple, le titre de Google s'est apprécié de 44 % en 2015. En convertissant le rendement en dollar canadien, l'investisseur aurait fait 73 %.

En raison de l'importance du gain, bien des comptables et des fiscalistes portent une attention particulière à l'enjeu, constate M. Antuña. Si, dans le passé, le fisc laissait parfois passer certaines erreurs en raison des montants minimes impliqués, il pourrait aujourd'hui redoubler de vigilance. «Ça allait dans les deux sens : il y avait des gains de change qui étaient oubliés, mais aussi des pertes qui n'étaient pas déclarées, note le fiscaliste. Maintenant que la variation est phénoménale, c'est sûr que ça pourrait attirer davantage l'attention.»

L'investisseur autonome devra y porter attention, car il est bien probable que l'information ne lui sera pas livrée «clés en main», prévient M. Antuña. Les détenteurs d'un compte à escompte libellé en dollars américains devront faire leur calcul eux-mêmes. «Vous n'aurez pas accès au bon prix de base rajusté [PBR]. Généralement, le gain n'est pas converti en dollars canadiens et, quand c'est fait, il faut prendre cette information avec des pincettes.»

Le calcul

L'opération se complique si un investisseur achète le même titre à plus d'une reprise, ou si ses dividendes sont réinvestis, souligne M. Antuña. Dans ce cas, il faut calculer chaque réinvestissement au taux du jour de la Banque du Canada pour chaque transaction. En d'autres termes, il faut mettre à jour le PBR en dollars canadiens à chaque achat.

Le calcul est toutefois différent pour le revenu de placement. Si vos dividendes ne sont pas réinvestis, vous pouvez calculer leur valeur en utilisant le taux moyen annuel pour la devise. La même règle s'applique aux autres formes de revenus, comme la distribution versée par des obligations.

REER ou CELI : le bon placement pour le bon compte

Vous faites partie des super épargnants qui ont réussi à maximiser REER et CELI. Vous avez le luxe d'optimiser la répartition de vos avoirs dans vos différents comptes. Voici quelques éléments à prendre en considération.

La règle de base : vous devriez mettre la portion la plus «audacieuse» de votre portefeuille dans votre CELI, et la partie la plus prudente, dans votre REER, explique Éric Brassard, CPA, CA, conseiller en placement et associé chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés. La raison : l'argent dans le CELI est «entièrement à vous». Tous les gains aboutiront ainsi dans vos poches. Vous devriez donc y placer ce qui procurera le meilleur rendement, souligne l'expert.

Dans un REER, une partie des sommes seront imposées lors du retrait. «Il y a moins d'argent qui travaille pour vous dans le REER, tout simplement, ajoute M. Brassard. Vous partagez le risque et les avantages avec le gouvernement. Vous auriez donc intérêt à y mettre la partie la plus prudente de votre portefeuille.»

Par contre, si le CELI est plus avantageux en ce qui concerne les actions (qui procurent un meilleur rendement à long terme), Raphaël Hainault, planificateur financier et fiscaliste à la Financière des professionnels, suggère de ne pas y placer vos titres les plus spéculatifs. «C'est une lame à double tranchant. Un coup de circuit augmentera la taille de cet abri fiscal. Toutefois, vous réduisez l'espace CELI et vous perdez le droit de réclamer une perte en capital lors des revers en Bourse. Je préfère mettre des fonds d'actions diversifiés dans le CELI afin de réduire le risque.»

Pour ce qui est du REER et des comptes non enregistrés, M. Hainault est moins enthousiaste à propos de l'optimisation fiscale. Il préfère garder une pondération semblable dans le REER et le compte non enregistré. «Ça nous donne plus de flexibilité, constate-t-il. Si nos clients doivent faire un retrait, ils pourront choisir entre différentes catégories d'actifs selon les rendements obtenus.»

Évidemment, l'optimisation fiscale n'est pas une invitation à déroger à votre profil d'investisseur, prévient M. Brassard. L'idée est d'investir les placements aux meilleurs endroits possibles tout en respectant votre profil d'investisseur. «Si vous avez un profil excessivement prudent, vous pourriez avoir des revenus fixes dans le CELI. Dans un portefeuille plus dynamique, vous vous retrouverez inévitablement avec des actions dans votre REER.»

Dividendes étrangers et CELI

Bien des investisseurs l'oublient, mais le CELI ne vous protégera pas de l'impôt des États-Unis sur les dividendes versés par des actions américaines. Cela a pour effet de gruger la somme qui vous sera remise de 15 %.

En vertu d'une entente entre Ottawa et Washington, le REER est exempté des retenues. Dans un compte non enregistré, le 15 % sera prélevé, mais vous pourrez demander le crédit d'impôt pour dividende étranger dans votre déclaration de revenus canadienne. Le CELI est le grand oublié de cette entente. Le gouvernement américain fait sa retenue, et vous n'en reverrez jamais la couleur.

En théorie, vous devriez éviter de placer vos actions américaines qui versent un dividende dans le CELI. Mais dans la pratique, il faut y aller au cas par cas, précise M. Brassard. «Si vous avez une action qui s'est appréciée de 42 % et qui verse un dividende de 2 %, la retenue n'est pas bien grave, dit-il. Si vous avez des titres qui versent de généreux dividendes, ça peut avoir un impact. Généralement, je commence par mettre les actions de petites capitalisations canadiennes et les actions américaines qui n'en versent pas dans un CELI.»

Raphaël Hainault estime pour sa part que ça ne vaut pas la peine d'éviter de mettre des actions américaines dans le CELI. Une retenue fiscale de 15 % sur un titre américain versant un dividende de 2 % retrancherait 0,30 point de pourcentage. «Est-ce que je vais me priver de la diversification que me procurent les actions étrangères pour épargner 0,30 % de rendement ? La réponse, c'est "non".»

Un T1135 plus simple pour les détenteurs d'actions étrangères

Si vous détenez de 100 000 $ à 249 999 $ en biens étrangers, remplir le formulaire T1135 de votre déclaration 2015 pourrait être plus simple cette année. L'Agence du revenu du Canada (ARC) a adopté de nouvelles dispositions à un formulaire qui avait causé bien des maux de tête aux contribuables et aux experts.

La nouvelle «méthode de déclaration simplifiée» permettra aux contribuables dont la valeur des biens étrangers se situe entre 100 000 $ et moins de 250 000 $ de remettre un formulaire moins détaillé, explique Ricardo Antuña, de Banque Nationale Gestion privée 1859. Plus précisément, ces contribuables pourront déclarer leurs actifs dans la «partie A» du formulaire.

Dans un premier temps, vous devrez cocher le type de biens que vous détenez. Dans un deuxième, il faudra préciser les trois principaux pays où se trouvent vos investissements. Vous devrez indiquer les revenus totaux provenant de l'ensemble de vos biens ainsi que les gains et les pertes en capital réalisés en vendant des actifs. «Ce sera facile de fournir cette information avec les documents que vous remettra le courtier», assure M. Antuña.

Avant ce changement, les contribuables devaient donner des informations beaucoup plus détaillées sur les titres qu'ils détenaient en portefeuille. Les contribuables ayant des actifs étrangers de plus de 250 000 $ devront continuer à fournir davantage d'informations au fisc.

Dois-je remplir un T1135 ?

Simplifié ou non, vous devez remplir un formulaire T1135 dès que vous détenez l'équivalent de 100 000 $ en biens étrangers. Notez qu'il ne s'agit pas de la valeur des titres, mais bien du prix de base rajusté (PBR). Autrement dit, les variations de la Bourse n'y changeront rien. Toutefois, la dépréciation du dollar canadien pourrait avoir changé la donne une fois la valeur de vos biens étrangers convertie en dollars canadiens.

Notez que les comptes enregistrés comme le REER, le FERR ou le CELI ne sont pas compris dans le calcul. Si vous avez travaillé aux États-Unis et que vous détenez un compte 401k ou un IRA (des comptes de retraite américains), ces comptes sont exemptés.

Le propriétaire d'une résidence à l'étranger ne doit inscrire la valeur de celle-ci que s'il en tire des revenus de location. Bref, si votre condo en Floride ramasse la poussière pendant que vous êtes au Québec, cet actif ne vous oblige pas à remplir un T1135. Les fonds communs et les fonds négociés en Bourse canadiens sont considérés comme des valeurs mobilières canadiennes, même s'ils contiennent des actions internationales.

Les erreurs qui vous font perdre votre perte en capital

La perte en capital est un baume fiscal sur vos mauvais coups à la Bourse. Attention toutefois, certaines décisions de placement pourraient vous faire perdre le précieux avantage fiscal.

À cet égard, la «perte apparente» est le pire ennemi de la perte en capital. Renée Gladu, associée chez Raymond Chabot Grant Thornton à Sherbrooke, nous avait expliqué ce qu'était la perte apparente dans un récent article. Il y a perte apparente lorsque vous achetez le même titre que vous avez vendu dans un délai de 30 jours avant ou après la vente à perte. Une telle transaction vous enlève le droit de réclamer la perte en capital dans votre déclaration de revenus. Il y aura perte apparente, peu importe si le rachat a lieu dans un compte non enregistré ou un compte enregistré.

Par exemple, vous détenez Valeant (Tor., VRX) et croyez que la société pharmaceutique de Laval se remettra des difficultés qui la plombent. Vous décidez de vendre le titre afin d'enregistrer une perte et de le racheter dans votre CELI. Le but : obtenir l'économie d'impôt liée à la perte en capital et mettre votre rendement à l'abri de l'impôt. Si les deux transactions ne sont pas espacées de plus de 30 jours, vous perdrez le droit de réclamer la perte en capital.

Si les deux transactions ont lieu dans un compte non enregistré, il y a toujours une perte apparente. Heureusement dans ce cas, la perte latente n'est pas perdue à tout jamais. Supposons que vous ayez vendu 100 actions de Bombardier (Tor., BBD.B) le 15 décembre dernier et les ayez rachetées le 4 janvier suivant, toujours dans des comptes non enregistrés. Vous ne pourrez pas déclarer la perte latente liée aux titres. Dans cet exemple, le coût d'acquisition initial était de 3 $ par action. Vous les aviez vendues à 1 $ pour une perte latente de 2 $ par titre. Vous les avez rachetées à 1,30 $. «Le prix de base rajusté sera majoré à 3,30 $ pour prendre en compte le coût d'achat de 1,30 $ et la perte latente de 2 $, illustre Mme Gladu. Finalement, vous ne renoncez pas à la perte latente, celle-ci est reportée.»

Le transfert en nature d'un titre vers un compte enregistré est une autre manière de dire «adieu» à votre perte en capital, souligne Mme Gladu. Lorsque vous transférez un titre d'un compte non enregistré à un REER ou à un CELI, vous devez déclarer tout gain en capital réalisé avant le transfert. «Ce qu'on oublie, c'est qu'on perd la possibilité de déclarer la perte en capital dans cette situation, poursuit Mme Gladu. La perte est réputée nulle, et il n'y a pas d'ajustements possibles par la suite.» Bref, transférer un titre perdant vers un CELI ou un REER n'est pas une bonne idée.

Donnez des actions plutôt qu'un chèque

Pour maximiser votre économie d'impôt, donnez des actions plutôt qu'un chèque à vos oeuvres de bienfaisance favorites. Lorsque vous offrez des valeurs mobilières à un organisme de charité, vous êtes exempté de l'impôt sur le gain en capital. Cette économie d'impôt n'est pas négligeable, dit Ricardo Antuña, conseiller sénior, fiducie et service-conseil, Banque Nationale Gestion privée 1859.

En 2015, vous avez fait un don de 1 000 $ à la Croix-Rouge. Ce don vous permettra d'obtenir un crédit d'impôt de 494 $, qu'il ait été fait avec des liquidités ou des valeurs mobilières.

Supposons maintenant que le don de 1 000 $ ait été payé avec des actions d'une société cotée en Bourse, détenues dans un compte non enregistré. Votre prix de base rajusté (PBR) est de 750 $, et le gain en capital latent est de 250 $. Vous êtes donc exempté d'une imposition de 62,46 $ au taux marginal le plus élevé. Autrement dit, vous obtenez le crédit d'impôt de 494 $ en plus d'éviter un impôt de 62,46 $, pour une économie totale de 556,46 $.

Cette mécanique fait en sorte qu'il est désavantageux de vendre des actions pour financer un don. Mieux vaut donner les titres directement. Gardons le même exemple. Vous vendez 1 000 $ du même titre pour faire votre don. Il vous reste donc 937,54 $ après l'imposition, toujours au taux marginal le plus élevé. Un don de 937,54 $ résulte en un crédit d'impôt de 460,90 $. C'est une différence de presque 100 $ par rapport à l'économie citée à l'exemple précédent.

«C'est l'une des rares règles où tout le monde gagne, affirme M. Antuña. Le gouvernement gagne, car vous donnez plus d'argent. Vous gagnez, car vous payez moins d'impôt. Et les organismes philanthropiques récoltent plus d'argent.»

Rappelons que vos dons ne peuvent excéder 75 % de votre revenu net. Si vous combinez les dons de votre couple dans une seule déclaration, vous pourriez accroître votre économie fiscale d'un montant allant jusqu'à 36 $.

Suivez Stéphane Rolland sur Twitter @srolland_la

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