Tout le monde sait que se débrancher de la «bulle Internet» peut faire beaucoup de bien. Mais rares sont ceux qui savent comment. J'ai une astuce assez simple à leur proposer.
L'été dernier, je partais pour la Croatie en voilier ; c'était ma première vraie semaine de vacances depuis la fondation de Busbud, à la fin de 2011. En tant que pdg, ne pas être disponible pour mon équipe, pour gérer une urgence ou un dossier important, me faisait très peur. Cependant, j'avais aussi envie de déconnecter un peu du quotidien et de mon téléphone intelligent. Sinon, pourquoi aller en vacances ?
Pour combiner disponibilité et déconnexion, j'ai commencé par créer un compte courriel séparé : gen@busbud.com. (Vous pouvez demander à votre administrateur de réseau de vous créer une autre boîte ou un alias, ou même utiliser une adresse de type Gmail.) J'ai ensuite configuré mon message automatique d'absence ainsi : «Je suis en vacances jusqu'au 29 juin. Si votre message est urgent, merci de contacter gen@busbud.com». En lisant cette phrase, j'invitais mes correspondants à prendre contact avec ce qui semblait être une collègue prénommée Geneviève, qui traiterait la demande urgente.
Pourtant, je n'avais à ce moment aucune collègue dont le nom commençait par Gen. C'était un alias pour recevoir seulement les messages que mes correspondants jugeraient urgents !
Puis, sur mon téléphone, j'ai désactivé ma boîte de courriel habituelle (lp@busbud.com) et activé seulement gen@busbud.com. Le téléphone permet de le faire facilement par les options de courrier. Le tout a pris environ cinq minutes.
Résultat : j'ai reçu et lu environ sept courriels pendant ma semaine de vacances, environ un par jour. C'est beaucoup moins que les 100 à 200 que je peux recevoir au quotidien en temps normal ! J'avais donc réduit de plus de 100 fois mon temps de lecture.
De plus, cinq des sept courriels que j'ai reçus étaient en effet urgents ou importants selon moi, et j'étais content de pouvoir intervenir directement. En d'autres termes, le ratio signal/bruit était très fort ! De plus, à mon retour, j'ai passé en revue plus de 1 000 courriels dans ma boîte habituelle sans y trouver de vraies urgences critiques que mon système aurait laissé passer. Bilan : deux faux positifs et aucun faux négatif. Merveilleux !
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Pourquoi ça marche
Mais pourquoi ce système est-il si efficace ? Premièrement, il transfère la responsabilité de détection d'urgence ou d'importance à votre interlocuteur. Or, les humains sont capables de reconnaître une situation qui nécessite un suivi urgent avant votre date de retour, et ce, probablement mieux que n'importe quel ensemble de règles automatisées ou d'intelligence artificielle. Deuxièmement, le système place une barrière assez importante pour votre interlocuteur. En créant le compte, je me disais : «Si la personne juge assez important d'obtenir une réponse au point d'entrer en communication avec une personne mystère, je suis prêt à lire ce message».
Traditionnellement, un message d'absence invite votre correspondant à communiquer avec votre collègue ou votre assistante qui s'occupera de répondre. Je trouve cette approche moins efficace. D'abord, cela crée un fardeau pour votre collègue, qui devra gérer tous ces nouveaux courriels et aura bien hâte que vous rentriez de vacances ! Cela abaisse aussi la barrière de communication, et le correspondant peut penser que c'est le devoir de votre collègue ou assistante de répondre à tous ces courriels pendant votre absence.
Ensuite, un message important peut être transféré à un tiers, et vous risquez de ne pas être mis au courant du dossier rapidement (scénario du message dans un «trou noir»). Il vous manquera une vision transparente de la situation ou l'historique dans votre boîte de courriel à votre retour ! Enfin, dans la majorité des cas, votre collègue ou assistante devra de toute façon vous joindre s'il y a vraiment quelque chose d'urgent, ce qui multiplie les courriels dans tous les sens.
Il y a très peu de choses vraiment urgentes dans la vie. Et quand il y en a, votre interlocuteur sera généralement capable de vous le dire. Grâce à ce système, s'il ne le fait pas, ce sera sa faute !
En écrivant ceci, je suis dans l'avion en direction de mes prochaines vacances à Hawaï. À l'atterrissage, je réactiverai mon petit système.
Seule différence cette année : j'ai changé mon adresse d'urgence de gen@busbud.com à lp-urgent@busbud.com. J'ai maintenant une vraie assistante, alors je veux éviter une confusion sur ce plan. J'ai aussi appris l'an dernier que quelques-uns de mes correspondants se demandaient s'il était acceptable de partager certaines informations avec Gen. Cette année, il n'y aura plus cette hésitation. Ce sera bien clair que c'est moi qui vous répondrai, si vous jugez bon d'utiliser le «Bat-Signal» ! (Et si vous utilisez le Bat-Signal d'urgence pour une non-urgence pendant mes vacances, ce sera moi qui remettrai en question votre jugement...)
Pourquoi partager cette astuce ? Au début de l'année, j'ai passé six mois débranché des médias sociaux. Ça a été une expérience importante pour moi. J'ai compris l'importance de tenter de vivre dans le présent, à l'abri des omniprésents réseaux sociaux. Ce stratagème s'inscrit dans la même veine : adapter ses communications pour survivre au déluge. J'ai partagé ce truc avec quelques amis, collègues et investisseurs, qui l'ont adopté avec succès.
LP Maurice est le pdg et cofondateur de Busbud, une entreprise de commerce électronique spécialisée dans le voyage en autobus interurbain partout dans le monde. Il a été le lauréat du prix Arista «Entrepreneur de l'année» (démarrage) en 2014. Précédemment, M. Maurice a travaillé à Silicon Valley chez Yahoo et LinkedIn, et possède un MBA de l'université Harvard. LP Maurice est un ange investisseur et un mentor actif dans la communauté start-up montréalaise. Il est aussi associé de Credo, un accélérateur de projets, ainsi qu'un des instigateurs de La Gare, un espace collaboratif dans le Mile-End, à Montréal. Pour le suivre sur Twitter: @lpmo