Il n'est pas rare d'entendre dire que les ressources humaines représentent le capital le plus important d'une entreprise. Alors, comment se fait-il que plusieurs sociétés optent pour la rationalisation des effectifs en période de récession ? La question mérite l'analyse, car cette stratégie, qui semble rentable à court terme, peut être lourde de conséquences à long terme.
Par Jean-François Ouellet
Lors de mises à pied ou de réductions d'effectifs, il y a rupture du contrat psychologique traditionnel. Celui-ci est un engagement moral par lequel l'employeur, en échange de la loyauté des employés, leur garantit une sécurité d'emploi. Ce bris de contrat peut avoir des effets néfastes à long terme sur le climat, la motivation et le rendement des employés. Autrement dit, l'entreprise s'expose au syndrome du survivant.
Les symptômes
Ce syndrome comporte un ensemble de symptômes qui peuvent affecter les employés restés en poste à la suite d'une restructuration.
Il s'observe à plusieurs signes : colère, culpabilité, sentiment d'injustice, méfiance envers la direction, démotivation, surcharge de travail, baisse de productivité, cynisme, épuisement et départ des employés compétents. Une étude américaine de David Noer a montré que, même cinq ans après la rationalisation des effectifs, on observait toujours la présence de ces symptômes au sein des entreprises de l'échantillon.
Des coûts directs et indirects importants
La rationalisation des effectifs peut générer des coûts imprévus. Une autre étude montre que moins de 50 % des entreprises qui se sont réorganisées réussissent, après cinq ans, à augmenter leur résultat d'exploitation conformément à leurs objectifs initiaux. Les coûts les plus importants sont associés à la baisse de productivité, à l'épuisement relié à la surcharge de travail, à la perte de compétences et de mémoire organisationnelle ainsi qu'au remplacement des employés qualifiés qui auront quitté l'entreprise.
La créativité, source de mobilisation
Dans un contexte économique difficile, pourquoi ne pas s'appuyer sur la créativité des employés plutôt que de les remercier ? Il est possible de miser sur une offensive commerciale ou sur le développement d'affaires, d'engager les employés dans l'analyse et l'optimisation des processus de travail et d'évaluer avec eux la possibilité de réduire le temps de travail ou de baisser temporairement les salaires.
Même si, par ces stratégies, les employés conservent leur poste, l'entreprise n'est pas à l'abri du syndrome du survivant. Si des mesures comme la réduction de salaire deviennent permanentes et que l'entreprise retrouve sa rentabilité, il est fort probable qu'elle fasse malgré tout face à ce phénomène.
Pour réussir à mobiliser les employés relativement aux mesures de redressement, il est primordial qu'ils perçoivent la légitimité de cette restructuration pour la survie de l'entreprise. Si, au contraire, toute cette opération vise seulement à accroître la valeur de l'action, il y a de fortes chances pour que le lien de confiance soit brisé à jamais.
Jean-François Ouellet est CRIA, consultant en développement organisationnel chez Adecco Services-conseils RH.