L’étiquette de musique ATMA Classique célébrait son 20e anniversaire l’automne dernier. Une belle longévité pour l’entreprise montréalaise qui mise sur la qualité et l’originalité pour continuer à s’imposer dans une industrie du disque en pleine mutation.
Depuis sa création en 1994 par Johanne Goyette, ATMA Classique a su faire entendre sa voix parmi les poids lourds de la musique classique. Partie de rien, Mme Goyette a bâti un catalogue riche de 450 titres, qui a permis à ATMA Classique de réaliser en 2013 un chiffre d’affaires de 1,5 million de dollars.
Cette réussite est le fruit d’une stratégie qui mêle production d’artistes vedettes et de disques de niche, projets audacieux et répertoire de classiques réinterprétés. « La qualité de nos produits est constante, explique Mme Goyette. Et à l’occasion, nous produisons des disques qui sortent des sentiers battus, comme Beatles Baroque de l’ensemble Les Boréades, dont le disque s’est vendu comme des petits pains. »
ATMA Classique s’est également inspirée du modèle de la musique pop pour promouvoir ses disques, notamment en tablant sur la mise en avant de ses vedettes : le ténor Marc Hervieux, le chef d’orchestre Yannick Nézet-Seguin ou la soprano Marie-Josée Lord. Leur popularité médiatique et les campagnes de publicité se doublent de fan-clubs sur Facebook, qui constituent des leviers efficaces pour promouvoir des titres.
« Avoir du pif »
« Il est devenu plus facile de s’imposer quand on a eu des artistes vedettes », souligne la présidente d’ATMA Classique. Sa capacité à développer des relations durables avec les artistes a joué un rôle dans sa réussite. Elle s’est occupée du premier disque de Marie-Josée Lord et a commencé à travailler avec Yannick Nézet-Seguin quand celui-ci n’avait que 23 ans. « Il faut avoir du pif ! » dit-elle.
Les albums d’ATMA Classique sont aujourd’hui distribués jusqu’au Japon, mais la force du marché local l’a beaucoup aidé. « À Montréal, il y a un public formidable pour la musique classique, explique l’entrepreneure. En Europe, ils sont jaloux de nous. » Le Québec représente 60 % du marché canadien d’ATMA Classique, qui enregistre le quart de ses ventes à l’international. Le Canada étant un marché de nouveautés, ATMA Classique propose environ 25 albums par an.
Malgré quelques nuits blanches, ATMA Classique n’a jamais été déficitaire. « J’essaie de naviguer entre les différents projets pour trouver un équilibre, précise Mme Goyette. Résultat, l’ensemble du catalogue est rentable, et chaque année je fais des profits. » Des bénéfices qui sont peu élevés, puisque la présidente déclare que sa société ressemble à un organisme sans but lucratif. Cependant, cette passionnée ne cherche pas à être plus gourmande. « J’aime mon entreprise comme cela, affirme celle qui emploie sept personnes. Certains grands acteurs de l’industrie ont des attentes démesurées. »
Ventes de disques en baisse, hausse du téléchargement légal et illégal… Le marché a bien changé en 20 ans. ATMA Classique s’est adaptée à cette évolution en prenant un virage numérique en 2006. Son site Internet dispose d’un espace boutique qui lui permet notamment de continuer à commercialiser des albums sortis il y a 10 ans.
Aujourd’hui, la moitié de ses ventes provient d’Internet, achats de disques par l’intermédiaire du site inclus. La croissance du marché électronique d’ATMA Classique a ralenti depuis un an, mais l’étiquette compte sur le développement du marché du téléchargement en haute définition, à la qualité sonore supérieure à celle d’un CD. « Nous faisons le maximum avec le numérique, nous sommes présents sur toutes les plateformes, déclare Mme Goyette. Actuellement, nous sommes à cheval entre deux formats, car le modèle de distribution numérique reste encore très lié aux albums achetés en entier sur Internet. »
Elle juge toutefois que c’est à l’ensemble de l’industrie de trouver des solutions pour survivre dans un monde où tout est accessible tout de suite et à peu de frais. « On attend de voir la direction prise par les chefs de file, car nous ne pouvons pas faire cavalier seul », considère-t-elle.
Malgré ces incertitudes, Mme Goyette reste sereine quant à l’avenir de son étiquette. « Il y aura toujours de nouveaux artistes qui arriveront sur le marché et qui auront besoin d’enregistrer un disque, estime-t-elle, et il y aura toujours des amateurs de musique classique. » Selon elle, ce n’est pas le marché qui vieillit, mais les consommateurs qui découvrent la musique classique sur le tard.