Si la production manufacturière semble avoir été avalée par la Chine, la conception et la production de prototypes sont des activités encore fermement ancrées au Québec.
Ce créneau est en mutation : non contentes de simplement produire des prototypes selon les spécifications du client, les firmes spécialisées dans ce domaine jouent maintenant un rôle de conseiller et stimulent l'innovation.
" Nous nous spécialisons dans la fabrication de bas volume et de haute complexité - une production qui n'intéresse pas l'Asie. De plus, pour des raisons de confidentialité et pour protéger leurs idées, plusieurs de nos clients préfèrent confier la réalisation de prototypes à une entreprise d'ici ", explique Jacques-Étienne Côté, président de Digico Fabrication Électronique. L'entreprise fabrique toutes sortes de prototypes de produits électroniques, entre autres des composants pour la version australienne du Bixi.
La R-D à l'externe
Renaud Lavoie a fondé Brioconcept, une firme spécialisée en design électronique haute vitesse en 2007. Il remarque lui aussi que la proximité géographique joue en sa faveur. " Nous travaillons de façon tellement étroite avec le client qu'il serait difficile d'être sur un fuseau horaire différent ou même à cinq heures de route. Nous sommes en communication constante. "
Sa firme a adopté l'approche " commando " : des équipes d'ingénieurs triés sur le volet sont formées pour chaque projet en tenant compte des besoins particuliers du client. " La crise économique a favorisé le développement de firmes comme la mienne. Plusieurs entreprises préfèrent aujourd'hui épargner sur la masse salariale associée à la R-D. Ils font appel à nous de manière ponctuelle, au gré de leurs budgets et de leur projets ", ajoute-t-il.
Cette position de consultant modifie la pratique du prototypage. " Nous sommes devenus plus que des exécutants. Nous aidons nos clients à pousser leurs produits plus loin que la certification, par exemple, et à viser la fine pointe ", explique M. Lavoie.
Chez Digico, on adhère aux mêmes valeurs. " On ne changera pas la nature ni le fonctionnement d'un produit, mais on fait plusieurs analyses et suggestions pour l'améliorer et y ajouter de la valeur ", explique M. Côté.
Cette valeur ajoutée apportée par les firmes conseils est toutefois difficile à chiffrer. " Un prototype est facturé à un prix unitaire de fabrication, et tout ce que j'offre en surplus, soit le feedback, les idées, c'est gratuit, précise M. Côté. C'est une décision d'affaires. Je souhaite créer un sentiment de loyauté pour inciter mon client à me confier ensuite sa fabrication. "
Du côté de Polvigé Technologies, spécialisée dans le prototypage mécanique, le président Vincent Mancini voit un autre avantage à l'innovation. " Mon but est de livrer le meilleur produit possible au client, mais il m'arrive de conserver le brevet sur certains composants. Une machine qui coupe le pain peut facilement être modifiée pour servir à d'autres applications - couper de la mousse isolante, par exemple - et être vendue à un autre client. "
Des projets, petits et gros
Les services de prototypage sont-ils réservés aux géants industriels ? Pas du tout. " Plusieurs PME de haute technologie font appel à nous à l'étape du développement de produit. Il n'y a pas de projet trop petit ni trop gros. Selon la complexité du produit et le niveau de recherche préalable atteint par le client, le coût peut varier de quelques centaines de dollars à plusieurs milliers ", détaille M. Côté, de Digico.
Enfin, les délais de fabrication varient également en fonction du projet. Lorsque toutes les pièces sont disponibles localement, les délais peuvent être très courts. " Cependant, certains des composants électroniques que nous utilisons sont aujourd'hui uniquement fabriqués en Asie. En raison des mises à pied massives dans les usines de ce continent, il y a fréquemment des délais de livraison de plusieurs mois ", remarque M. Lavoie.