La première cohorte québécoise de l'accélérateur d'entreprises sociales Impact 8 vient de commencer sa formation. Elle est composée de huit entrepreneurs qui ont huit semaines pour améliorer leur modèle d'entreprise et leur discours afin de convaincre les investisseurs le jour du Demo Day, le 24 novembre. Les Affaires suivra ces six hommes et ces deux femmes tout au long de leur programme.
«Comme entrepreneur social, vous croyez que le monde a besoin d'être changé. Quelle est votre innovation ? demande Stéphanie Baron, consultante en stratégie et formatrice d'Impact 8. Pourquoi devrions-nous acheter vos produits ou vos services ? Qu'est-ce que nous contribuons à éviter ou à améliorer en achetant ceux-ci ?»
Les huit entrepreneurs de la première cohorte québécoise d'Impact 8 ont huit semaines pour répondre à ces questions. Pour changer le monde, ils doivent développer leur fibre entrepreneuriale. C'est le mandat des 15 coachs et des 20 formateurs qui les accompagnent.
Le programme d'accélération Impact 8 a été créé à l'initiative du MaRS Centre for Impact Investing, à Toronto. Depuis 2013, trois cohortes l'ont suivi.
Jour 1
Nous sommes une trentaine dans la salle de L'Esplanade, partenaire québécois du programme Impact 8 : les entrepreneurs, mais aussi des coachs, des mentors et des partenaires. Certains partenaires accueilleront une ou deux sessions de formation dans leurs locaux : la Caisse de dépôt et placement du Québec, Anges Québec, la maison Notman et le cabinet Richter.
«Richter s'implique déjà dans ce secteur par l'intermédiaire de son "Programme en innovation et entrepreneuriat social " lancé l'année dernière», souligne Frédéric Brosseau, vice-président, marketing et développement des affaires, de Richter. Cette collaboration agit comme facteur de rétention et même d'attraction de main-d'oeuvre.
Certains participants sont venus avec un collègue. Marie Fortier, elle, est assise avec sa coach. La fondatrice du site de vidéos mescoursprénataux.com pourra compter sur le soutien de Martyne Huot, fondatrice du site d'information familledaujourdhui.com. Chaque entrepreneur se voit assigner deux ou trois coachs. «Certains ont demandé à être jumelés à certains entrepreneurs, par intérêt pour leur secteur», souligne Alain-Olivier Desbois, responsable du programme Impact 8 pour le Québec.
Martyne Huot juge qu'elle peut aider Marie Fortier à commercialiser son site de vidéos d'accompagnement à la naissance. Après la formation, elles s'envoleront vers la France pour explorer le marché francophone européen.
Guy Gervais, entrepreneur en série et investisseur, mettra son expertise du secteur des technologies propres au service de Marisol Labrecque. L'entrepreneure dirige Ecofixe, qui a mis au point un système de traitement des eaux usées pour les étangs aérés.
Les coachs remplissent plusieurs rôles, dont celui de «ramasser» les entrepreneurs après que les formateurs ont ébranlé leurs certitudes. Cela a été le cas dès la première session qui portait sur le canevas du modèle d'entreprise (business model canvas), une version plus dynamique du plan d'affaires. Au lieu de noircir des feuilles de papier, vous remplissez des cases dans un immense tableau : vos clients, vos concurrents, vos canaux de distribution, vos ressources, vos revenus, etc. Et vous tracez des liens entre les cases.
Trouver des raccourcis
Première question douloureuse : comment recrutez-vous des clients ? «Ce n'est pas parce que vous êtes des entrepreneurs sociaux que le développement des affaires est un luxe, martèle la formatrice. Vous devriez tous avoir un employé qui se consacre à la recherche de clients.»
François-Xavier Michaud, cofondateur d'Exeko, se gratte la tête. Sa firme, spécialisée dans l'inclusion sociale au moyen de l'art et de la philosophie, vise des changements sociaux profonds. «On ne peut pas s'attendre à décrocher des clients instantanément, plaide-t-il. Il nous a fallu cinq ans de négociation pour nouer un partenariat avec la Ville de Montréal.»
Samuel Schoukroun, de Potloc, acquiesce. Potloc est une plateforme permettant aux détaillants d'afficher leurs projets d'ouverture de boutiques et aux citoyens d'exprimer leur désir d'avoir ce commerce dans leur quartier. Pour les petites équipes d'Exeko et de Potloc, le démarchage de clients est un casse-tête. «Changez de méthode ! insiste Stéphanie Baron. Ne cherchez plus de clients, visez plutôt à convaincre des gens qui ont accès à votre bassin de clients. Un entrepreneur a trop à faire, il doit trouver des raccourcis.»
Deuxième question essentielle : comment fixez-vous vos prix ? Beaucoup d'entrepreneurs sociaux pratiquent le cofinancement. Ainsi, certains clients paient plus cher pour financer les rabais offerts à d'autres. C'est le cas de Potloc ; les grands détaillants paient davantage pour afficher sur ce site que les commerçants indépendants.
Même modèle pour Gilles Bernier. Son entreprise, les Ateliers Créatifs, loue 300 000 pieds carrés à des artistes et des entreprises. Les loyers des entreprises financent en partie ceux des artistes. «Comment justifiez-vous les prix plus élevés ? Vous avez une vision et des valeurs, c'est bien. Mais rendez-vous justice à celles-ci en consacrant les efforts nécessaires en communication ?» soulève Stéphanie Baron.
Elle met en garde les participants contre une autre erreur : la vente au rabais. L'entrepreneur social se situe souvent dans des territoires vierges et sous-estime la valeur de son offre.
Mieux exploiter ses sources de revenus
Et les revenus, d'où viennent-ils ? La plupart des entrepreneurs veulent multiplier leurs sources. Retenez-vous, dit la formatrice. «Les revenus, c'est comme les clients, on s'épuise à les chercher, poursuit-elle. Concentrez-vous.» Visez moins de sources et exploitez-les mieux.
«Une femme mariée est toujours plus intéressante qu'une célibataire, constate Mme Baron. Quand vous présentez votre dossier à un investisseur, assurez-vous qu'on voit votre alliance.» Un investisseur apprécie généralement la compagnie d'autres investisseurs pour un projet.
La journée s'achève sur un devoir : préparer un Pecha Kucha sur leur entreprise pour la semaine suivante. Il s'agit d'une présentation de 6,40 minutes comportant 20 diapositives affichées chacune pendant 20 secondes. Ce sera leur troisième présentation depuis qu'ils se sont joints au programme. Il en restera trois autres avant le jour du Demo Day. Et beaucoup d'heures de travail. Changer le monde exige de la passion, mais aussi beaucoup d'organisation.
Rencontrez les participants de la première cohorte québécoise de l'accélérateur d'entreprises sociales Impact 8 sur lesaffaires.com/videos.