Le secteur de l'agriculture a beau vivre son lot de difficultés, celui de la machinerie agricole tire bien son épingle du jeu. Le Groupe Anderson, de Chesterville, près de Drummondville, qui multiplie les percées à l'étranger, en est un bel exemple.
États-Unis, Brésil, Allemagne, Bénin, Japon, Australie... Dans le bureau de Patrice Desrochers, tous ces pays et une trentaine d'autres sont marqués d'un point rouge sur une immense mappemonde affichée au mur. " C'est un tableau de ventes qui commence à peine à se remplir ", indique le vice-président de Groupe Anderson, qui a traversé l'Atlantique une bonne douzaine de fois depuis un an.
Depuis novembre 2009, les ventes de cette PME de la MRC d'Arthabaska, qui fabrique des équipements agricoles et d'exploitation forestière, explosent. Particulièrement en Europe où son produit, le Biobaler, une presse à biomasse unique au monde, fait fureur.
Il a suffi que l'entreprise présente son nouveau-né lors d'une méga-exposition agricole en Allemagne pour qu'une vingtaine d'unités trouvent preneur en terre européenne en moins d'un an. Groupe Anderson prévoit doubler ce nombre au cours de la prochaine année. Au total, ces contrats totaliseront près de 9 millions de dollars (M$). Plus de la moitié du chiffre d'affaires actuel de 15 M$.
Le Biobaler est une invention issue de l'imagination de deux étudiants en génie de l'Université Laval, Luc D'Amours et Frédéric Lavoie, aujourd'hui devenus actionnaires de l'entreprise. Cette machine récolte et transforme des plantes, des arbres et des broussailles en une balle ronde de 4 pieds de diamètre. Un produit idéal pour nettoyer les bords d'autoroute, les champs en friche... et pour alimenter les producteurs européens de biomasse.
Actuellement, ces producteurs se servent d'une fourragère pour leur récolte. Un équipement qui, jumelé à d'autres machines, nécessite plus de 1 M$ en investissements. " Notre machine coûte cinq fois moins cher...et elle produit une balle uniforme à haut rendement calorifique ", dit M. Desrochers.
Une tradition d'innovation
Le Biobaler est l'une des cinq meilleures innovations technologiques qui aient été retenues en 2010, lors de l'Agricultural Equipment Technology Conference (AETC), tenue à Atlanta, en janvier dernier. Cela devrait faciliter son entrée chez nos voisins du sud. Une autre machine agricole de l'entreprise, soit l'enrobeuse tubulaire XTractor, a, elle aussi, été l'une des 50 innovations de l'année.
Les enrobeuses ont constitué le principal gagne-pain de Groupe Anderson depuis sa fondation, en 1988. " Elles ont représenté plus de la moitié des ventes pendant 20 ans ", souligne M. Desrochers. L'entreprise, qui emploie plus de 85 personnes, demeure toujours le plus important fabricant d'enrobeuses en ligne au monde. Vendu principalement aux États-Unis et au Québec, le produit est reconnu pour préserver les valeurs nutritives d'un foin humide, propre aux récoltes du Nord-Est américain aux prises avec les aléas du climat.
Ces machines permettent aussi aux utilisateurs de réduire de 40 % l'usage d'emballage de plastique. Et, à ce propos, Groupe Anderson produit aussi une Écopress, destinée à récupérer le plastique une fois utilisé. " La venue du Biobaler a permis de diversifier nos produits, nos marchés et d'assurer l'avenir de l'entreprise qui reposait un peu trop sur les enrobeuses ", concède Patrice Desrochers.
Groupe Anderson a toujours bénéficié d'un solide réseau de distribution et démontré une forte capacité à innover. La distance entre son emplacement et les grands centres et les principaux ports n'a jamais constitué un obstacle. Cette PME de Chesterville a justement développé des astuces pour faciliter le transport de ses produits. La plupart des modèles se rétractent. Au lieu de trois, le même conteneur peut loger dix machines. Cette façon de faire rend l'entreprise très concurrentielle malgré le prix plus élevé de ses équipements haut de gamme... et une devise canadienne qui ne cesse d'être vigoureuse par rapport au dollar américain.
Une restructuration qui porte ses fruits
Chez le Groupe Anderson, cela ne bouge pas seulement sur la scène internationale, mais également à l'intérieur de l'entreprise. En juillet 2009, le fabricant s'est départi de sa division de découpage au laser, un service créé en 2005 en raison de la forte demande de ce marché. Conséquence : plus du quart des 112 employés de la plus importante PME de Chesterville, un village d'à peine 850 âmes, ont été mis à pied.
La direction ne les a pas laissés à leur sort. " Nous avons utilisé tous nos contacts pour aider nos employés à se trouver un boulot. En moins de deux semaines, 95 % d'entre eux avaient réussi ", dit le vice-président.
Cette restructuration a fait de la place au nouveau produit-vedette, le Biobaler. Elle a également incité les deux principaux actionnaires de l'époque, Dany Poisson et Ghislain Bernier, à entamer le processus de relève auprès de la jeune garde. Soutenu par Capital régional et coopératif Desjardins, Patrice Desrochers et les deux créateurs du Biobaler, Luc D'Amours et Frédréric Lavoie, sont, depuis janvier 2010, les actionnaires du groupe.