Le jeune entrepreneur costaricain Alejandro Brenes, 28 ans, participe au Forum économique mondial de Davos en compagnie de 49 autres Global Shapers. Ces jeunes de moins de 30 ans ont été invités à participer au débat aux côtés des poids lourds du monde économique, social et politique.
Diane Bérard - Vous êtes présentement à Davos pour participer au Forum économique mondial. Qui vous a invité?
Alejandro Brenes - Je suis ici avec la délégation des 50 Global Shapers. Il s'agit d'un groupe diversifié de jeunes de moins de 30 ans [globalshapers.org]. Au total, on trouve 3 127 Global Shapers dans le monde. Ils sont répartis dans 302 villes. Ce groupe a été créé par le Forum pour donner une voix aux jeunes. Chaque année, 50 d'entre eux sont sélectionnés pour participer à la grande conférence de Davos. Le reste de l'année, les Global Shapers sont actifs dans leurs communautés, entre eux et avec les influenceurs internationaux.
D.B. - Parlez-nous de vous.
A.B. - J'ai 28 ans. Je suis Costaricain, fils et petit-fils d'entrepreneurs. Ma mère possède une ferme laitière. Mon père élève des veaux et cultive la canne à sucre ainsi que les pommes de terre. Après un détour dans le secteur financier pour une filiale sud-américaine de Bain Capital (Mesoamerica), je me suis lancé en affaires dans le secteur de l'énergie solaire. Mon entreprise, Enertiva Costa Rica, mène 3 000 projets résidentiels en Amérique centrale.
D.B. - Enertiva Costa Rica est-elle votre première entreprise?
A.B. - Pas tout à fait. À l'université, j'organisais des partys qui accueillaient entre 3 000 et 5 000 personnes. Ça me permettait de m'amuser, beaucoup, tout en faisant de l'argent.
D.B. - Quel genre d'étudiant étiez-vous?
A.B. - J'étais bon, mais pas parfait. J'avais plutôt la tête à organiser des partys ! Et puis, le monde de l'éducation a besoin d'évoluer. On nous enseigne toutes sortes de modèles construits sur des hypothèses qui ont bien peu à voir avec la vraie vie. On ferait mieux de nous enseigner un peu plus d'intelligence émotionnelle. Ça nous serait plus utile. Surtout aux futurs entrepreneurs.
D.B. - Qu'est-ce qui a façonné le plus le Global Shaper que vous êtes?
A.B. - J'ai visité 40 pays sur trois continents. Ces voyages ont encore plus contribué à ce que je suis que mes études ou mon expérience professionnelle.
D.B. - À peine 50 des 3 127 Global Shapers vont à Davos. Pourquoi vous?
A.B. - Je crois que mes secteurs d'intervention y sont pour beaucoup. Je travaille dans l'industrie des énergies renouvelables, un dossier d'actualité. Et je suis pas mal visible. Auprès de la population avec laquelle je fais beaucoup d'éducation à propos de l'énergie solaire. Auprès du gouvernement, afin que l'on adapte le cadre réglementaire pour cette nouvelle forme d'énergie. Je suis aussi impliqué dans ma communauté. Je collabore à l'ONG Yo Emprendedor [Moi entrepreneur], qui construit un écosystème entrepreneurial au Costa Rica. L'entrepreneuriat fait partie des dossiers prioritaires du Forum. J'ai la chance de vivre dans un petit pays, il est plus facile de bâtir sa notoriété.
D.B. - Pour plusieurs, Davos est une rencontre élitiste où les mêmes participants se retrouvent entre eux d'année en année...
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D.B. - Pour plusieurs, Davos est une rencontre élitiste où les mêmes participants se retrouvent entre eux d'année en année...
A.B. - J'ai entendu les critiques. J'ai vu les caricatures. Et je comprends que l'on puisse penser ainsi. Mais le Forum a ouvert ses portes aux moins de 30 ans. Nous devons saisir cette occasion. Nous amorçons notre vie professionnelle, et cette conférence accueille des gens qui peuvent changer notre vie.
D.B. - Quelle est votre image de Davos?
A.B. - C'est le lieu où Bill Gates et Richard Branson viennent pour échanger sur les grands problèmes de l'humanité et décider où ils investiront leur fortune pour les résoudre.
D.B. - Vous avez participé au «off-Davos», qui se tient chaque année en Chine. Racontez-nous.
A.B. - Il s'agit de la conférence annuelle des nouveaux champions, aussi appelée «Davos d'été». Elle se déroule à Dalian, en Chine. Centrée sur la science, la technologie et l'innovation, elle accueille des pdg d'entreprises à forte croissance, des entrepreneurs sociaux, des pionniers de la technologie, des jeunes leaders et des jeunes scientifiques. Pour moi, ces conférences d'envergure doivent toujours avoir un effet local. On y va pour ramener chez nous les meilleures idées d'ailleurs. Le but ultime, c'est d'améliorer notre communauté.
D.B. - Qu'avez-vous tiré de ce Davos chinois?
A.B. - La foi. Je suis revenu gonflé d'optimisme à propos de l'avenir. C'est essentiel. Sans optimisme, il est difficile de se mettre en marche.
D.B. - Et qu'est-ce que votre communauté tire de votre passage là-bas?
A.B. - J'ai rencontré un Vénézuélien engagé, lui aussi, dans le développement de l'entrepreneuriat. On a causé lobby auprès du gouvernement, sélection de projets et financement.
D.B. - Quelle sera votre contribution à Davos?
A.B. - Je participe à un panel sur l'entrepreneuriat en compagnie d'un membre du Parlement suisse, d'un autre Global Shaper ainsi que d'un Young Global Leader (moins de 40 ans).
D.B. - Quel sera votre message aux riches et puissants de ce monde?
A.B. - L'âge moyen de la planète est de 27 ans. Et le poids des jeunes se fait encore plus sentir dans certaines régions du monde, dont la mienne. Il est temps d'inclure les jeunes de ces régions, et des autres, dans toutes les décisions. Nous nous soucions du sort de la planète et nous avons des idées pour résoudre les grands problèmes qui l'affligent.
D.B. - Qu'attendez-vous de Davos?
A.B. - Que cette rencontre change ma vie ! Qu'elle me propulse plus loin. C'est déjà amorcé avant même que je n'y mette les pieds... Je m'apprêtais à tenter un contact préconférence avec les pdg des grandes sociétés d'énergie qui seront à Davos. J'espérais décrocher des rendez-vous. L'incroyable est arrivé : ce sont eux qui sont entrés en contact avec moi pour solliciter des rencontres ! Cet épisode me prouve que l'apport des jeunes est pris en considération.
D.B. - Êtes-vous nerveux?
A.B. - Je ne peux pas me le permettre. Je passerais à côté d'une occasion en or pour moi, mon entreprise et mon pays.