Brian Scudamore gagne des millions en ramassant nos déchets. 1-800-GOT-JUNK ? débarrasse les Canadiens, les Américains et les Australiens de leurs petits et gros objets inutiles. Plus de 61,3 % est recyclé ou réutilisé. Présente dans toutes les villes d'envergure, 1-800-GOT-JUNK ? compte 176 franchises, 25 000 employés et des revenus de 105 M$ US. J'ai joint son fondateur à ses bureaux de Vancouver.
DIANE BÉRARD - Votre idée d'entreprise est tellement simple, pourquoi personne n'y a-t-il pas pensé avant ?
BRIAN SCUDAMORE - Les entrepreneurs cherchent tous l'idée du siècle. Celle qui réinventera les règles du jeu. Ils passent ainsi à côté d'un tas d'occasions d'affaires. Moi, je ne réinvente pas les règles du jeu. Je me contente de professionnaliser des industries simples et négligées. Le secteur du ramassage de déchets a toujours été atomisé et chaotique. J'ai imaginé un concept, des normes et un niveau de service qui m'ont permis de construire une entreprise qui emploie 25 000 personnes et génère des revenus de 105 millions de dollars américains.
D.B. - Vous déplorez le fait que vous n'avez pas de concurrent. Pourquoi ?
B.S. - Un concurrent vous pousse à vous améliorer.
D.B. - Qu'est-ce qui a remplacé la pression de la concurrence dans votre cheminement ?
B.S. - Mes erreurs ! Dans la vingtaine, je me croyais capable de tout. Lorsque l'entreprise a grossi, j'ai dû reconnaître mes limites. Je devais corriger mes faiblesses ou développer mes forces. Me concentrer sur mes faiblesses n'avait rien d'attirant. J'ai plutôt recruté un pdg et des cadres doués pour m'appuyer.
D.B. - Cinq ans après le lancement de 1-800-GOTJUNK ?, vous avez licencié tous vos employés. Pourquoi ?
D.B. - Cinq ans après le lancement de 1-800-GOTJUNK ?, vous avez licencié tous vos employés. Pourquoi ?
B.S. - Je les avais mal recrutés et mal formés. J'ai commis l'erreur de nombreux entrepreneurs : j'ai recruté trop vite. J'ai voulu pourvoir des postes au lieu de recruter les bons candidats. Et, une fois mes employés recrutés, je ne leur ai pas consacré suffisamment de temps. J'ai abdiqué mon devoir de patron. J'aurais dû aller avec eux dans les camions, chez les clients, pour qu'ils comprennent pourquoi et comment notre entreprise fait les choses autrement. C'est ce que j'ai fait par la suite. Et j'illustre chaque fois mes attentes par des histoires et des exemples.
D.B. - Vous avez lancé l'entreprise en 1989, mais c'est en 1998 que vous avez dessiné votre premier plan de match. Pourquoi à ce moment ?
B.S. - Les entreprises du même âge que la mienne avançaient toutes plus vite. J'étais prisonnier de mon million de dollars de ventes. Impossible d'aller plus loin. Il me manquait des buts. Le 17 septembre 1998, j'ai passé la journée à réfléchir et à griffonner des notes sur le quai de la résidence d'été de mes parents en banlieue de Vancouver. J'ai dessiné le futur de 1-800-GOT-JUNK ?.
D.B. - Comment vous y êtes-vous pris pour établir votre vision et vos buts ?
B.S. - J'ai cessé d'être négatif. Je suis sorti de la spirale « je ne peux pas », « je n'ai pas l'équipe ». Alors, les idées ont jailli. Je me suis donné un modèle : être le FedEx du ramassage de déchets. Pour moi, FedEx est une entreprise fiable, aux employés souriants et au service irréprochable. J'ai aussi visé un territoire : les 30 plus grandes villes nord-américaines. Pourquoi trente ? Parce que l'Amérique du Nord compte 30 villes plus grandes que Vancouver, celle où j'ai lancé 1-800-GOT-JUNK ?.
D.B. - Les employés qui n'ont pas totalement adhéré à votre vision ont dû partir. Était-ce nécessaire?
D.B. - Les employés qui n'ont pas totalement adhéré à votre vision ont dû partir. Était-ce nécessaire ?
B.S. - Oui. J'ai laissé aller ceux qui ne partageaient pas ma vision, qui ne la comprenaient pas ou qui n'étaient pas excités par elle. Tout entrepreneur devrait faire de même. Lorsque Steve Jobs recrutait, il plaçait un prototype Apple entre lui et le candidat. Si les yeux de ce dernier ne brillaient pas devant la techno, c'en était fait du candidat.
D.B. - En 1998, vous aviez comme but de participer à l'émission d'Oprah Winfrey, une drôle d'idée pour un entrepreneur...
B.S. - J'ai toujours admiré Oprah, j'avais envie de la serrer dans mes bras. Mais je ne suis pas allé sur son plateau uniquement pour me faire plaisir ou par vanité. Pour moi, les entrevues à la télé et à la radio représentent de la publicité gratuite. Je voulais percer aux États-Unis, et je savais que la reconnaissance d'Oprah ferait sonner le téléphone. C'est ce qui est arrivé. Plus de 35 millions de personnes ont vu ma prestation en 2003. La réaction a été incroyable. Plusieurs d'entre eux sont devenus des franchisés ou des clients.
D.B. - Vous avez aussi participé à la version canadienne de l'émission Undercover Boss. Vous déguiser ainsi vous a-t-il permis d'apprendre quelque chose sur votre entreprise ou vos employés ?
B.S. - Pas grand-chose. L'exercice est amusant, mais artificiel. Demander à un pdg de se déguiser pour personnifier pendant quelques jours un nouvel employé serait utile s'il n'y avait pas de caméras. Les employés ne sont pas naturels, personne ne va se plaindre des clients, de ses collègues ou de son patron devant un auditoire. Je ne considère pas que j'ai vu ma vraie entreprise.
D.B. - Vous êtes un décrocheur. Devenu entrepreneur, vous êtes retourné à l'école, au MIT, puis à Harvard. Pourquoi ?
B.S. - On naît leader, mais on devient entrepreneur. Avoir des idées est une chose. Les faire fleurir en est une autre.
D.B. - Au MIT vous avez suivi le programme Birthing of Giants. De quoi s'agit-il ?
B.S. - C'est un programme destiné aux entrepreneurs qui cherchent à faire passer leur entreprise au prochain niveau. On accepte une soixantaine d'entrepreneurs par promotion. J'ai obtenu mon diplôme en 2004. Depuis, mes collègues et moi nous retrouvons chaque année au MIT pour une série de conférences et d'échanges. Mais, d'année en année, nous parlons de moins en moins de nos affaires et de plus en plus de notre rôle d'entrepreneur dans la société, de ce que nous voulons léguer, etc.
D.B. - Comment stimulet-on l'entrepreneuriat auprès de la relève ?
B.S. - D'abord, élevons nos enfants pour qu'ils aient confiance en eux. Les entrepreneurs échouent non pas faute d'idées, mais parce qu'ils n'osent pas passer à l'action. Ensuite, évitons d'enfermer les jeunes dans des modèles de carrières traditionnelles. Offrons-leur une autre voie.