Sans tambour ni trompette, la Caisse de dépôt et placement du Québec a complètement transformé sa gestion du risque ces dernières années. L'institution investit non seulement sur la base du risque absolu, mais elle analyse aussi de plus en plus des facteurs qualitatifs, comme le risque géopolitique.
Par exemple, depuis 2013, la Caisse de dépôt a remplacé la limite de risque actif qu'elle s'impose par une limite de risque absolu. Bref, au lieu de tenter de battre les marchés ou les indices, ses gestionnaires de portefeuille essaient plutôt d'atteindre une cible précise de rendement.
«Par exemple, si nous avons une cible de 6,5 % dans un secteur, toute mon organisation interne et mes cibles d'investissement vont être fonction de ces 6,5 %», explique Claude Bergeron, premier vice-président de la direction des risques à la Caisse.
Dans un entretien en marge de la conférence du Global Risk Institute (GRI) qui s'est récemment tenue à Montréal, Claude Bergeron souligne que cette stratégie représente un changement majeur dans la gestion du risque de l'institution. «Tout a changé au quotidien. C'est une autre culture. C'est l'approbation d'un investissement, ce sont les discussions sur un investissement, sur la stratégie.»
Aux yeux de Michel Maila, pdg du GRI, l'approche de la Caisse - qui est membre de cet institut - est «très cohérente», car elle met l'accent sur un horizon d'investissement à long terme. «Les marchés financiers sont malheureusement encore dominés par des joueurs à très court terme, dont l'échéance est de 30, 60 et 90 jours.»Simulation de crises
Pour déployer cette stratégie, la Caisse a investi de l'argent depuis 2009 pour se doter de nouveaux outils de gestion du risque, dont des tests de tension - stress test, en anglais. Par exemple, les analystes font revivre la crise financière de 2008 au portefeuille global de la Caisse afin de voir comment il réagit et de déterminer les investissements les plus à risque.
Récemment, les analystes en gestion du risque ont même simulé une aggravation de la crise politique en Ukraine, avec une interruption des exportations de gaz naturel de la Russie en Europe. L'objectif ? Évaluer l'impact qu'aurait cette rupture sur le prix mondial du gaz et le portefeuille de la Caisse. «Ce sont des choses que nous n'étions pas en mesure de faire auparavant», dit Claude Bergeron.
Le monde multipolaire, ou quand la puissance est partagée par plusieurs pôles, et instable dans lequel nous entrons fait d'ailleurs en sorte que l'institution s'intéresse davantage au risque géopolitique, d'autant plus qu'elle investit de plus en plus dans les marchés émergents. «On a commencé à se soucier beaucoup du risque des pays émergents depuis trois ans», dit Claude Bergeron.
Pour mieux analyser et gérer ce risque, l'institution a par exemple recruté en août Rashad Kaldany, ancien chef des opérations de la Société financière internationale (SFI), le bras financier de la Banque mondiale. Il occupe le poste de premier vice-président, pays émergents.
La gestion du risque géopolitique est difficile, car elle repose sur l'analyse de facteurs qualitatifs. Par exemple, des spécialistes en relations internationales estiment que la lutte à la corruption en Chine pourrait en fait cacher une lutte féroce de pouvoir au sein du parti communiste.
Le cas échéant, une telle crise politique pourrait avoir un impact sur la croissance chinoise et sur les investissements de la Caisse dans les sociétés canadiennes qui produisent des ressources naturelles. «Si la Chine n'atteint pas la croissance qui est envisagée, il y aura un effet automatique sur le Canada», résume Claude Bergeron.
En 2013, la Caisse a réalisé un rendement de 13,1 %, et elle gérait un actif net de 200,1 milliards de dollars canadiens au 31 décembre.