Salaire minimum, congé parental, emplois atypiques... Le monde du travail change. Faudrait-il revoir les règles qui l'encadrent ?
«Il ne s'agit pas de remettre en question les principes de la loi, mais plutôt d'atténuer certains impacts négatifs qu'elle a, au quotidien, sur de très petites entreprises», explique Martine Hébert, vice-présidente pour le Québec et porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Elle pense d'abord aux hausses du salaire minimum. Selon elle, lorsque le salaire d'employés récemment embauchés augmente annuellement, cela met une pression sur les dirigeants pour hausser aussi le salaire des travailleurs qui gagnent plus.
Elle cite aussi le congé parental du deuxième parent, qui peut quitter son travail pour plusieurs mois, à trois semaines d'avis. «Une entreprise de cinq travailleurs qui en voit un partir vient de perdre 20 % de son personnel, note-t-elle. À trois semaines d'avis, ça fait mal !»
Les travailleurs atypiques
Carole Henry, responsable des dossiers politiques et porte-parole de l'organisme Au bas de l'échelle, s'inquiète plutôt du sort des travailleurs atypiques (à temps partiel, surnuméraires, contractuels, etc.). Le Québec comptait 1,43 million d'emplois atypiques en 2009, selon l'Institut de la statistique du Québec. «Nous souhaitons la fin des disparités de traitement (avantages sociaux, fonds de retraite, etc.), basés sur les différences de statut entre des employés faisant le même travail dans une entreprise, ou une compensation financière pour les travailleurs désavantagés.»
Carole Henry croit que des trous dans la Loi sur les normes du travail permettent la multiplication des statuts d'emploi. Elle pense notamment aux «faux travailleurs autonomes», qui n'ont en fait qu'un seul employeur, et aux travailleurs fournis par des agences de placement.
Ces derniers peuvent oeuvrer pendant des années dans une entreprise, sans bénéficier du même salaire ou des mêmes avantages et protections que leurs collègues. En cas de congédiement injustifié, par exemple lorsqu'une travailleuse tombe enceinte, il est difficile d'avoir des recours, puisque l'entreprise n'est pas légalement considérée comme l'«employeur». Au bas de l'échelle plaide pour une coresponsabilité de l'entreprise et de l'agence, qui seraient toutes deux considérées comme l'employeur.
Plus de flexibilité pour tous
Les soucis sont différents du côté du Conseil du patronat (CPQ), mais proviennent aussi de l'évolution de l'organisation du travail. «Il ne s'agit pas de diminuer le degré de protection des travailleurs, mais de moderniser une loi un peu trop rigide», affirme François-Guy Lamy, directeur, affaires juridiques au CPQ.
Il juge par exemple très lourde la gestion des recours. Le système actuel permet la superposition de recours différents dans un même litige. Ainsi, lors d'un congédiement, un travailleur pourrait intenter un recours en vertu des dispositions sur le congédiement injustifié, un autre en vertu de l'article sur les pratiques interdites (par exemple, si le congédiement est intervenu pendant un congé de paternité) et un troisième en vertu des règles sur le harcèlement psychologique. «Il devient ardu pour l'employeur de traiter tous ces recours», poursuit-il.
Rachel Solyom, associée chez McCarthy Tétrault, s'interroge plutôt sur les dispositions concernant les heures supplémentaires. «Le Québec est la seule province où tous les travailleurs, sauf les cadres, y sont assujettis, note-t-elle. Ailleurs, certaines catégories d'employés, par exemple les professionnels des TIC, sont exemptées.» Cela correspond mal à la réalité des salariés oeuvrant par projet, comme dans le secteur du jeu vidéo, où ils travaillent un grand nombre d'heures par semaine pendant quelque temps, puis vivent une période d'accalmie.
Adoptée en 1980, la Loi sur les normes du travail garde toute son utilité. Mais elle bénéficierait d'une mise à jour.
La construction s'adapte aux nouvelles règles
La construction s'adapte aux nouvelles règles
La poussière retombe lentement sur les affrontements qui ont entouré l'élimination du placement syndical. Reste à roder le nouveau système, en fonction depuis le 9 septembre. Employeurs et travailleurs de la construction peuvent se rencontrer par l'intermédiaire du Carnet référence construction, une plateforme Web de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Les employeurs font connaître leurs besoins de main-d'oeuvre sur le Carnet, et les syndicats en sont tous informés simultanément. L'employeur recevra donc des listes de références de tous les syndicats. «Cela évitera à des salariés de se sentir laissés de côté sur certains projets en raison de leur affiliation syndicale», avance Suzanne Filiatrault, chef de section à la CCQ.
Donner une chance au coureur
Ces changements font le bonheur de la CSN-Construction. «Les syndicats voient beaucoup d'offres d'emploi qu'ils ne voyaient pas avant, parce que des employeurs faisaient affaire avec un seul syndicat», soutient Pierre Brassard, président de la CSN-Construction. Il admet que, sur le plan des procédés et des systèmes informatiques, le syndicat poursuit son travail d'adaptation. «Ça s'améliore de semaine en semaine.»
Pour la FTQ-Construction, qui s'est opposée vigoureusement à l'abandon du placement syndical, la pilule reste difficile à avaler. «Dans l'ancien système, on pouvait vérifier la réputation des employeurs, rappelle l'ex-directeur général du syndicat, Yves Ouellet. Quand une compagnie traitait mal ses employés, on n'y envoyait personne. Maintenant, ces compagnies peuvent contacter directement les travailleurs et leur imposer des conditions parfois douteuses.»
Reste que pour l'instant la FTQ-Construction est en attente. «Avant de donner notre opinion, on va donner la chance au coureur», conclut Yves Ouellet. J.-F.V.